En ouverture de son audition par la commission des affaires étrangères, Raphaël Morav a d’abord tenu à remercier les sénateurs pour leur soutien à la population israélienne, frappée par les attaques du Hamas le 7 octobre dernier : « Israël a été très sensible à l’hommage fort que le président du Sénat, M. Gérard Larcher, a rendu en séance publique mercredi dernier aux victimes israéliennes. »
Après le discours d’introduction de l’ambassadeur, les questions des sénateurs se sont notamment concentrées sur le sujet de la résolution du conflit, pour éviter davantage de victimes civiles et pour préserver les centaines d’otages enlevés par le Hamas. Une question d’autant plus pressante pour les élus, que la vidéo d’une otage franco-israélienne de 21 ans a été diffusée lundi soir par le groupe terroriste. Blessée, mais vivante, elle réclame devant la caméra sa libération. Ce 17 octobre, Emmanuel Macron a dénoncé « l’ignominie » de cette vidéo et appelé à sa libération.
« La majorité des Israéliens veulent la paix, et je crois que la majorité des Palestiniens aussi », a rappelé Raphaël Morav, tout en soulignant que « le cessez-le-feu n’est pas à l’ordre du jour ». La libération des otages et la reddition du Hamas semblent aujourd’hui être les seules conditions d’une suspension des opérations militaires israéliennes. L’ambassadeur souhaite tout de même « pouvoir relancer un processus politique » avec l’Autorité palestinienne.
« Le Hamas s’est adressé aux habitants de Gaza, pour leur interdire d’évacuer »
L’armée israélienne prépare une offensive terrestre sur la bande de Gaza, l’ordre a ainsi été donné le 13 octobre aux civils gazaouis de se rendre dans le sud de l’enclave. Mais le poste-frontière de Rafah, qui permet d’accéder à l’Egypte, est pour le moment fermé. Alors que le ministère de la Santé du Hamas annonce 2 750 victimes dans les frappes israéliennes à Gaza, plusieurs sénateurs ont questionné Raphaël Morav sur le sort réservé aux civils.
Au sujet de la frontière avec l’Egypte et de la prise en charge des civils gazaouis par des pays tiers, l’ambassadeur est resté évasif, estimant que les autorités israéliennes n’avaient « pas demandé à la population de quitter Gaza, mais simplement de se déplacer de vingt kilomètres ». Pour lui, la responsabilité de la mort de civils palestiniens revient entièrement au Hamas, qui emploie une stratégie de « bouclier humain » : « Le Hamas s’est adressé aux habitants de Gaza, qu’il gouverne, pour leur interdire d’évacuer ».
Au sujet des aides financières apportées au Hamas, qui font l’objet de débat au niveau européen, l’ambassadeur n’a pas appelé à leur suspension. L’Union européenne a prévu le versement d’une aide au développement de plus d’un milliard d’euros à la population palestinienne entre 2021 et 2024. Au sujet de la part qui revient à la bande de Gaza, sous l’autorité du Hamas, Raphaël Morav souligne « un problème sur la gestion de cet argent, un manque de transparence » et appelle à davantage de contrôles.
Des « défaillances » du renseignement israélien
Autre moment marquant de cette audition, l’ambassadeur d’Israël en France a reconnu « des défaillances » des services de renseignements du pays, accusés de ne pas avoir anticipé l’attaque massive du Hamas. Une prise de position qui n’a rien de surprenante, puisque le chef du renseignement militaire israélien Aharon Haliva a lui-même reconnu ce 17 octobre sa responsabilité.
L’ambassadeur a souligné que toute la population israélienne attendait des explications, qui seront fournies par « une enquête approfondie ». Mais celle-ci n’est pas à l’ordre du jour : « Pour le moment, les efforts se concentrent autour de l’armée pour gagner cette guerre », explique Raphaël Morav.
Pas de menaces sur les accords d’Abraham
La question d’une escalade du conflit dans tout le Moyen-Orient préoccupe également les sénateurs, alors que des échanges de tirs entre l’armée israélienne et le Hezbollah – milice islamiste libanaise et soutien du Hamas – ont déjà fait une dizaine de victimes à la frontière entre le Liban et l’Etat hébreu.
Pour autant, les accords d’Abraham – signés en 2020 entre Israël et plusieurs pays arabes (les Emirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc) – ne sont pas menacés selon l’ambassadeur. « Les intérêts de ces pays d’avoir une stabilité dans la région et une prospérité économique, alors qu’ils sont aussi confrontés à la menace iranienne, sont plus forts que ce qu’il se passe avec le Hamas », estime-t-il. Raphaël Morav se veut rassurant au sujet des relations entre l’Etat hébreu et l’Arabie Saoudite, non-signataire des accords d’Abraham mais dont les relations avec Israël sont en cours de normalisation. Le rapprochement entre les deux pays est pour le moment « gelé, mais je pense que c’est une mesure temporaire », estime l’ambassadeur.