« 2022 a été une année de convalescence », Jérôme Seydoux fait le point sur la situation du cinéma français

« 2022 a été une année de convalescence », Jérôme Seydoux fait le point sur la situation du cinéma français

En grande difficulté depuis la crise sanitaire, la situation économique du cinéma interroge. La commission de la culture du Sénat auditionnait, dans ce cadre, Jérôme Seydoux, propriétaire du groupe Pathé et Ardavan Safaee, président du groupe Pathé.
Henri Clavier

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Le cinéma, de la production à la distribution, est concurrencé, depuis plusieurs années, par l’essor des plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon. La France, poids lourd européen de la production cinématographique, apporte un soutien important au secteur culturel, en particulier le cinéma. Le Centre national du cinéma (CNC) participe largement au financement de la production cinématographique par diverses exonérations, subventions ou avances.

« 85 % de notre chiffre d’affaires provient des salles »

La question de l’avenir du cinéma entre nécessairement en opposition avec le développement des plateformes de streaming. Une opposition exacerbée durant la crise sanitaire. « On sort d’une période très difficile, 2022 a été une année de convalescence », note Jérôme Seydoux avant de souligner que « le covid-19 a été très favorable aux plateformes ». Il s’agit surtout d’une opposition entre deux modèles puisque le patron du groupe Pathé précise que « Pathé est une société qui ne fait que du cinéma, et 85 % de notre chiffre d’affaires provient des salles ». Un modèle économique différent et difficile à concurrencer. « Les plateformes ont un choix énorme, une offre de qualité et un prix pas trop élevé », constate Jérôme Seydoux. Pourtant, ce dernier considère que « faire des films, exploiter des salles est un métier qui ne disparaîtra pas ».

Sans parler d’une mort du cinéma, Jérôme Seydoux estime qu’à terme, « il ne restera que trois ou quatre plateformes ». Pour Pathé, comme pour le cinéma français la priorité est de se différencier des plateformes et cultiver « la diversité des films qui est la force du cinéma français ». Le président de Pathé, Ardavan Safaee considère d’ailleurs que la priorité est de « se demander comment est-ce que l’on fait pour faire venir les gens en salles ? ».

« Le cinéma low cost, je n’y crois pas »

Alors que les restrictions sanitaires n’ont été levées entièrement qu’en mars 2022, la fréquentation des salles de cinéma reste inférieure à la fréquentation précovid, qui était exceptionnelle. Le prix des places est, logiquement, considéré comme le principal facteur de ce désamour supposé pour les salles de cinéma. Une analyse que Jérôme Seydoux conteste, « le cinéma low cost, je n’y crois pas ». Pour ce dernier, « le cinéma bon marché, c’est la télévision ». Dans cette logique de différenciation de ses concurrents, télévision ou plateformes, le cinéma français devrait cultiver son exception. « Ce qui marche le mieux chez Pathé, aujourd’hui, ce sont les salles premium, nous avons 20 % des gens prêts à payer le prix fort », justifie Jérôme Seydoux. « Le cinéma est un spectacle, comme le football, mais le billet pour un match de football le prix est plus élevé », justifie Jérôme Seydoux, ancien actionnaire de l’Olympique Lyonnais.

Le dirigeant de Pathé affirme cependant que les tarifs différenciés permettent de rendre les places plus accessibles à certains publics tout en rappelant que le cœur du modèle économique de Pathé repose sur les salles de cinéma et donc le développement des salles dites premium. Jérôme Seydoux concède l’existence d’un « vieillissement de l’audience ». Chez les jeunes, le prix des places a manifestement un impact sur la fréquentation des salles. « Le pass culture a été extrêmement efficace, notamment sur les abonnements », note Jérôme Seydoux. « En France on produit certains films qui ne méritent pas la salle », lance le dirigeant de Pathé, selon lequel la qualité des films diffusés influe largement sur la fréquentation des salles.

« C’est peut-être parfois trop facile de produire un mauvais film »

Grâce au soutien économique apporté par le CNC, la France produit un nombre conséquent de films chaque année. Initialement loués pour la mise en lumière de la diversité du cinéma français, les financements du CNC sont considérés comme un facteur de la baisse de fréquentation des salles. « Faire exister un film est de plus en plus difficile, il faut beaucoup investir dans la promotion », analyse Ardavan Safaee. « Le maillon le plus fragile c’est la distribution. Les distributeurs ne bénéficient pas d’une aide du CNC », continue le président de Pathé.

Concrètement, le système de soutien du cinéma français alimenterait une baisse de fréquentation à cause d’une massification de la production. « C’est le CNC qui décrète les aides, c’est peut-être parfois trop facile de faire un mauvais film. Et un film, s’il a reçu des aides publiques, doit sortir en salles », affirme Jérôme Seydoux. Certains dispositifs du CNC comme l’avance sur recettes permettent de favoriser la production cinématographique. Ce dernier estime donc qu’il est nécessaire de penser à « moderniser les règles » pour stimuler l’attractivité du cinéma français et ménager les distributeurs. Tout l’enjeu est donc d’assurer la viabilité économique des distributeurs et producteurs tout en conservant la liberté artistique.

 

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