ISF : le Sénat va mettre en place un groupe de suivi «indépendant» pour évaluer la réforme

ISF : le Sénat va mettre en place un groupe de suivi «indépendant» pour évaluer la réforme

Chacun son évaluation. Le président PS de la commission des finances du Sénat, Vincent Eblé, annonce à Public Sénat la mise « en place d’un groupe de travail et de suivi spécifique » sur l’ISF et la fiscalité. Il se dit « un peu réticent » sur la création d’un comité d’experts, confirmé par Edouard Philippe.
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« Péché originel » d’Emmanuel Macron pour certains, la réforme de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est de plus en plus mise en cause et questionnée. Alors que les gilets jaunes veulent le retour de l’ISF, des parlementaires LREM ont osé la semaine dernière toucher à ce totem. Ils ont demandé un bilan de la réforme. Preuve de l’importance de la crise, la demande est maintenant relayée par des membres du gouvernement. Son porte-parole, Benjamin Griveaux, a repris lundi sur France Inter et ce mercredi sur RTL l’idée d’une « évaluation ».

« Si quelque chose ne marche pas, on n’est pas idiot, on va le changer. Mais d’abord, avant de savoir si quelque chose ne fonctionne pas, on va l’évaluer et on va l’évaluer avec le Parlement, c’est son rôle » affirme Benjamin Griveaux. Il évoque une évaluation « à l’automne 2019 », tout en précisant que le retour de l’ISF « n'est pas sur la table ». La secrétaire d'État à l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a elle évoqué le rétablissement de l’ISF, « si l'évaluation montre que des capitaux ne sont pas suffisamment injectés dans l'économie française ».

Edouard Philippe confirme la mise en place d’un comité d’évaluation de l’ISF, annoncé par Bruno Le Maire il y a un an

Benjamin Griveaux ne fait en réalité pas une annonce. Il y a un an, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, avait déjà promis une évaluation de la politique fiscale du gouvernement. Mais non pas par le Parlement, mais via « une mission de suivi », « composée de parlementaires, de membres de la Cour des comptes, de représentants des administrations compétentes » (voir la vidéo).

Dans l’après-midi, lors de son discours devant les députés, le premier ministre Edouard Philippe a confirmé la création de ce comité, faisant mine d’avoir entendu les parlementaires : « Comme le Parlement l’a souhaité, un comité composé d’experts et de personnalités qualifiées, dont des parlementaires, effectuera le bilan de cette réforme. Nous ne craignions pas ce débat, il est nécessaire, il aura lieu ». Vendredi, interrogé par publicsenat.fr, l’entourage de Bruno Le Maire confirmait déjà que « cette promesse sera(it) tenue ».

Le Sénat va lancer « un groupe de travail complet sur l’ensemble de la fiscalité du patrimoine »

Mais un an après l’annonce du ministre de l’Economie, cette mission est jusqu’ici restée dans les cartons de Bercy. Face à la contestation, l’exécutif semble s’activer pour la mettre en place. « Le premier ministre a écrit la semaine dernière au président (du Sénat) Larcher pour l’inviter à désigner un sénateur aux côtés d’un député pour participer à un comité d’experts sur cette évaluation » annonce le président PS de la commission des finances du Sénat, Vincent Eblé, « un peu réticent » sur le principe. « On peut s’interroger pour savoir si ce n’est pas un peu tard » souligne le sénateur de Seine-et-Marne. Il « préfère » que le Parlement prenne en main ce contrôle. C’est dans ses missions. Les sénateurs vont ainsi se charger également de cette évaluation. Mais de leur côté, comme l'annonce à Public Sénat Vincent Eblé (voir la vidéo, image de Jérôme Rabier) :

« Nous allons prendre une initiative avec la commission des finances pour mettre en place un groupe de travail et de suivi spécifique qui va suivre cette affaire de façon très attentive »

Il s’agira d’« un groupe de travail complet, sur l’ensemble de la fiscalité du patrimoine ». Le président de la commission des finances précise qu’il s’agira « d’une évaluation attentive et indépendante du pouvoir exécutif ». Gérard Larcher, qui n’est personnellement pas favorable au retour de l’ISF, soutient ce travail d’évaluation de la commission.

La commission des finances, si elle ne bénéficie pas des moyens du ministère des Finances, a le pouvoir de lui demander de lui transmettre des documents. Elle peut même procéder à des contrôles sur pièce et sur place, en cas de refus.

En 2017, Bercy estimait que la suppression de l’ISF allait créer très peu d’emplois

L’année dernière, lors de l’adoption de la transformation de l’ISF en IFI (impôt sur la fortune immobilière), la commission des finances avait déjà utilisé son pouvoir auprès de Bercy. Selon les chiffres obtenus, Vincent Eblé et les services de la commission avait estimé le gain de la réforme de l’ISF à 1,5 million d’euros pour les 100 contribuables les plus riches. La question de l’utilisation de cette manne d’argent est au cœur de l’évaluation de l’IFI.

Mais toujours selon les données transmises par Bercy, les estimations sur les effets pour l’emploi de la fin de l’ISF étaient clairement mauvaises. « Nous avons eu cette évaluation au moment où la réforme a été mise en place. Et avec ce fameux logiciel d’appréciation des réformes en matière macroéconomique de Bercy, MESANGE, on a quand même une vision d’une réforme qui a peu d’effets : 50.000 emplois et 0,5 point de PIB sur 20 ans » souligne Vincent Eblé. « Ce n’est quand même pas exceptionnellement lourd » euphémise le président de la commission des finances. Regardez :

Bercy évaluait en 2017 que la réforme de l’ISF et la flat tax allait créer « 50.000 emplois et 0,5 point de PIB sur 20 ans », selon le sénateur PS Vincent Eblé
00:33

Pire : cette estimation incluait les effets de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, ou « flat tax ». Autrement dit, les effets seuls de la réforme de l’ISF seraient encore plus faibles… Alors « pari » perdu ? S’il ne s’agit que d’une estimation, et non d’une évaluation après la mise en place de la réforme, il y a peut-être un début de réponse sur l’efficacité de la suppression de l’ISF.

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