Et si l’écologie était consubstantielle de la République ?

Et si l’écologie était consubstantielle de la République ?

Aujourd’hui, lorsque l’on entend « écologie politique », on pense spontanément à un parti ou à des associations qui se mobilisent pour l’environnement. Mais cette semaine dans Livres & Vous, les invités de Guillaume Erner, Serge Audier et Corine Pelluchon tous deux philosophes, nous font remonter aux racines historiques de l’écologie et tentent de formuler ce que pourrait être l’écologie politique de notre temps.
Public Sénat

Par Nils Buchsbaum

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Serge Audier, qui publie en ce début d’année 2020 La cité écologique : Pour un éco-républicanisme, rappelle que l’écologie est une science qui a trouvé ses fondements au XIXe siècle avec Ernst Haeckel, un biologiste influencé par la pensée de Darwin. Il raconte : « C’est une science des interactions du vivant et du milieu. Mais l’écologie va au-delà de ça, puisque c’est également un discours sur une nouvelle économie et un nouveau projet politique ». Pour le philosophe, la dimension politique de l’écologie c’est donc « l’idée qu’une société peut se construire dans le sens d’une interaction sociale mais aussi d’une interaction avec le monde vivant, avec la Nature ».

La solidarité comme pilier de l’écologie politique

Dans son ouvrage, Serge Audier entend contribuer au renouvellement de l’écologie politique, en proposant un projet mêlant république et écologie. Il montre cependant que nous ne partons pas de rien.
Tout d’abord, il suggère de repartir de la définition antique du républicanisme qui a été théorisé par les Grecs comme un régime qui vise le bien commun, l’intérêt général. Il suggère aussi de se saisir de l’héritage d’« un certain nombre de penseurs anarchistes, socialistes et républicains du XIXe siècle, notamment marqués par la révolution darwinienne, le romantisme mais aussi par le rationalisme scientifique des Lumières qui ont réfléchi à l’idée que la solidarité est un paradigme central pour penser les interactions entre le monde social et le vivant ».
Assez tôt, note Serge Audier, « il y a donc l’idée que la solidarité ne se limite pas à l’humain, qu’elle intègre aussi le vivant et la nature. Et il y a chez un certain nombre de ces penseurs partisans de l’émancipation et de l’autonomie, l’idée que la solidarité et la sortie d’un régime de domination doivent non seulement se faire des humains vis-à-vis des humains mais aussi vis-à-vis du monde animal et du monde vivant ».

 

« Prendre en main son destin, cela passe à la fois par un effort individuel d’émancipation et par un effort collectif consistant à travailler les institutions, réorienter l’économie et les finalités de l’Etat ».


La philosophie des lumières au service de l’écologie politique

Corine Pelluchon, elle aussi, va chercher dans l’histoire de la philosophie les moyens de penser un projet politique pour l’avenir, mais elle s’intéresse au XVIIIe siècle et plus particulièrement aux Lumières.
Elle définit ce moment de la pensée comme une attitude, un rapport critique au présent qui permet de définir les tâches les plus urgentes du moment et ce faisant, essayer d’y répondre.
Pour la philosophe, « l’avenir n’est pas clos d’avance, on peut prendre en main son destin ». Elle développe : « Cela passe à la fois par un effort individuel d’émancipation, et par un effort collectif consistant à travailler les institutions, réorienter l’économie et les finalités de l’Etat ».

« La nature était une géante et l’humain le prolétaire de la création »

Les Lumières sont associées donc à l’autonomie, à la démocratie, à la rationalité, y compris à une rationalité technoscientifique, un projet de maîtrise de la nature. Et justement, Corine Pelluchon avertit : « Il faut se rappeler qu’à l’époque, au XVIIe et XVIIIe siècle, la nature était une géante et l’humain le prolétaire de la création. Entre le XVIIe siècle et aujourd’hui, les conditions écologiques, les technologies ont changé, nous avons beaucoup plus de puissance et notre poids démographique a changé. Il faut contester ce dualisme présupposé : la séparation entre la raison et la nature ».

Dans son ouvrage Les Lumières à l’âge du vivant, Corine Pelluchon propose enfin de « penser l’écologie comme une manière d’exister, en l’articulant à la condition humaine. Penser l’écologie non pas seulement en se focalisant sur le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité mais comme une manière d’exister, en l’articulant à la condition humaine, le fait que nous habitons quelque part, que nous cohabitons avec d’autres vivants, humains et non humains ».


Retrouvez cette émission en replay ici

Les lumières à l’age du vivant, Corine Pelluchon, Ed. du Seuil
La cité écologique, Serge Audier, Ed. La Découverte
 

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