« Ça pourrait être toi cette tête de liste » : du village de Percy au Sénat, le saut politique de Guillaume Gontard

« Ça pourrait être toi cette tête de liste » : du village de Percy au Sénat, le saut politique de Guillaume Gontard

SERIE - Ils sont incontournables. Parfois secrets. Quelques fois stériles, ou véritables morceaux d’histoire, les cafés, « déj » et autres dîners structurent la vie politique française. Le président des sénateurs écologistes narre son accession au Sénat, lancée par un travail collectif et marquée par une série de dîners.
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Par Pierre Maurer

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Il est toujours surpris quand les gens lui donnent du « Monsieur le sénateur ». Et à écouter Guillaume Gontard, pas grand-chose ne le prédestinait à devenir le patron des écolos à la chambre haute. Il n’y avait même « absolument » jamais pensé : « Quand je vois la convention citoyenne, je me dis que, moi, c’est un peu ça. J’ai l’impression que j’ai été tiré au sort ! »

Portrait-robot

Architecte de formation, l’Isérois d’adoption est arrivé en politique sur le tard, à 35 ans, en se présentant à la mairie de Percy (Isère), minuscule commune de 172 habitants. Il y restera près de dix ans, occupera les fonctions de conseiller communautaire et tentera l’aventure des départementales en 2015 mais ne pourra se maintenir au second tour.

Puis vient l’année 2017. Jamais encarté – il ne l’est toujours pas -, Guillaume Gontard navigue alors dans le « cercle écolo », se place à la croisée de plusieurs sensibilités à gauche. On le contacte pour faire partie des réflexions autour d’une liste sénatoriale commune entre le PCF, EELV, et le parti de Benoît Hamon (M1717). L’inspiration est tirée du mouvement qui a porté Éric Piolle jusqu’à la mairie de Grenoble en 2014, profitant d’une période de recomposition politique.

Un soir à Grenoble, dans une petite rue du quartier Championnet, Guillaume Gontard « dîne avec un cadre écolo. En discutant il me dit : ‘Voila, est-ce que ça t’intéresserait de faire partie de la liste ? Il faut 7 prétendants.’ » Très vite, les deux hommes en viennent à établir le portait robot de la tête de liste idéale : « C’était bien si ça pouvait être plutôt un élu rural ; bien si c’était un maire d’une petite commune ; quelqu’un pas forcément encarté mais un peu à la croisée de ces sensibilités… » Petit à petit, Guillaume Gontard comprend que le portrait lui ressemble. Il a du mal à « l’intégrer ». Son interlocuteur se fait plus direct : « Ça pourrait réellement être toi cette tête de liste ». Celui qui est alors édile sait d’autant plus que l’électorat local est favorable aux écologistes et que les chances d’être élu sont grandes. « Je ne sais même pas si j’ai mangé tellement je réfléchissais. »

Aujourd’hui, il est pris d’un doute. Il ne sait plus très bien qui était en face de lui. Mais il lui semble tout de même que c’était Gaël Roustan, ancien directeur de cabinet d’Éric Piolle. Reste que dans son esprit, une chose est claire : « C’est ce repas qui m’a fait basculer ».

« Tu ne seras plus maire ? »

Etape indispensable, synonyme de « t’y vas ou t’y vas pas », la réunion en famille. Presque tous ses enfants ne l’avaient connu qu’en tant que maire. A table, Guillaume Gontard leur explique la proposition qu’on vient de lui faire et répond aux questions sur la fonction de sénateur. Dans la bouche de ses trois garçons revient la même question : « Mais du coup, tu ne seras plus maire ? » « Non, c’est sûr que si je suis élu, j’arrêterai d’être maire », leur assure-t-il. Cri du cœur : « Alors vas-y !! », le pressent-il, espérant tous pouvoir passer plus de temps avec leur père. « Mais finalement ils se sont fait avoir », sourit avec le recul Guillaume Gontard.

La démarche de « réflexion collective » de la liste finit de le convaincre, et plus il y pense, moins il se sent « illégitime ». Sa « mentor » en politique et prédécesseure à la mairie du Percy, Capucine Le Douarin, lui recommande aussi de sauter le pas, elle qui avait participé à une liste sénatoriale socialiste dans les années 1980, en position non éligible. « Vas-y, mais fais gaffe. Ne te laisse pas avoir. Garde tes convictions et ne change pas », lui souffle-t-elle. Guillaume Gontard se lance donc dans le grand bain. La campagne, la première interview télé, le contact avec les élus locaux…

« Mais t’es malade ? T’aimes pas la vie ? »

Il était déjà venu au Sénat pour une visite à l’occasion du Congrès des maires. Le lieu lui avait paru totalement « inaccessible ». Au final, il y débarque élu en menant la liste « Un engagement commun » en septembre 2017 et intègre le groupe des communistes (CRCE). Un détail qui faisait partie des discussions de l’accord de départ avec ses partenaires de gauche, en partie chapeauté par Annie David, ancienne sénatrice communiste de l’Isère.

Il lui a fallu « un petit temps » pour réaliser. Les lieux l’impressionnent pour son premier jour. Pendant quelque temps, il vit le syndrome de l’imposteur : « Je ne me suis pas senti à la hauteur. J’étais maire d’une toute petite commune et je me retrouve avec d’anciens ministres, des présidents de départements… » A peine arrivé, il est d’ailleurs lancé en séance dans l’hémicycle. « J’avais une intervention au plateau, j’étais terrorisé. Même les huissiers voyaient bien que je n’étais pas très à l’aise ». Le texte portait sur la réglementation environnementale. « La pression de monter et de me retrouver comme ça… J’avais l’impression de ne pas avoir eu d’entraînements avant. Et heureusement qu’il y avait un pupitre parce que mes jambes tremblaient ».

Mais il est vite rassuré par l’ambiance « bienveillante » du Palais. Les sénateurs écolos, à l’époque sans groupe car trop peu nombreux, se chargent de l’accueillir comme il se doit autour d’un dîner. La « vieille garde » menée par Jean Desessard, Ronan Dantec et Joël Labbé l’embarque au restaurant du Sénat. « Je ne savais pas trop quoi prendre sur la carte, j’étais un peu intimidé. Et sans trop réfléchir je commande des pamplemousses ». Blagueur, Jean Desessard l’interpelle : « Oh là, mais t’es malade ? T’aimes pas la vie ? ». Eclats de rire. La glace est brisée.

Investi président du groupe des sénateurs écologiste reformé, Guillaume Gontard a fait son bonhomme de chemin depuis 2017 et est devenu une figure bien identifiée du Palais du Luxembourg. A tel point que certains de ses collègues lui ont trouvé un surnom, rapport à une vague ressemblance : « George Clooney ».

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