Les Compagnons de la Libération : une certaine idée de la France

Les Compagnons de la Libération : une certaine idée de la France

Daniel Cordier, alias Caracalla durant la résistance, n’est plus. L’ancien secrétaire de Jean Moulin est décédé vendredi 20 novembre. Désormais, Hubert Germain se retrouve seul, dernier Compagnon de la Libération encore en vie. Mais qui étaient ces Compagnons de la Libération ? Comment cet ordre forclos, crée par le Général de Gaulle, est-il né ? Sa mémoire est-elle en péril avec la mort de ses derniers membres ? Jérôme Chapuis et ses invités tentent de répondre à ces questions, dans Un Monde en Docs.
Public Sénat

Par Hugo Ruaud

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Ils furent très peu, parmi les futurs « Compagnons », à entendre à la radio l’appel du Général de Gaulle, le 18 juin 1940. Tous en revanche écoutèrent, la veille, le Maréchal Pétain annoncer la capitulation de la France, et c’est ce qui les résolut. De toutes les régions, une poignée de jeunes accoururent pour se mobiliser, formant ainsi « les commençants » comme les appelle Vladimir Trouplin, conservateur du Musée de l’Ordre de la Libération, « les résistants de l’année 1940 ». C’est d’ailleurs avant tout ce que chercha à récompenser le Général, d’après Jean-Marie Guillon : « Il s’agissait de distinguer le peu d’hommes et de femmes qui l’ont rejoint, l’élite dont il ne va cesser de louer les mérites », alors que plus tard, pour compléter l’ordre, les choix « furent plus politiques », poursuit l’historien. 

Une « chevalerie » moderne

La symbolique de cet ordre est recherchée, choisie : contrairement à la plupart des ordres, comme la Légion d’honneur, « c’est un ordre égalitaire, il n’y a pas de hiérarchie. Étymologiquement, un « compagnon » est celui avec qui on partage le pain, un simple soldat et un général d’armée sont compagnons au même titre » nous éclaire Vladimir Trouplin. Il y avait cette idée de fédérer les troupes autour d’une « chevalerie » selon l’écrivain et scénariste Georges-Marc Benamou, en mettant en avant quelques membres « exemplaires », ce qui justifie le faible nombre de nommés.

Mais qui sont ces exemples ? Qu’avaient Daniel Cordier, Pierre Simonet, ou Hubert Germain de plus que leurs compatriotes ? Vladimir Trouplin leur trouve quelques points communs, qui expliquent peut-être leur engagement. Un amour de la France incomparable, un fort sentiment de revanche, bien sûr, mais aussi et surtout une forme d’ouverture d’esprit : « Ce sont des gens qui ont voyagé, qui se sont confrontés à d’autres cultures, et qui avaient en eux l’image de la France à l’étranger, de la nation des droits de l’Homme. C’est très intéressant sur le fait que l’éducation prémunit des idées toutes faites et permet d’être libre, d’avoir un libre arbitre » explique-t-il. 

Leur résistance, notre mémoire

Au total, 1 038 membres « physiques », 18 unités miliaires des Forces françaises libres, mais aussi 5 communes constituèrent cet ordre. Vassieux-en-Vercors est l’une d’elles. Comme l’explique son maire, Thomas Ottenheimer, le village, partie prenante du « maquis du Vercors », paya très cher sa participation à la Résistance : « Le 21 juillet 1944, l’armée allemande décide de mettre fin au maquis du Vercors, la quasi-totalité du village est détruite, et 73 de ses habitants sont massacrés. C’est un village martyr en tant que lieu de combat entre résistants et nazis, mais aussi parce que les Allemands n’ont pas fait de différence entre civils et combattants ». Inclure des villes parmi les Compagnons de la Libération fut aussi une manière, selon Jean-Marie Guillon, « d’inscrire la résistance géographiquement et d’illustrer un certain nombre de drames ou d’épisodes majeurs de la libération du territoire ». 

Après les décès de Pierre Simonet et Daniel Cordier, Hubert Germain, centenaire, est le dernier représentant vivant des Compagnons de la Libération. Inévitablement, la question de la postérité se pose. Bien sûr, les communes concernées sont garantes de cette mémoire. Mais cela doit être entretenu plus largement, car « la Résistance est une référence indispensable, c’est là que l’identité républicaine de la France fut refondée » conclut Jean-Marie Guillon.

À voir ou à revoir, le documentaire « Les derniers compagnons de la libération », suivi du débat dans « Un monde en docs », à 18 heures, canal 13 de la TNT.

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