Que contient le plan de relance du Sénat pour « remettre l’économie française sur les rails » ?
Les sénateurs de la commission des Affaires économiques ont révélé ce mercredi 170 mesures pour relancer l’économie française, durement touchée par la crise. « Nous proposons une relance partenariale entre l'État, l'Europe et les collectivités territoriales », explique Sophie Primas.

Que contient le plan de relance du Sénat pour « remettre l’économie française sur les rails » ?

Les sénateurs de la commission des Affaires économiques ont révélé ce mercredi 170 mesures pour relancer l’économie française, durement touchée par la crise. « Nous proposons une relance partenariale entre l'État, l'Europe et les collectivités territoriales », explique Sophie Primas.
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Par Ariel Guez

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Remettre l’économie française sur les rails et moderniser l’appareil productif, tout en sortant du « centralisme jacobin » : tels sont les objectifs de la commission des Affaires économiques du Sénat, qui a rendu public mercredi son plan de relance. Après les socialistes et Les Républicains, 21 élus siégeant au Palais du Luxembourg ont dressé une liste de 170 mesures dans le cadre d’un plan « ambitieux et lucide », a salué Sophie Primas, présidente de la commission. Dès le début de la crise, des cellules sectorielles de veille, de contrôle et d’anticipation ont été constituées pour mesurer évaluer les mesures prises par le gouvernement dans le cadre du plan d’urgence.

Fortes de plus de 200 auditions et des remontées de terrain, les propositions des sénateurs se basent aussi sur les constats réalisés pendant la crise sanitaire. Une des leçons de cette période, explique Sophie Primas, est « la dépendance de la France à certains pays, concernant l’approvisionnement de masques, de principes actifs et de tests ». Mais ce qui a pu être vu depuis mars « n’est que la partie émergée de l’iceberg », prévient la sénatrice LR des Yvelines, alertant sur la « fragilité du tissu industriel et les difficultés d’approvisionnement ».

Exonération de certains impôts contre des relocalisations

Ainsi, les sénateurs veulent une relocalisation importante des entreprises en France. Pour ce faire, « une stratégie d'identification des secteurs-clés » doit être réalisée avec la Commission européenne, selon les élus du Palais du Luxembourg. Mais dès maintenant, la commission des Affaires économiques plaide pour une exonération temporaire de certains impôts pour les entreprises qui reviendraient. Valérie Létard, membre de la cellule de veille « Industrie », souligne que des précédents ont déjà eu lieu. « Toyota a bénéficié d'une certaine exonération pendant cinq ans : une aide au démarrage », raconte l'élue du Nord. Pour autant, la sénatrice UC prévient : si cela permet « d'avoir une impulsion au départ », il faut aussi veiller « aux risques de concurrence entre les territoires ».

[À LIRE AUSSI - Mondialisation : la relocalisation des entreprises en France imposera de « payer plus cher »]

Les sénateurs n'excluent toutefois pas l'Europe dans leur plan de relance. Au contraire, « plus que jamais, l'Europe est l'échelon pertinent pour peser sur le monde », écrivent-ils. « Nous proposons une relance partenariale entre l'État, l'Europe et les collectivités territoriales (...) il nous faut une Europe plus politique et moins naïve », affirme Sophie Primas. Elle et ses collègues soutiennent qu'il faut donc « rapidement » opérer une réforme de la politique européenne de concurrence. Sur le plan numérique, la commission est en faveur d'une politique continentale « à la hauteur des enjeux » avec une taxe sur les GAFAM, un cloud européen et des normes garantissant la liberté du consommateur. Dans le domaine agricole, les sénateurs plaident pour une « PAC volontariste orientée vers la souveraineté alimentaire et la transition écologique ».

« Plus que jamais, l'Europe est l'échelon pertinent pour peser sur le monde »

Car l'Union européenne peut aussi être un levier d'action pour le climat, affirment les élus, qui recommandent la mise en place rapide de la « taxe carbone » aux frontières de l’UE. « C'est vrai que le temps au niveau de l'Europe est un temps long, mais il faut le faire maintenant », plaide Valérie Létard.

Important volet énergétique pour une « relance bas carbone »

« Avant de parler du monde de demain, il faut appliquer la loi d'aujourd'hui », approuve Daniel Gremillet, qui rappelle que la loi Energie-Climat n'est pas efficiente. « Nous avons des sujets importants en matière énergétique », souligne le sénateur LR des Vosges. Avec ses collègues, il propose « une feuille de route pour une relance bas carbone », qui passerait par une quarantaine de mesures. Les élus invitent notamment à « mobiliser la commande publique et la demande privée en faveur des véhicules propres », à « revaloriser le montant du chèque énergie » ou à « renforcer la compétitivité de l'électricité décarbonée ».

