Zéro artificialisation nette : une proposition de loi va être déposée au Sénat

Zéro artificialisation nette : une proposition de loi va être déposée au Sénat

Une mission de contrôle du Sénat va déposer à la mi-décembre un texte pour répondre aux difficultés des collectivités locales dans la lutte contre le recul des espaces naturels et la bétonisation. Le gouvernement compte s’appuyer sur ce texte pour rouvrir la discussion.
Guillaume Jacquot

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Il est des sigles qui font frémir les élus dans nombre de mairies. Le ZAN est l’un d’entre deux. Le ZAN, pour « zéro artificialisation nette », vise à stopper la progression des espaces aménagés par l’homme sur les espaces naturels en 2050, pour protéger la biodiversité. Il s’agit de l’une des mesures issues de la Convention citoyenne pour le climat, traduite dans la loi climat et résilience d’août 2021. Une étape intermédiaire est prévue en 2030, avec la division par deux du rythme actuel de l’artificialisation des sols.

En apparence simple, cette mesure se révèle être d’une grande complexité dans son application. Comment définir une surface artificialisée ? Comment répartir l’effort entre les différentes strates du millefeuille territorial, d’autant que certains équipements sont d’envergure régionale ou nationale. Le sujet est un casse-tête pour les maires, qui considèrent être pris entre plusieurs injonctions contradictoires. Le besoin de nouvelles infrastructures énergétiques, de nouvelles lignes de transport ou encore de logements se heurte bien sûr avec l’objectif du zéro artificialisation nette. Autre problème : chaque territoire est différent et ils ne partent pas tous sur la même ligne de départ, en matière d’aménagement ou d’enjeux. Un objectif uniforme ne serait donc pas forcément équitable.

À tel point que les sénateurs plaidaient cet été pour un moratoire dans l’application de l’objectif ZAN, estimant les décrets signés au printemps comme contraires à l’esprit de la loi climat d’août 2021. Ils passent désormais à une étape supplémentaire, après plusieurs mois de travaux dans le cadre d’une mission de contrôle présidée par Valérie Létard (Union centriste).

Le gouvernement veut s’appuyer sur la proposition de loi sénatoriale

Ce 7 décembre, le Sénat a annoncé le dépôt d’une proposition de loi « visant à faciliter le déploiement des objectifs de ZAN au sein des territoires ». Celle-ci sera connue la semaine prochaine. Auditionné par la mission sénatoriale le 6 décembre, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé que « ce pourra être sur la base du véhicule législatif proposé par le Sénat que la discussion autour de l’évolution du cadre du ZAN s’établira ». L’impatience commence à monter au sein du palais du Luxembourg. « Pourtant, en dépit des groupes de travail ministériels, des consultations, et des déclarations du gouvernement, à ce jour, rien n’a évolué concrètement, ni dans la loi, ni dans les décrets », a déploré hier Valérie Létard. « On a fait le choix d’être proactifs sur le sujet et de ne pas tout attendre du travail gouvernemental », fait savoir Mathieu Darnaud (LR), l’ancien président de la délégation aux collectivités locales, joint par Public Sénat.

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Depuis l’été, les sénateurs sont spectateurs des annonces du gouvernement, mais ils ne les voient toujours pas se matérialiser dans les textes. Le ministre s’est dit ouvert dès la mi-juillet au Sénat « à la réécriture d’une partie » des décrets ZAN. Le 16 novembre, devant la commission des affaires économiques, Christophe Béchu a précisé que les décrets pourraient être révisés d’ici la fin de l’année. Il est même allé jusqu’à dire qu’un « texte législatif » sera nécessaire sur cette question, avec une fin des travaux « six mois avant les prochaines sénatoriales » de septembre 2023. Dernière bouteille à la mer lancée : au congrès des maires. Le 24 novembre, Élisabeth Borne a promis un assouplissement, pour mieux différencier les objectifs selon les territoires. La réécriture des règles, devra selon la Première ministre, exclure des projets d’envergure nationale, comme les lignes à grande vitesse, du décompte des sols artificialisés.

Les sénateurs veulent être précis dans la rédaction des textes

C’est sur ce point que le rapporteur de la mission sénatoriale, Jean-Baptiste Blanc (LR), insiste particulièrement. « Le ZAN ne crée aujourd’hui des obligations que pour les collectivités. Pourtant, l’État, comme les collectivités, est aménageur et constructeur : il faut le mettre face à ses responsabilités », a-t-il souligné dans un communiqué. « Il faut vraiment qu’on définisse une liste exhaustive de ce qui rentre ou ne rentre pas dans la nomenclature. Il s’agit de faire une loi précise », résume Mathieu Darnaud. Pas question pour les sénateurs d’en rester à des décrets qui laissent place à des interprétations multiples.

La question de la répartition de l’effort ne se pose pas seulement entre les collectivités et l’État mais aussi entre les territoires eux-mêmes. Les sénateurs relèvent des « contradictions » dans le calendrier imposé, et s’inquiètent des « quelques mois » laissés aux régions pour mettre en place une répartition équitable. Le 6 décembre, l’Association des maires ruraux de France a vivement dénoncé l’esprit des décrets, qui entérinent, selon elle, « un déséquilibre territorial » au détriment du monde rural. Leur président Michel Fournier y voit le risque d’une « tutelle rampante » des régions, sur l’action des maires.

La mission de contrôle sénatoriale reste également sur sa faim sur « la garantie rurale », annoncée sans plus de détails par le gouvernement le mois dernier. La garantie permettrait aux petites communes de conserver un droit à construire. « Le terme est assez cosmétique », admet Mathieu Darnaud. « Ce que veulent l’ensemble des membres, et le Sénat l’appelle de ses vœux, ce n’est pas d’être dans la seule logique comptable ».

Le ZAN soulève encore une dernière famille de problèmes pour les collectivités : ils sont budgétaires. Comment réhabiliter des espaces, recycler des friches sans adapter la fiscalité locale ? Et ce, au moment où les collectivités alertent depuis le précédent quinquennat sur la perte de leviers fiscaux, avec la disparition d’impôts locaux, la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur des entreprises (CVAE) en étant la dernière illustration. Sur ce sujet du financement, Mathieu Darnaud confesse que la réflexion du côté du gouvernement est « très peu aboutie ». « On a bien senti que sur ce point, on n’aura pas de réponse. »

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