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Institutions : en attendant Macron, le Sénat planche de son côté

Emmanuel Macron entend proposer à l’Assemblée et au Sénat « des grandes pistes pour que le fonctionnement de nos institutions gagne en efficacité, mais aussi en participation citoyenne ». Si le chantier n’est pas en haut de la pile de l’exécutif, le Sénat a pris un peu d’avance et a lancé sa propre réflexion. Mais pour le sénateur LR Philippe Bas, « il faut se garder de faire porter à nos institutions la responsabilité de dysfonctionnements qui relèvent du système politique ».
François Vignal

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C’est un peu l’Arlésienne. Une réforme des institutions. Certains y voient la clef de la crise démocratique, d’autres une fausse solution. Le président de la République a évoqué de nouveau le sujet lundi soir, lors de son allocution, mais sans s’étendre.

« Rénover l’ordre républicain et démocratique signifie également que nous devons lutter contre les sentiments persistants que voter ne serait plus décider. Je proposerai à cet égard, en lien avec la présidente de l’Assemblée, le président du Sénat, le président du Conseil économique social et environnemental, des grandes pistes pour que le fonctionnement de nos institutions gagne en efficacité, mais aussi en participation citoyenne, comme nous venons d’ailleurs de le faire avec la convention citoyenne sur la fin de vie », a affirmé Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat ne parle plus pour l’heure de commission transpartisane sur le sujet, un engagement de campagne.

Au gouvernement, on « pense utiliser davantage » les conventions citoyennes

Le Sénat a quelque peu anticipé. La Haute assemblée, présidée par le sénateur LR Gérard Larcher, a lancé en fin d’année dernière son propre groupe de travail sur les institutions. On y trouve notamment tous les présidents de groupes. Chaque réunion porte sur un thème (le Président, le premier ministre, le Parlement, leurs relations, etc). Le Sénat prend ainsi un peu d’avance, et ne partira pas de zéro, le jour où Emmanuel Macron décide de lancer réellement les travaux. Lors de la précédente tentative de révision de la Constitution, mise en échec faute d’accord entre l’exécutif et le Sénat justement, les sénateurs avaient déjà planché sur leurs propres propositions au sein d’un groupe de travail. En parallèle, un autre groupe de travail, sur la décentralisation celui-là, a été lancé sous l’égide de la centriste Françoise Gatel et des LR Mathieu Darnaud et Jean-François Husson. Les deux groupes feront des propositions, en temps voulu.

Emmanuel Macron a déjà consulté les anciens présidents de la République, ainsi que les présidents des assemblées, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, sur le sujet. Mais du côté de l’exécutif, pas grand-chose ne filtre sur les réelles intentions présidentielles. « Je ne sais pas ce qu’il a dans la tête », glisse-t-on. Sur la participation citoyenne, le gouvernement a déjà montré comment il voyait les choses. « La convention citoyenne a fonctionné positivement sur le climat. Et très positivement sur la fin de vie. C’est un outil qu’on pense utiliser davantage à l’avenir », confie un ministre, au lendemain de l’allocution présidentielle. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, chargé par ailleurs du Renouveau démocratique, verrait bien lui une convention citoyenne sur l’immigration.

« Il y a peut-être quelque chose à revoir sur la procédure parlementaire », selon un ministre

Emmanuel Macron veut aussi que « le fonctionnement de nos institutions gagne en efficacité ». Ici, c’est plus flou. Qu’entend le chef de l’Etat par efficacité ? Lors de la précédente tentative de révision constitutionnelle, il avait tenté de limiter le droit d’amendement des parlementaires. Face à la levée de boucliers, il avait rangé au placard son idée. C’est plutôt peut-être du côté de la procédure parlementaire que certains verraient du grain à moudre aujourd’hui. « Il y a beaucoup de procédures accélérée (avec une lecture par chambre, ndlr). La procédure classique (soit deux lectures par chambres, ndlr), c’est au total 10 lectures (soit 10 passages en comptant les deux assemblées, ndlr). Il y a peut-être quelque chose à revoir », réfléchit un ministre, qui évoque aussi « la question des votes, dans l’hémicycle, ou pas dans l’hémicycle, et celle des délégations de vote ». Les députés n’ont qu’une délégation, quand un sénateur peut voter pour tous les membres de son groupe, lors des scrutins publics. De quoi inspirer peut-être, du moins en partie, le Palais Bourbon. Yaël Braun-Pivet planche sur ces sujets.

