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Revalorisation des enseignants, réforme du bac, abayas : les chantiers de Gabriel Attal à l’Education nationale

Principale information des « ajustements » du gouvernement ce jeudi, Gabriel Attal remplace donc Pap Ndiaye à l’Education nationale. Ce-dernier laisse à son successeur de nombreux chantiers, de la revalorisation des enseignants au harcèlement scolaire, en passant par la réforme du baccalauréat, la mixité sociale dans le privé, ou le port des abayas.
Louis Mollier-Sabet

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Après un an rue de Grenelle, Pap Ndiaye laisse donc son portefeuille à Gabriel Attal. Le golden-boy du gouvernement poursuit son ascension, reprenant ainsi son ancien ministère de tutelle quand il était à la Jeunesse et aux Sports sous la direction de Jean-Michel Blanquer. La parenthèse Pap Ndiaye aura donc été de courte durée, mais les chantiers qui attendent le ministère ne s’arrêteront pas, eux, avec son départ. Et de nombreux dossiers attendent sur le bureau du futur ministre.

Attractivité du métier et revalorisations : le défi du « Pacte » enseignant

Ironie du sort, c’est le jour de son débarquement que sont sortis les décrets d’application du principal chantier lancé par Pap Ndiaye : la revalorisation des enseignants et l’attractivité du métier.

Le manque de candidats aux différents concours de recrutement de l’Education nationale est un problème identifié depuis de nombreuses années, qui pose des difficultés à la fois quantitatives sur le nombre de professeurs disponibles, mais aussi sur la formation initiale des personnels recrutés. Pour remédier à cette situation, l’exécutif a ciblé les faibles rémunérations des professeurs et misé – entre autres – sur une revalorisation des professeurs pour améliorer l’attractivité du métier.

Ces mesures ont été introduites dans le projet de loi de finances pour 2023 à l’automne 2022, et sont censées entrer en vigueur à la rentrée prochaine. Les premiers éléments du budget 2024 confirment la montée en charge de ces mesures, a assuré Gérard Longuet, rapporteur des crédits de l’enseignement au Sénat, à publicsenat.fr. L’exécutif – Pap Ndiaye comme le Président de la République – a un temps évoqué une hausse des rémunérations de 10 % en moyenne pour les enseignants, en prenant en compte le dégel du point d’indice, les augmentations automatiques et des augmentations de salaires en volume liées à de nouvelles missions prises en charge par les professeurs, le fameux « Pacte. »

Cette dernière mesure est vivement critiquée par les syndicats d’enseignants qui récusent une revalorisation conditionnée à du travail supplémentaire, d’autant plus que l’augmentation moyenne constatée entre 2023 et 2022 devrait plutôt avoisiner les 5 %, pas les 10 %. En tout état de cause, l’ex-ministre de l’Education nationale visait 30 % d’adhésion au « Pacte » chez les enseignants, et l’atteinte de cet objectif constituera le premier test pour Gabriel Attal.

« Ajuster » la réforme du bac ?

Votée en 2018 et lancée en 2019, alors qu’il était secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal devrait retrouver la réforme du baccalauréat. En effet, cinq ans plus tard, la réforme n’a toujours pas donné satisfaction, notamment avec le nouveau calendrier des épreuves de spécialité. Celles-ci constituent le plus gros morceau du bac imaginé par Jean-Michel Blanquer, mais se tiennent dorénavant en mars, ce qui a démobilisé les élèves et provoqué un absentéisme important lors du troisième trimestre.

Alors que le ministère de l’Education nationale compte se lancer depuis des années à « la reconquête du mois de juin », c’est maintenant à la reconquête du troisième trimestre que veut s’atteler le ministre. « Il faut reconquérir le troisième trimestre. Pour l’année prochaine, nous avons absolument besoin de changer les choses, la situation actuelle ne convient pas », a notamment réagi Pap Ndiaye en juin dernier. L’administration maintenant dirigée par Gabriel Attal devra ainsi trouver des pistes pour remédier aux effets indésirables de la réforme du baccalauréat qu’il avait lui-même participé à implémenter.

Mixité sociale : un chantier à peine commencé et déjà fini ?

C’était la principale initiative de Pap Ndiaye pendant son année passée rue de Grenelle : renforcer la mixité sociale dans le privé. Une volonté tuée dans l’œuf par Emmanuel Macron, ce qui avait même provoqué un imbroglio le 11 mai dernier, jour où Pap Ndiaye avait prévu de faire des annonces sur le sujet et a finalement annulé sa conférence de presse.

Un protocole d’accord sur la mixité sociale et scolaire a finalement été signé la semaine suivante, mais sans mesures contraignantes pour l’enseignement privé. Gabriel Attal devra donc trancher entre continuer à pousser dans le sens de son prédécesseur et abandonner ce dossier qui est loin d’être apparu comme une priorité du Président de la République.

Harcèlement : « Il reste beaucoup à faire »

Alors que plusieurs cas dramatiques de harcèlement scolaire ont émaillé l’actualité récemment, le sujet devrait se retrouver à l’agenda du futur ministre de l’Education nationale. Interrogé lors des questions d’actualité au gouvernement en janvier dernier sur le suicide du jeune Lucas, Pap Ndiaye s’était montré très ému au Sénat, et Sabine Van Heghe (PS) et Colette Mélot (Les Indépendants) avaient tenté de lui présenter leur rapport sur le sujet, alors que les sénatrices avaient déploré « que leurs préconisations n’aient pas été réellement prises en compte, ni mises en œuvre » par son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer. Pap Ndiaye s’était montré plus à l’écoute, en misant notamment sur le plan « pHARES », mais « il reste beaucoup à faire », admettait le ministre lui-même. Son successeur devra donc poursuivre ce travail.

Abayas : sous la pression de la droite, vers un durcissement de la loi de 2004 ?

Interpellé à de nombreuses reprises par la droite sénatoriale sur le sujet sur des atteintes à la laïcité, ce n’est probablement pas le dossier qui manquera le plus à Pap Ndiaye. Bruno Retailleau ou encore Jacqueline Eustache-Brinio, n’ont pas manqué d’exiger des réponses face à une « offensive islamiste » dans les écoles, en raison de l’augmentation du port des abayas, robes très portée au Moyen-Orient, et perçue comme un moyen de contourner la loi de 2004.

Pap Ndiaye s’en est toujours tenu à l’application de la loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l’école, précisée par une circulaire du 9 décembre dernier. « L’appréciation du caractère religieux, ou pas, ce sont les chefs d’établissement qui doivent l’apporter […]. Nous n’allons pas éditer un catalogue de centaines de pages avec des formes de manches ou de couleurs, on ne s’en sortirait pas d’un point de vue juridique », avait alors ajouté le ministre au micro de Public Sénat.

Gabriel Attal sera probablement prochainement sommé de prendre position lui aussi, avec un possible retour à une ligne plus proche de celle de Jean-Michel Blanquer durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Jusqu’à une évolution législative ?

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