Comment réagissez-vous à l’information révélée par le journal Libération lundi ?
Ce dont on s’aperçoit, c’est qu’un certain nombre d’administrations préfectorales donnent des consignes qui sont en totale contradiction avec la loi et le discours prononcé par le chef de l’Etat devant le Conseil économique et social en 2007, dans lequel il prônait l’accueil inconditionnel dans les centres d’hébergement. Les administrations agissent différemment. C’est tout à fait choquant.
Tout cela révèle en réalité une situation d’insuffisance et de pénurie en matière d’hébergement d’urgence. On estime à environ 100 000 le nombre de personnes dans la rue. Le gouvernement se contente de dire qu’il y a environ 110 000 places. Mais il faut raisonner en fonction de la situation locale réelle. Il y a des endroits comme en Ile-de-France où il y a véritablement un manque de places. Toutes les nuits, des personnes sont refusées parce que les centres sont pleins. Et ce problème ne peut pas être réglé en faisant une sélection à l’entrée, avec des bons et des mauvais pauvres. Par définition, il faut plus de places que le nombre de personnes susceptibles de demander une place.
Finalement, au-delà de cela, on opère une ségrégation inadaptée à l’urgence du secours. Tout cela est aussi gravement illicite. Il s’agit de cas de non-assistance à personne en danger.
Doit-on voir la main du gouvernement derrière tout cela ?
J’espère qu’il s’agit de fonctionnaires zélés essayant de régler un problème ponctuel. Ce qui est ennuyeux, c’est que ça prend la tournure d’instructions. J’aimerais tellement qu’il n’y ait pas de logique gouvernementale. Mais il y a quelques semaines, dans la loi de financement de la sécurité sociale a été introduit un dispositif qui entraîne un droit d’entrée à l’Aide médicale d’Etat (AME) de 30 euros. C’est une mesure dangereuse, stupide et inefficace qui va coûter plus cher à la Sécu. Ces personnes vont retarder l’acte de santé, finir par payer les 30 euros et être traitées pour une maladie avancée plus chère à prendre en charge.
Demandez-vous au gouvernement de mettre fin à des telles pratiques ?
J’espère que le ministre de l’Intérieur va mettre de l’ordre dans tout cela et que dans les deux ou trois prochains jours, il enverra une instruction à tous les préfets précisant que cette sélection à l’entrée doit s’arrêter. Cela suppose une volonté politique qui serait l’application rigoureuse de la parole du chef de l’Etat.
Dans certaines zones, les centres sont déjà pleins. Comment accueillir ces personnes rapidement?
Les mairies ont trouvé des solutions, ce sont des salles de sport, des bâtiments vides qu’on aménage vite. C’est essentiellement dans des équipements collectifs qu’on trouve une solution et un minimum d’accueil.
NLDR : Le secrétaire d'Etat au Logement Benoist Apparu a annoncé lundi qu'une circulaire « hiver » serait envoyée « en fin de semaine » à toutes les préfectures rappelant notamment le principe de l'accueil inconditionnel dans les centres d'hébergement d'urgence.