Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a saisi la justice pour obtenir le blocage du site de vente en ligne Shein, après le signalement de poupées pédopornographiques, mais aussi d’armes de catégorie A, disponibles sur la plateforme. Un peu plus tôt, le Premier ministre Sébastien Lecornu avait annoncé avoir lancé une procédure de « suspension » du géant chinois du e-commerce, déjà largement décrié pour des pratiques commerciales peu respectueuses des normes européennes.
Auditionné en fin de journée par la commission sénatoriale des affaires économiques, le ministre de l’Economie Roland Lescure a indiqué qu’il recevrait jeudi « les fournisseurs d’accès » à internet. « Mais si on veut traiter ce sujet de manière durable, il faut qu’on le traite au niveau européen. Avec ce qu’ils font depuis trois jours, là, franchement, on a des arguments forts à porter à Bruxelles et on les portera », a-t-il expliqué.
Un « pillage en règle de notre tissu économique »
À plusieurs reprises, le locataire de Bercy a été interrogé sur la mise à mal de l’économie française, notamment les commerçants des petites et moyennes agglomérations, par ce type de plateformes, pratiquant des prix défiant toute concurrence. « Pensez-vous que nous aurons le remède avant que le malade ne soit mort ? », lui a lancé la sénatrice centriste Anne-Lise Housseau, évoquant un « pillage en règle de notre tissu économique ».
Roland Lescure a reconnu ne pas avoir « de formule magique ». « Je suis partagé sur l’idée d’une interdiction totale des plateformes de e-commerce qui, aujourd’hui, évidemment, font aussi vivre les territoires de manière paradoxale. Vous avez des plateformes de e-commerce locales, donc attention », a-t-il relevé.
Pour rappel, le Parlement planche depuis mars 2024 sur une proposition de loi visant à pénaliser certains sites de e-commerce pour leur impact environnemental. Ce texte, parfois appelé projet de loi « anti-fast fashion » parce qu’il vise l’industrie textile, a été recentré par le Sénat autour des grandes plateformes comme Shein, Temu ou AliExpress, dans la mesure où les enseignes dites « de mode ultra-éphémère » qui disposent de commerces physiques, comme Kiabi, H & M ou Zara, créent de l’emploi dans les centres-villes.
Une taxation des petits colis
Devant les sénateurs de la commission des affaires économiques, Roland Lescure a également rappelé que le gouvernement espérait, via le projet de loi de finances 2026, faire passer une taxe de 2 euros sur chaque type d’article contenu dans les petits colis livrés depuis l’extérieur de l’Union européenne. Un dispositif, toutefois, qui interroge le centriste Daniel Fargeot : « Shein passera, par exemple par l’Allemagne, via DHL, ce qui équivaut à zéro bénéfice, ni pour les services de livraison français, ni pour l’environnement », a-t-il pointé. « Comment garantir une mise en œuvre réelle pour qu’une bonne idée ne devienne un dispositif marqueté qui reste dans son emballage ou pire, ne menace une filière et des emplois en France ? »
« La taxe petits colis, si on la met demain à 50 euros, les colis passeront par ailleurs. Donc il y a un risque de détournement », a reconnu le ministre. « C’est pour cela qu’on la met à un niveau qui n’est pas important pour l’instant. Cette taxe a vocation à être transitoire, l’objectif c’est que, dès 2028, on puisse négocier au niveau européen. »
De son côté, le sénateur écologiste Yannick Jadot a enjoint l’exécutif à « anticiper » un règlement européen contre le travail forcé, qui doit prochainement entrer en vigueur, et qui permettrait « de taper sur les conditions de production de ces plateformes, qui sont du semi-esclavage ». Roland Lescure s’est dit prêt « à faire feu de tout bois », mais sans plus de précisions à ce stade.