Construction de logements sociaux, hausse des APL

Surtout, dans le cadre de la transition énergétique, l'accent est porté sur la rénovation des logements. « La crise a montré que nos concitoyens étaient inégaux dans ce domaine », rappelle Dominique Estrosi Sassone. Ainsi, elle et ses collègues appellent à accélérer la rénovation des foyers et des hébergements collectifs d'urgence, mais aussi des particuliers. Pour ce faire, la sénatrice LR des Alpes-Maritimes plaide pour une modification du plafond de ressources conditionné aux aides d'État, trop bas aujourd’hui selon elle.  Dominique Estrosi Sassone justifie cette mesure en expliquant qu’elle inciterait les Français aisés à rénover les logements dont ils sont occupants ou bailleurs.

Toujours sur le volet de l’habitation et pour répondre à la crise sociale, les sénateurs veulent « sécuriser l'accès au logement » en construisant davantage de HLM, mais surtout en prévenant les impayés de loyer. Ainsi, les élus veulent mettre en place un outil et des fonds « comme une aide à la quittance d'urgence demandée par la Fondation Abbé Pierre », mais aussi revaloriser les APL.

Baisse de la TVA pour le secteur touristique

Alors que la consommation dans certains secteurs s'est effondrée ces derniers mois avec le confinement, le Sénat propose des mesures en faveur du tourisme et du secteur de la restauration, avec une réduction ciblée et temporaire de la TVA. Toujours dans cet objectif de « soutenir la demande », les élus de la commission des Affaires économiques proposent de renforcer le recours aux chèques-vacances, faciliter l'usage des tickets-restaurant, mais aussi « diminuer exceptionnellement les tarifs autoroutiers cet été ».

Conséquence de la chute de la demande, des entreprises ne vont pas avoir les moyens de recruter à la rentrée. Ainsi, des milliers de jeunes vont se retrouver sans emploi à leur arrivée sur le marché du travail. Pour soutenir leur insertion, le Sénat propose « une exonération des charges pour une embauche en premier CDI » ainsi qu'un soutien à l'apprentissage. Alors que le gouvernement a annoncé une aide de 5.000 euros pour toute entreprise qui recrutait un apprenti, les sénateurs proposent d'aller plus loin en donnant 8.000 euros, « afin que le coût soit réellement nul durant la première année ».

[À LIRE AUSSI - 24 propositions  pour répondre aux difficultés de recrutement des entreprises]

Il faudra « financer la relance par la dépense publique », mais en restant « lucide »

L'ensemble du plan, qui accorde également une large place à l'agriculture et au numérique, est budgété à hauteur de 30 milliards d'euros, a expliqué Sophie Primas en conférence de presse. Interrogée sur le financement d'une telle somme, la sénatrice exclut que le plan de relance soit conditionné à une hausse des impôts. « Ce serait contre-productif, car augmenter les impôts aurait des conséquences sur l'offre et la demande », justifie-t-elle. Ainsi, la sénatrice et ses collègues expliquent qu'il « va falloir financer la relance par la dette » en monétisant cette dernière par la Banque centrale européenne. « Il n'y a pas de divergence : relancer notre pays par la dépense publique, c'est la bonne stratégie ».

« Il y a des dispositifs qui ne peuvent pas attendre »

Sophie Primas plaide toutefois pour que les mesures soient mises en place avec une « méthode par le résultat ». En clair, évaluer au jour le jour les politiques et les réorienter si les résultats venaient à manquer, pour « soutenir plus l'offre que la demande ». « Il faut être lucide sur les finances publiques : dépenser, mais pas sans compter ».

Des amendements prévus dès juillet

Mais quand ces mesures pourront-elles être débattues, votées et mises en place ? Depuis son allocution le 14 juin, Emmanuel Macron consulte de nombreux acteurs sur l’après-crise et le plan de relance qu’il envisage, avant de s'exprimer une nouvelle fois courant juillet. Certaines propositions n'attendront peut-être pas la prise de parole du président de la République, prévient Sophie Primas. « Collectivement, nous allons faire des amendements dès le mois de juillet, lors de l'étude du troisième projet de loi de finances. Il y a des dispositifs qui ne peuvent pas attendre et nous les porterons dès cet été ».

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