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Sciences Po bloqué : la droite sénatoriale dénonce « la pensée totalitaire d’une minorité d’extrême gauche »

La mobilisation de plusieurs dizaines d’étudiants en soutien aux Palestiniens se poursuit à Sciences Po. Après avoir été délogés par les forces de l’ordre dans la nuit de mercredi à jeudi, les étudiants occupaient toujours les lieux ce vendredi. Une action en miroir de celles qui ont lieu sur les campus américains. La droite sénatoriale dénonce l’importation « du wokisme » d’outre Atlantique.
Simon Barbarit

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Un mois après la polémique autour d’accusations d’antisémitisme lors d’une conférence pro-palestinienne, la prestigieuse école de la rue Saint Guillaume est encore l’objet de toutes les attentions. Depuis mercredi soir, plusieurs dizaines d’étudiants, militants ou sympathisants du comité Palestine Sciences Po occupent les locaux de l’école.

Ce comité demande de la part de l’école « une condamnation claire des agissements d’Israël par Sciences Po » et « la fin des collaborations » avec toutes « les institutions ou entités » jugées complices « de l’oppression systémique du peuple palestinien ». Il demande en outre l’arrêt de « la répression des voix pro-palestiniennes sur le campus ».

« Nous ne sommes pas dans un dialogue, mais face à une volonté de blocage et de pression sur les étudiants juifs »

Cette action intervient alors que se déroulent actuellement des mobilisations similaires sur les campus américains, notamment à Columbia (New-York) qui dispose de plusieurs doubles diplômes avec Sciences Po.

Une situation qui alarme la majorité sénatoriale de la droite et du centre, notamment le président de la commission de la culture et de l’Education du Sénat, le centriste Laurent Lafon qui a lancé une « mission flash » sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur à la suite de la conférence pro-palestinienne du mois dernier. « Il faut avoir à l’esprit ce qu’il se passe aux Etats-Unis. Nous ne sommes pas dans un dialogue mais face à une volonté de blocage et de pression sur les étudiants juifs. Il faut bien sûr débattre des sujets d’actualité dans un établissement qui forme les responsables politiques de demain. Mais ce débat doit être encadré et nécessite le contradictoire. Mais il y a une volonté chez certains de politiser ce débat en utilisant Sciences Po à des fins partisanes et plus généralement en voulant déstabiliser les universités ».

Une référence au leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon qui a adressé un message audio aux étudiants mobilisés « pour la paix et le respect des frontières ». « La jeunesse de Sciences Po est l’honneur de notre pays face au génocide », a-t-il salué sur X, quelques jours après avoir tenu une conférence sur place. Septième sur la liste LFI et d’origine palestinienne, Rima Hassan s’est rendue sur place pour apporter son soutien.

« Le wokisme et l’antisionisme deviennent le masque de l’antisémitisme »

« Nous sommes en train d’importer les pires dérives des campus américains dans nos universités. Notamment à Sciences Po qui devient le fer de lance de l’intolérance. Et où le wokisme et l’antisionisme deviennent le masque de l’antisémitisme », tance le patron de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau. Bien sûr, il faut préserver les conditions d’un débat, la tradition de la pensée critique. Mais la minorité d’extrême gauche qui prend en otage les étudiants veut tout sauf un débat. Elle prône une pensée totalitaire qui est l’inverse de l’esprit universitaire », ajoute-t-il.

Sur BFMTV, la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau a fustigé « le jeu dangereux » de La France Insoumise dans la mobilisation menée « à des « fins électorales ». Et a accusé les leaders du mouvement d’être des « irresponsables » en faisant la promotion de « l’anarchie » sur les campus.

Le président du groupe LR appelle le gouvernement « à la plus grande fermeté » pour faire cesser ces blocages. « La direction de Sciences Po est en partie responsable. Depuis de trop longues années elle a laissé faire ces dérives dans une forme de pasdevaguisme ». Laurent Lafon abonde et plaide « pour que les procédures disciplinaires soient simplifiées afin d’être plus efficace et plus rapide ».

Suite à la démission du directeur de Sciences Po, Mathias Vicherat, mis en cause dans une affaire de violences conjugales, l’administrateur provisoire, Jean Bassères avait demandé mercredi soir l’intervention des forces de l’ordre pour déloger les étudiants.

La gauche divisée sur le recours aux forces de l’ordre

« C’est ce qui a provoqué l’escalade. C’était totalement disproportionné pour un mouvement non-violent qui dénonce un génocide en cours et demande le respect du droit international », fustige la sénatrice écologiste, Raymonde Poncet-Monge. Auditionné le mois dernier au Sénat, Alban Hautier, le secrétaire général de Sciences Po, avait déclaré que le recours à la force publique était « exceptionnel dans un établissement d’enseignement supérieur » d’autant plus lorsqu’il n’y avait ni « dégradation », ni « violences physiques ». La gauche semble néanmoins divisée sur l’opportunité de la part de la direction de l’établissement d’avoir eu recours aux forces de l’ordre.

Sur BFMTV la tête de liste PS-Place Publique aux Européennes, Raphaël Glucksmann déclaré que « la direction de Sciences Po avait le droit d’évacuer » les étudiants. « Est-ce qu’on est capable d’organiser des discussions avec ceux qui ne partagent pas le point de vue ? Et jusqu’ici, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas le cas », a-t-il ajouté.

« On n’envoie pas les CRS pour déloger des étudiants pacifiques. La jeunesse n’a pas vocation à enfiler l’uniforme de la pensée gouvernementale. Quelle image est envoyée au monde ? Tous les autocrates de la planète se frottent les mains. Catastrophique », a de son côté écrit sur X le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

« Raphaël Glucksmann est comme Emmanuel Macron qui use du magistère de la parole sans agir pour mettre fin au génocide. Les étudiants n’ont, eux, pas la possibilité de rappeler l’ambassadeur français d’Israël ou de voter un embargo sur les armes. Quel autre moyen d’action ont-ils qu’une occupation non violente de leur établissement ? Ce n’est pas moins illégitime que des salariés en grève qui occupent leur entreprise », estime Raymonde Poncet-Monge.

En fin de journée, devant l’établissement, la tension est montée d’un cran avec l’arrivée d’une cinquantaine de manifestants pro-Israël criant notamment « Libérez Sciences Po » ou « Libérez Gaza du Hamas ». Une bousculade entre partisans des deux camps est survenue au milieu des CRS.

 

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