Roubaix: Police officers killed

« Homicide routier » : une mesure symbolique ?

Les accidents mortels liés à la conduite sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool se multiplient en France. Hier, lors des questions d’actualité au gouvernement, le ministre de l’Intérieur a admis travailler afin de créer un « homicide routier ». Les sénateurs s’interrogent plutôt sur l’applicabilité effective des peines.
Rédaction Public Sénat

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Accident causé par Pierre Palmade en février, trois policiers roubaisiens mortellement percutés ce dimanche et une petite fille décédée mardi soir à Trappes. En France, la conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants serait, d’après le rapport de la Sécurité routière pour l’année 2021, responsable de plus d’un accident de la route mortel sur cinq. Les 18-24 ans sont les premiers responsables de ce comportement dangereux sur les routes. Un hommage national aux trois policiers a été rendu ce midi par Emmanuel Macron à l’école nationale de la police de Roubaix.

Interrogé lors de la séance des questions d’actualité au gouvernement ce mercredi, et après avoir rendu hommage aux trois fonctionnaires de police nordistes décédés, Gérald Darmanin a qualifié d’« assassin » le conducteur fautif de l’accident. Le ministre de l’Intérieur a détaillé des pistes pour réduire le nombre d’accidents.  « Nous avons proposé le retrait des douze points. Le garde des Sceaux a proposé de renommer cet homicide comme un homicide routier, c’est attendu ». Aujourd’hui, un conducteur impliqué dans un accident mortel après la prise de stupéfiants ou d’alcool est inculpé pour « homicide involontaire ». Le chauffeur risque jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende.

Cette loi et ces sanctions sont en constant débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. En 2003 la proposition de loi de Lucien Lanier, après « dix ans de débats », d’après ses mots, créait alors « délit de conduite après usage de stupéfiants ». Ensuite, fin 2022, une nouvelle proposition de loi de 14 députés, dont Éric Ciotti, proposait de renommer le délit en « homicide par mise en danger caractérisée de la vie d’autrui » sans modifier l’échelle des peines encourues.

« C’est vraiment insupportable. Il y a un sujet drogue immense en France, qui nourrit la criminalité dans tout le pays »

Interrogée au sujet de création de « l’homicide routier », lors de la matinale de Public Sénat, « Bonjour chez vous », Annie Gennevard a rappelé qu’une nouvelle proposition de loi avait déjà été déposée au Palais Bourbon. « Nous avons un collègue à l’Assemblée nationale qui travaille sur une proposition de loi sur la création d’un homicide routier quand il s’agit de conducteurs sous l’emprise de stupéfiants et d’alcool », a déclaré la Secrétaire générale du parti Les Républicains, au micro d’Oriane Mancini.

Depuis le 4 avril dernier, le député des Alpes-Maritimes Éric Pauget défend un texte visant à créer ce dit « homicide routier » ainsi qu’un renforcement des répercussions pénales. La proposition de loi sanctionne ce délit de 10 ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende, 15 ans d’emprisonnement et 200 000€ en cas de récidive. Une loi nécessaire, d’après Annie Genevard, tant les problèmes d’ébriété gangrènent de nombreux secteurs français, dont la sécurité routière. « C’est vraiment insupportable. Il y a un sujet drogue immense en France, qui nourrit la criminalité dans tout le pays ».

Pour Brigitte Lherbier, sénatrice du Nord et ancienne adjointe de Gérald Darmanin à la mairie de Tourcoing, qui avait interrogé le Ministre à ce sujet, la qualification d’un homicide routier marque le début d’une lutte contre un fléau en expansion. « Rien n’est gratuit. Lorsqu’une personne met en danger la vie des autres, elle doit être sanctionnée, s’émeut-elle quelques instants seulement après avoir assisté à l’hommage roubaisien aux trois policiers. Pour moi, grâce à cette mesure, nous pourrons ensuite travailler au Sénat pour définir les sanctions ».

« Nous avons travaillé à une proposition de loi qui est très juste, qui n’est pas prétentieuse ou communicationnelle »

Fin février, neuf jours après l’accident de l’acteur Pierre Palmade, Gérald Darmanin présentait déjà sa volonté de créer ce délit « d’homicide involontaire » au Journal du Dimanche. Le sénateur socialiste du Finistère Jean-Louis Fichet, qui a travaillé sur la thématique de la sécurité routière au Sénat, expliquait à publicsenat.fr en mars dernier, ses réserves face aux réactions hâtives du Ministre : « Il a réagi très rapidement, et on serait prêt à le suivre dans une réaction de colère devant un tel drame. Cela nécessite un travail de fond, il faut arrêter d’être dans la réaction à chaud, qui pousse à empiler les mesures face à des faits divers ultra-médiatisés ».

Deux mois plus tard, les faits divers médiatiques se sont multipliés. L’homicide routier n’est, pour certains sénateurs, pas forcément une priorité. Invitée mercredi de « Bonjour chez vous », Alexandra Borchio-Fontimp a évoqué son souhait de résoudre plutôt une problématique d’effectivité des peines. « On demande l’applicabilité des peines, c’est ça le sujet majeur », a-t-elle martelé. « Nous avons travaillé à une proposition de loi qui est très juste, qui n’est pas prétentieuse ou communicationnelle ». Cette proposition de loi a donc pour but de punir plus sévèrement dès lors qu’un conducteur est contrôlé sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool.

Une position confirmée par le Président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, invité de Télématin sur France 2 : « Les causes, c’est un laxisme. Il y a un sentiment d’impunité, notamment chez les plus jeunes, qui développe un sentiment de toute-puissance ». Il ajoute : « C’est une crise de notre éducation. C’est aussi une crise de notre Justice. Je pense qu’il faut retrouver le sens de la sanction ».

Toutefois, Alexandra Borchio-Fontimp conçoit la portée symbolique de cette requalification de l’homicide pour les familles des victimes. « C’est une question sémantique d’homicide routier et non plus d’homicide involontaire. Je peux comprendre que cela peut guérir les maux mais dans les faits, il n’y a pas de changement ».

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