La question du travail en amont sur les projets de loi est aussi une piste de réflexion, avec à la clef plus de travaux préparatoires pour mieux structurer, en lien avec les groupes du Parlement. « Les dialogues de Bercy, qui ont eu lieu au moment du projet de lois de finances, c’est une ébauche », explique-t-on au gouvernement. Les institutions européennes pourraient aussi pourquoi pas être source d’inspiration, avec les « livres verts », qui lancent la réflexion et une consultation (notamment des citoyens) sur un sujet, suivis des « livres blancs », qui portent sur des propositions d’actions dans un domaine, qui peuvent ensuite déboucher sur des directives européennes, qui sont en quelque sorte les lois européennes.

« La majorité des 3/5 au Congrès, franchement, c’est inatteignable »

Mais politiquement, le moment est-il bien choisi pour lancer ce chantier des institutions ? Au regard du cap fixé par Emmanuel Macron, on comprend que d’autres priorités – travail, santé, éducation – sont en haut de la pile. On imagine les institutions arriver après. D’autant que pour l’heure, la majorité sénatoriale n’y croit pas. Et sans l’accord du Sénat, rien ne pourra bouger dans la Constitution.

« Si vous voulez toucher au mode d’élection, faire un septennat ou déterminer les pouvoirs entre le Président et le premier ministre, il faut modifier la Constitution. Et comme il évitera un référendum, ça veut dire un Congrès et la majorité des 3/5. Franchement, c’est inatteignable. Ce n’est même pas la peine d’en parler, quand on voit ce qu’il se passe à l’Assemblée… » lâche Roger Karoutchi, premier vice-président LR du Sénat. Interrogé par publicsenat.fr le 5 avril après une rencontre avec la première ministre Elisabeth Borne, Bruno Retailleau, à la tête des sénateurs LR, n’y croyait pas plus. Il remarquait que le gouvernement avait déjà du mal à trouver une majorité à l’Assemblée, « alors vous les voyez trouver une majorité des 3/5 au Congrès… »

« Réussir à préserver les acquis de la Ve République, tout en rééquilibrant les choses en faveur du Parlement », défend Philippe Bas

Si le paysage politique s’éclaircit, sur le fond, les sénateurs ont néanmoins des choses à dire sur les institutions. Mais du côté de la majorité sénatoriale, pas sûr qu’on soit pour le grand chambardement. On serait plus conservateur en la matière. « Il faut se garder de faire porter à nos institutions la responsabilité de dysfonctionnements qui relèvent du système politique, et de sa désorganisation depuis la réélection d’Emmanuel Macron », avance l’ancien président LR de la commission des lois, Philippe Bas, qui participe avec Bruno Retailleau au groupe de travail. « Nous avons nos institutions qui sont solides, assurent la stabilité du gouvernement », souligne le sénateur LR de la Manche, « mais la contrepartie de ces pouvoirs très importants, c’est l’alternance ». Pour lui, c’est le « en même temps » d’Emmanuel Macron qui a mis à mal « l’alternance » entre gauche et droite, qui apporte l’équilibre démocratique.

Mais pour Philippe Bas, l’enjeu est plutôt de « réussir à préserver les acquis de la Ve République, tout en rééquilibrant les choses en faveur du Parlement. C’est la réflexion que nous sommes en train de développer au Sénat autour du président Larcher », explique l’ancien secrétaire général de l’Elysée de Jacques Chirac. « Petit à petit, le président de la République s’est gouvernementalité et le premier ministre s’est effacé au point de devenir parfois un collaborateur, parfois assez transparent. Ce n’est pas comme ça que de Gaulle et Debré avaient imaginé les institutions », rappelle Philippe Bas, selon qui aujourd’hui « les pouvoirs du Président sont excessifs ».

