Banlieues et Grand débat national : le grand écart

Banlieues et Grand débat national : le grand écart

Mory, Mekana et Mody, 16 ans, ont grandi dans la cité de la Noé, à Chanteloup-les-Vignes (78). Un quartier qu’ils aiment, où tout le monde se connaît. La haine, célèbre film sur la banlieue, a été tourné ici il y a plus de vingt ans. Au pied de ces immeubles construits dans les années 60 pour loger la main-d’œuvre immigrée de la vallée de la Seine, les trois lycéens aiment discuter de l’actualité, des inégalités, de la politique. Pourtant le Grand débat national, à les croire, personne n’en parle ici.
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Par Marie Oestreich et Samia Dechir

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Ici, 35 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans les thèmes proposés pour le grand débat national, rien ne porte sur le chômage ou les discriminations que les jeunes du quartier disent vivre au quotidien.

Mory : « On n’est pas pris au sérieux. Si on revendique, on ne va pas avoir la même parole que d’autres. »

Mekana : « Personne ne se préoccupe de ça dans le quartier, c'est plus sur Paris que ça se passe. »

 Mory : « On n’a pas le même avenir, c’est dur de trouver du travail. Si tu dis que tu viens de Chanteloup, c’est mal vu. »

Seule trace du grand débat, cette borne informatique installée à l’entrée de la mairie. Personne n’y a déposé la moindre contribution.

Consultation citoyenne : Ces maires qui n'y croient plus

Catherine Arenou, la maire de Chanteloup-les-Vignes, n’organise pas de réunion. Pour elle, les banlieues ont déjà tenu leur grand débat national. C’était en 2018, avec le plan Borloo. Un plan pour les quartiers populaires, préparé lui aussi, à partir d’une grande consultation : 

« Les habitants, les élus, et surtout beaucoup de membres des associations locales venaient pour dire leurs propositions, tout le monde débattait. Ça se faisait dans une ambiance très positive puisqu’on avait donné 6 mois pour sortir quelque chose qui pourrait être remis aux différents ministres. »

À l’époque, l’élue de droite sans étiquette s’était investie dans ce tour de France des banlieues. Elle avait intégré le groupe de travail sur l’éducation. Elle a soutenu l’une des mesures phares du plan Borloo : la cité éducative pour mettre en lien tous les acteurs d’un quartier dans l’éducation des jeunes.

« La cité éducative, c’est vraiment une nouvelle façon d’aborder l’enfant dans la coéducation, ce sont les parents, la collectivité territoriale, et aussi toutes les équipes enseignantes et le péri éducatif, c’est-à-dire le temps où on accompagne l’enfant pour le sport, la culture, le centre de loisirs. »

Emploi, logement, éducation, des cahiers de la co-construction sont remis au gouvernement en mai 2018. Mais à la surprise de tous les acteurs mobilisés, le plan Borloo est enterré. La parole n’avait pas été tenue.

« Et ça, c’est très compliqué pour des politiques, des habitants, des élus qui se sont investis et qui ont espéré qu’après ça il y aurait un mieux. Si les gens viennent avec un espoir et qu’il est déçu, cette confiance-là, elle n’existera plus, et dans nos territoires, ça ne peut pas avoir lieu deux fois.  »

Voilà pourquoi Catherine Arenou n’organise pas de réunion dans sa ville. Elle ne veut pas prendre le risque d’une nouvelle déception.

 

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