Des médecins demandent de nouvelles mesures dans la lutte contre l’épidémie pour accompagner le déconfinement

Des médecins demandent de nouvelles mesures dans la lutte contre l’épidémie pour accompagner le déconfinement

Alors que terrasses et lieux culturels doivent rouvrir leurs portes le 19 mai, médecins et experts interrogent le silence du gouvernement sur certains points jugés cruciaux, comme l’aération des lieux en intérieur et la lutte contre les clusters.
Public Sénat

Par Jules Fresard

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Le jeudi 28 avril, lorsqu’il reçoit à l’Élysée différents titres de la presse quotidienne régionale pour un entretien sur la stratégie gouvernementale de déconfinement, Emmanuel Macron souhaite passer un message fort. « La vie de la nation ne se réduit pas à l’évolution des courbes ». À comprendre que le temps est venu de donner aux Français des perspectives sur la réouverture du pays, alors que l’hexagone connaît son troisième confinement en l’espace d’un peu plus d’un an.

Réouverture des terrasses et lieux culturels le 19 mai, fin du couvre-feu le 30 juin… De nombreuses mesures ont été annoncées hier par l’Élysée, laissant entrevoir un retour à la vie normale d’ici le début du mois de juillet. Mais comme le rappellent les infographies publiées sur le compte Twitter de l’Élysée, chaque étape de ce déconfinement est conditionnée « à la situation épidémique départementale ».

Une situation hospitalière encore tendue

« Nous n’avons jamais été dans un niveau d’incertitude aussi grand depuis le début de la pandémie », s’inquiète ainsi Jean-Pierre Thierry, médecin spécialisé en santé publique. Car la situation sanitaire en France reste difficile. Le nombre d’hospitalisations se trouve dans un plateau haut, avec 5 804 personnes en réanimation et 27 000 nouveaux cas détectés chaque jour. Une situation moins favorable à celle d’il y a un an, quand 4 400 personnes étaient en réanimation, et que le calendrier de déconfinement de l’époque avait acté pour une réouverture des bars et restaurants au 28 mai. « Il y a une notion de pari. On ne sait pas ce qui va se passer entre le besoin de déconfinement de la population et la situation sanitaire. Ça passe ou ça casse », juge ainsi le médecin généraliste.

Le gouvernement espère cependant que la campagne de vaccination, appelée à se renforcer, va permettre une décrue rapide de la tension hospitalière. Emmanuel Macron a annoncé ce vendredi sur Twitter l’accès aux vaccins pour toutes personnes de plus de 50 ans le 15 mai, et pour tous les adultes le 15 juin. Une annonce bien accueillie par les médecins. « Le problème, c’est ce qu’il peut se passer, avant qu’on arrive à ces dates », analyse circonspect Jean-Pierre Thierry. D’autant que selon Jérôme Marty, médecin généraliste et président du syndicat Union française pour une médecine libre, « la vaccination ne vas pas freiner l’apparition de variants, mais peut au contraire faire pression sur eux avec in fine le risque de voir apparaître des variants résistants aux vaccins ».

Lutter contre une « clusterémie »

Un constat qui pousse médecins et experts du monde médical à demander un renforcement de la lutte contre la propagation du covid-19, afin d’accompagner au mieux les mesures de déconfinement.

Yvon Le Flohic, médecin généraliste, souhaite ainsi que la lutte contre les « super-propagateurs » et les clusters passe à la vitesse supérieure. « On sait bien que ce n’est pas une épidémie, mais une clusterémie. Il faut plus axer sur la lutte contre les super-propagateurs et les rassemblements qui font grimper les chiffres de contaminations ». « Si on maîtrise vraiment la propagation dans les clusters, on maîtrise le réservoir principal, et on peut lutter plus efficacement contre le virus » juge le médecin.

Jérôme Marty appelle, lui, à développer une véritable culture du test en France, à l’image de ce que fait le Danemark, où la population se fait tester en moyenne une à deux fois par semaine. « Il faut multiplier les autotests, en tous lieux et gratuitement, tester en entreprise et dans les lieux de rassemblements. Et quand on trouve quelqu’un de positif, savoir s’il s’agit d’un « super-contaminateur ». 10 % des malades contaminent 90 % de la population » explique-t-il.

Et l’attention du gouvernement est demandée dans le milieu hospitalier, où les cas de patients et de soignants contaminés par le virus sont importants. « J’aimerais que sur ces questions, le gouvernement face des propositions concrètes, avec le testage massif des soignants, les tests salivaires… Des mesures qui me paraissent plus importantes que la réouverture des salles de sport », croit Yvon Le Flohic.

Aérer les lieux intérieurs

Autre demande, celle de renforcer l’aération des lieux fermés. « Il faut une véritable politique de l’air intérieur. Si on arrive à rendre l’air intérieur égal à l’air extérieur, on ira dans le bon sens. Ce sont ces véritables mesures qui vont permettre, avec la vaccination, d’éviter une quatrième vague. D’ailleurs, ne pas expliciter les mesures à prendre pour accueillir les personnes à l’intérieur, dans les bars et restaurants, me paraît assez lunaire », juge Jérôme Marty.

La nature du virus fait que moins de 10 % des contaminations ont lieu à l’air libre, et que les rassemblements dans les lieux mal ventilés participent à la propagation du virus. C’est ce constat qui a d’ailleurs encouragé le gouvernement à autoriser la réouverture des terrasses au 19 mai, conscient du peu de risques qu’engendrent les rassemblements en extérieur dans la propagation du virus.

Avec une réserve toutefois émise par Michèle Legeas, enseignante à l’École des hautes études en santé publique et spécialiste de l’analyse et de la gestion des situations à risques sanitaires. « La jauge de six personnes en terrasse n’a de sens que si les six ne sont pas collés les uns aux autres. On ne peut être que trois mais si l’on est trop proche, il réside un risque de transmission du virus. Cela dépendra donc de la manière dont sont organisées les terrasses », explique la spécialiste. « Toutes ces explications devraient accompagner le plan de déconfinement, mais malheureusement, je ne le vois pas ».

Renforcer la pédagogie

Car le manque d’informations annexes accompagnant la stratégie de déconfinement, afin de donner aux Français les outils pour savoir ce qui est souhaitable ou non d’un point de vue pandémique, est regretté, notamment par Michèle Legeas.

« Depuis le début de cette épidémie en France, on a un cruel manque de pédagogie active. Il faudrait retransformer les informations du Conseil scientifique en véritable pédagogie. Les spots à la télé sont beaucoup trop simplistes », estime-t-elle. « Certains Français se sont forgé leur propre opinion sur la meilleure manière de lutter contre la pandémie, et rien n’est proposé pour reconstruire là-dessus ».

Des médecins et experts dans l’attente donc, de meilleure manière de lutter contre l’épidémie, mais aussi d’une circulation plus large des informations actuellement disponibles sur le virus pour adapter le comportement des populations, afin que les mesures annoncées jeudi 29 avril ne tournent pas au fiasco généralisé. Le 26 avril, l’Institut Pasteur publiait sur son site plusieurs modalisations de l’épidémie, et alertait : « Une remontée importante des hospitalisations pourrait être observée en cas de levée trop rapide des mesures de freinage le 15 mai, même sous des hypothèses optimistes concernant le rythme de vaccination ».

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