Laurence Boone, la nouvelle ministre chargée de l’Europe nourrit de fortes attentes chez les sénateurs

Laurence Boone, la nouvelle ministre chargée de l’Europe nourrit de fortes attentes chez les sénateurs

Ce lundi 4 juillet, Laurence Boone a été nommée secrétaire d’État aux Affaires européennes. Elle succède à Clément Beaune, affecté au ministère des Transports. L’économiste spécialiste des questions européennes et de la finance, travaillera auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères reconduite au Quai d’Orsay, Catherine Colonna.
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Par Tessa Jupon

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Le remaniement tant attendu est enfin arrivé. Le lundi 4 juillet dans la matinée, les noms des nouveaux ministres sont tombés via un communiqué de l’Elysée. Au ministère chargé de l’Europe, Clément Beaune laisse sa place à une économiste renommée de l’OCDE, Laurence Boone. Un choix que certains sénateurs regrettent. Clément Beaune semblait s’être fait sa place au Palais du Luxembourg. « Au Sénat nous avons été surpris de voir que Clément Beaune n’a pas été reconduit. Il échangeait régulièrement avec les sénateurs et il avait donné un certain élan aux dossiers que nous avions en commun. L’arrivée de Madame Boone est une surprise car elle n’était pas dans les radars du Sénat ». Jean-Michel Arnaud, sénateur centriste, membre de la commission des affaires européennes, déplore le fait que la nouvelle secrétaire d’État vienne des grandes banques anglo-saxonnes et reste perplexe sur sa capacité à « renouer l’adhésion des territoires à l’Europe ». De son côté, Jacques Fernique, sénateur écologiste et vice-président de la commission des Affaires européennes, a aussi été surpris de ce choix. « Il avait imprimé sa marque. Je m’attendais vraiment à ce qu’il reste à son poste. Contrairement à Laurence Boone, Clément Beaune avait la stature politique ». Pour les sénateurs, la nouvelle secrétaire d’État manque d’un véritable profil politique et s’apparente plus à une experte, « une pointure ».

À 53 ans, la cheffe économiste et secrétaire générale adjointe de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n’est pourtant pas novice en politique. En 2014, elle succède au poste d’Emmanuel Macron en tant que conseillère économique auprès de François Hollande lorsqu’il rejoint le ministère de l’Économie à Bercy. Deux ans plus tard, elle quitte le 7ème arrondissement pour retourner travailler dans le privé. De 2016 à 2018, elle travaille pour l’assureur Axa avant de faire son entrée à l’OCDE en tant qu’économiste. C’est en janvier 2022 que Laurence Boone est nommée secrétaire générale adjointe de l’organisation.

 

Une spécialiste en économie remarquée pour son travail et ses prises de position

 

En 2014, Laurence Boone est alors conseillère auprès de la présidence de la République et effectue des analyses importantes sur le financement de la COP21. Un travail qui a participé à l’adoption de l’Accord de Paris en décembre 2015. Sous François Hollande, l’économiste était aussi chargée des négociations avec le G20 au nom du Chef de l’État, des relations avec les institutions européennes, le FMI et les États membres.

Plus récemment, en pleine crise sanitaire, elle s’est fait remarquer par Emmanuel Macron lors d’une réunion avec plusieurs économistes pour avoir réalisé une présentation claire et appréciée. Une source de l’Élysée affirme qu’« elle ne sort jamais des clous ». Légitimant sa position par son poste d’économiste de l’OCDE, la spécialiste avait appelé les dirigeants européens à favoriser la vaccination de leurs populations pour sauver l’économie française.

 

Des enjeux majeurs attendent la nouvelle secrétaire d’État

 

La guerre en Ukraine va jouer un rôle très important dans l’agenda de la nouvelle ministre chargée de l’Europe. Entre sécurité énergétique liée aux menaces de coupures de gaz de la Russie et sécurité alimentaire avec les pénuries de blé, Laurence Boone arrive à un tournant de l’histoire de l’Union européenne (UE). Son ministère devrait être marqué par une avancée de l’indépendance énergétique européenne, que les sénateurs espèrent. Selon Jean-Michel Arnaud, « le dossier énergétique est le plus pressant à gérer, car on n’a pas assez de réserves de gaz pour passer l’hiver prochain. La souveraineté alimentaire est aussi importante à traiter car les Français font face à une forte hausse des prix, et l’Europe peut avoir la solution ». Le sénateur Jacques Fernique estime aussi que le gouvernement doit prendre le problème énergétique « à bras-le-corps » sans sacrifier les énergies renouvelables. « La politique européenne doit évoluer au niveau de la sécurité d’approvisionnement énergétique ».

Autre sujet brûlant, la secrétaire d’État devrait voir sur son nouveau bureau la question de l’élargissement de l’UE avec la récente candidature de l’Ukraine. Cette dernière ne sera pas la dernière sur la liste d’attente. Les 23 et 24 juin dernier, le Conseil européen a également accordé le statut de candidat à la Moldavie. Lors de ce rassemblement des chefs d’État et de gouvernements, les 27 ont discuté de la création d’une Communauté politique européenne afin d’intégrer les pays candidats dans leurs négociations en attendant le succès ou l’échec des longues procédures d’adhésion. Une nouvelle organisation proposée par le président français qui pourrait permettre aux pays candidats de bénéficier de premières « coopérations accrues » avec les États membres. Une initiative dont les sénateurs attendent l’application concrète. « L’un des enjeux principaux du gouvernement est l’avenir de la partie orientale de l’Europe : la phase d’attente de l’Ukraine et de la Moldavie sera-t-elle interminable ? La communauté politique sera-t-elle vraiment concrète ? Nous attendons une véritable clarté européenne sur ces questions ».

 

Des attentes fortes de la part des sénateurs

 

Les sujets sur lesquels la nouvelle secrétaire d’État est attendue au tournant, « ce sont les sujets sur lesquels le gouvernement n’a pas brillé par ses actions ». Le vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat attend de la ministre chargée de l’Europe une progression en matière de politique agricole. « Je souhaite que de nouvelles discussions autour de la PAC soient organisées avec des efforts des dispositifs existants pour la verdir ». Pour le climat, les parlementaires ont aussi leur lot de sollicitations. « Au niveau de l’agenda climatique, on ne peut pas dire que la France ait appuyé sur le frein, mais le plus dur reste à faire. Il faut faire en sorte que les territoires aient les moyens de décliner efficacement les politiques climatiques. Actuellement, il n’y a pas assez de dispositifs européens ».

Un espoir qui est aussi important pour la sénatrice Florence Blatrix Contat, « j’attends de Laurence Boone qu’elle veille au maintien du cap du green deal ». Avec la pandémie de covid-19, cette sénatrice socialiste est persuadée que l’Europe de la santé sera l’un des enjeux du prochain mandat. « On rentre dans une 7ème vague et pour toutes les questions de souverainetés, l’Europe a les réponses ».

Les sénateurs attendent désormais la désignation de perspectives précises, « c’est un véritable chantier qu’il faut mener et pas seulement prononcer des discours », affirme Jacques Fernique. Les locataires du Palais du Luxembourg laissent la nouvelle secrétaire d’État prendre ses marques mais il est indéniable que leurs attentes sont nombreuses et précises. Ils sont unanimes, l’un des enjeux à venir, à deux ans des élections du Parlement européen, est de renouer le lien entre les territoires, les Français et l’Europe.

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