« Forme de perversion de l’esprit civique »

Sur la démocratie participative, ce n’est pas vraiment la tasse de thé de l’ancien président de la commission des lois. « Il y a une forme de perversion de l’esprit civique, qui conduit à privilégier aujourd’hui des formes d’expression politique qui, en réalité, vont contre les principes fondamentaux de la démocratie. C’est mettre, dans un pays de 45 millions d’électeurs, sur le même plan 100 ou 200 personnes sélectionnées au sein d’un échantillon représentatif par un organisme d’enquête d’opinion, puis tirés au sort », épingle Philippe Bas. « L’enjeu, c’est la participation au vote. Ce n’est pas de s’en remettre à 150 personnes qui n’ont aucune responsabilité politique, ni aucune qualification particulière », ajoute le sénateur de la Manche, qui conclut :

La démocratie participative n’est pas démocratique.

Tout juste, reconnaît-il que « ce genre de démarche peut faire l’appoint de la démocratie, elles ont un côté un peu séduisant. Mais c’est l’échec que de s’en remettre à cela », insiste le sénateur, qui avait été mis sous les projecteurs par la commission d’enquête Benalla.

« Associer les citoyens dans un débat de proximité a du sens », selon Roger Karoutchi

Pour Roger Karoutchi, « débattre de la citoyenneté, d’éléments d’implication des gens dans la vie publique, c’est une bonne chose ». Il note qu’« il y a beaucoup d’expériences au niveau des collectivités sur cette association des citoyens, des mairies avec des conseils de quartier, où des gens s’expriment, débattent avec les élus. Autant associer les citoyens dans un débat de proximité a du sens. Autant nous expliquer qu’on peut faire ça au niveau d’un pays de 67 millions d’habitants en tirant au sort 150 personnes, ça n’a aucun sens ». « Il faut voir comment associer plus. Mais ce n’est pas la loi, c’est une pratique politique qui doit être modifiée », ajoute le sénateur LR des Hauts-de-Seine.

Concernant la proportionnelle à l’Assemblée, piste régulièrement évoquée, Philippe Bas exclut sa version intégrale, « car c’est mettre les élus entièrement dans les mains des partis et les dispenser de tous liens avec les électeurs ». « Lors de la précédente réforme, le président du Sénat avait dit qu’on était prêts à avancer si c’était un taux qui ne déséquilibre pas la représentation à l’Assemblée. On était entre 10 et 20 % », rappelle Roger Karoutchi, qui reconnaît que « la proportionnelle ne nécessite pas de réforme constitutionnelle. Donc le Président peut être tenté de le faire ».

La baisse du nombre de parlementaires, « le degré zéro d’une réforme des institutions », lâche Philippe Bas

La baisse du nombre de parlementaires, défendue par Emmanuel Macron dans la première réforme ? « Un gadget. C’est le degré zéro d’une réforme des institutions », tranche Philippe Bas. Comme ses collègues, il ne serait pas contre le retour du cumul des mandats. « C’est une erreur historique commise par la gauche, qui devrait bien être réparée un jour ou l’autre », selon l’élu normand.

Le Sénat a déjà voté la proposition de loi du président du groupe centriste, Hervé Marseille, autorisant le retour du cumul pour les mairies de moins de 10.000 habitants.

Roger Karoutchi pour un septennat non-renouvelable

S’il fallait faire une réforme profonde, Roger Karoutchi avait de son côté défendu en 2019 l’idée du retour du septennat, qui serait non renouvelable. « Sept ans, c’est un temps assez long pour engager les réformes et les faires. Et ça permet d’avoir une Assemblée qui n’est pas élue en fonction des présidentielles. Non-renouvelable, ça met le Président moins sous pression de l’opinion pour faire ou ne pas faire de réforme », défend le sénateur des Hauts-de-Seine. Aux yeux du vice-président du Sénat, « l’invention du quinquennat a transformé le Président en chef de la majorité, et non en représentant de l’ensemble des Français. Le septennat lui donnerait une hauteur de vue ». Dans l’immédiat, le Président ne cracherait pas sur un peu de répit politique.

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