Paris: Macron attends a meeting on accelerating our reindustrialisation at Elysee Palace

Pause environnementale : « Je savais qu’Emmanuel Macron était hors-sol, pas qu’il était hors-siècle », tacle Daniel Salmon

Au Sénat, les déclarations d’Emmanuel Macron sur la « pause » à faire dans les réglementations environnementales européennes ont marqué les esprits. La gauche et les écologistes fustigent un renoncement « dramatique », tandis que la droite, si elle peut partager le souci sur la compétitivité des entreprises françaises, pointe les incohérences dans la feuille de route de l’exécutif.
Louis Mollier-Sabet

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Il y a 13 ans, le 6 mars 2010, Nicolas Sarkozy faisait bondir les écologistes en clôturant le Salon de l’Agriculture : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement, parce que là aussi, ça commence à bien faire. »

Quelques années plus tôt, le Président de la République de l’époque avait pourtant porté un projet de « Révolution verte » et mentionné « l’urgence écologique » au Grenelle de l’environnement au tout début de son quinquennat. Une scène qui rappelle furieusement ce jeudi 11 mai, treize ans plus tard, où Emmanuel Macron a présenté son plan pour « l’industrie verte », en appelant à faire une « pause réglementaire européenne en matière de contraintes environnementales. » Là aussi, le Président de la République avait pourtant promis, dans l’entre-deux-tours, que son quinquennat « serait écologique ou ne serait pas. » Le sénateur écologiste Daniel Salmon estime que cette vision des choses est « dramatique » : « Je savais qu’Emmanuel Macron était hors sol, mais pas qu’il était hors-siècle. Dans un moment où tout le monde est conscient des problématiques environnementales et du dérèglement climatique, il s’assoit un peu sur tout ça. C’est le primat de l’industrie, de la finance, sur les droits de l’environnement et les droits sociaux. »

« On n’agira pour l’environnement si on n’a pas d’économie »

En 2010, comme en 2023, les petites phrases des Présidents s’attaquent en effet toujours au même sujet : les normes environnementales qui désavantageraient la France face à ses concurrents. « Nous, on a déjà passé beaucoup de réglementations au niveau européen, plus que les voisins », a notamment développé Emmanuel Macron, ce jeudi. Il n’empêche que l’évocation de la notion de « pause » dans les réglementations environnementales a fait grincer des dents, jusque dans la majorité présidentielle. Dans la foulée, l’Elysée a ainsi tenu à préciser à l’AFP que le chef de l’Etat ne faisait pas référence au moratoire sur le « Green Deal » (Pacte Vert), actuellement en discussion à Bruxelles et demandé par la droite conservatrice européenne (PPE) : « Le Président ne parle pas de suspension, mais d’exécuter les décisions déjà prises avant de faire de nouveaux changements […]. Les décisions déjà prises constituent ce qu’il y a de plus ambitieux au monde à ce jour. […] Il a affirmé qu’il fallait surtout que ces normes soient déjà appliquées de manière homogène en Europe. » En marge de sa visite à Dunkerque ce vendredi, Emmanuel Macron a réaffirmé qu’il ne fallait pas ajouter plus de règles européennes. « Moi je préfère des usines qui respectent nos normes européennes qui sont les meilleures, plutôt que ceux qui veulent encore ajouter des normes », a-t-il déclaré.

Le sénateur RDPI-Renaissance, Julien Bargeton, a aussi assuré le service après-vente sur notre antenne ce vendredi matin, en recentrant la discussion sur le projet de loi « Industrie verte » qui arrivera bientôt au Sénat : « Si Emmanuel Macron présente un projet de loi sur l’industrie verte, c’est bien pour aller plus loin sur la transition écologique de notre pays. La concurrence au niveau mondial doit aussi être loyale et sincère : il faut d’abord appliquer ce qui existe et aller plus loin dans le financement en baissant les impôts et par les subventions. Il s’agit d’être efficace. » Cette position a posteriori par la majorité présidentielle convient un peu plus à Sophie Primas, la présidente LR de la commission des Affaires économiques. « On n’agira pas pour l’environnement si on n’a pas d’économie. C’est une conviction qui nous amène de temps en temps à dire qu’il ne faut pas mettre nos entreprises françaises en situation de concurrence déloyale à l’intérieure même de l’Europe », détaille la sénatrice des Yvelines. « En France, il y a une tendance à la surtransposition, ce qui met nos entreprises dans l’embarras, alors qu’on peut trouver des solutions ensemble, entre les Etats-membres », développe-t-elle.

« On oublie que la compétitivité a de multiples facettes et que le moins disant ne gagne pas toujours »

En effet, au sujet de l’agriculture, notamment, la majorité sénatoriale a souvent dénoncé l’excès de normes, ou au moins leur transposition trop rapide. C’est encore plus marqué depuis l’établissement de feuille de route « Farm to Fork » par la Commission Européenne dans le cadre du Pacte Vert européen, mais depuis des années, la droite sénatoriale n’a de cesse d’alerter sur la compétitivité de « la Ferme France. » Plus généralement, Sophie Primas défend « l’idée qu’il faut une ambition environnementale, et qu’il peut y avoir des agences, y compris européennes, pour nous alerter », mais à condition que les décisions politiques s’appliquent à toute l’Europe : « Les décisions, il faut les prendre tous ensemble, sinon on est dans des situations déloyales, et après on s’étonne que des entreprises traversent les frontières. L’idée ce n’est pas de régresser : quand l’Anses a des doutes sur une molécule, par exemple, il faut porter le sujet au niveau européen. »

Daniel Salmon conteste cette vision des normes environnementales centrée sur la compétitivité, et estime que l’industrie et l’agriculture françaises souffrent d’autres maux : « On oublie que la compétitivité a de multiples facettes et que le moins disant ne gagne pas toujours. Nous sommes favorables à la réindustrialisation, mais l’industrie verte ce n’est pas simplement un vernis. Il faut qu’elle produise des biens durables, ce n’est pas le moment d’en rabaisser sur les normes. » Le problème, d’après le sénateur écologiste, c’est plutôt « la mondialisation basée sur un libre-échange qui récompense les prix les moins-disants. » Ainsi la solution ne serait pas de faire une « pause » dans la réglementation environnementale européenne, mais d’appliquer des mesures protectionnistes sur l’ensemble de l’industrie et se rencontrer sur la compétitivité dite « hors-coût », c’est-à-dire sur des biens de qualité.

« Quand on fait une pause, on ne progresse en rien »

Il faut dire que sans souscrire à la vision des écologistes, la notion de « pause » interroge jusque dans la majorité sénatoriale. « Je n’aime pas cette histoire de pause, parce que je trouve que quand on fait une pause, on ne progresse en rien. Je souhaite la transformation de l’industrie et de l’économie au bénéfice de l’environnement, avec l’objectif de zéro émission, mais ça ne peut pas se jouer sans la compétitivité de nos entreprises. Donc il faut se battre pour des clauses miroirs, par exemple, c’est le contraire d’une pause », développe la présidente des Affaires économiques du Sénat. D’autant plus que politiquement, l’idée d’une pause est rarement mobilisatrice, d’autant plus pour un Président qui se veut réformateur, note la sénatrice LR : « Je ne comprends plus vraiment Emmanuel Macron. Ses gouvernements ont porté l’agenda ‘Farm to Fork’, et cette idée de ‘pause’ est vraiment en contradiction avec ce qu’il a vendu au début. »

Daniel Salmon, lui y voit une forme de cohérence avec un « glissement LR-compatible » de l’exécutif, empêtré dans les conséquences du 49-3 sur sa majorité relative à l’Assemblée nationale. « Tout cela ce n’est pas une erreur, c’est pleinement assumé, on a des déclarations qui vont dans ce sens-là depuis quelques mois, de Marc Fesneau sur l’agriculture, notamment. On a un front anti-écologie dans ce gouvernement, qui se faisait moins sentir dans le précédent quinquennat. Maintenant, l’exécutif cherche à avoir une majorité plus stable et tend des passerelles vers les LR, qui eux-mêmes envoient des propositions de loi qui sont des ballons d’essai pour voir comment réagit le gouvernement et marquer un territoire », explique le sénateur écologiste.

La semaine prochaine, une proposition de loi portée par le LR Laurent Duplomb, le centriste Pierre Louault et le socialiste Serge Merillou sur la restauration de la compétitivité de la « Ferme France », sera discutée en séance. Ce sera l’occasion de reconfirmer plus précisément la position du gouvernement sur les réglementations européennes en matière agricole.

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