Lutte contre le Covid-19 : la difficile coordination entre l’hôpital public et le privé

Lutte contre le Covid-19 : la difficile coordination entre l’hôpital public et le privé

Alors que certaines cliniques se trouvaient sous-utilisées malgré les tensions à l’hôpital, la coopération entre public et privé commence à s’améliorer.
Public Sénat

Par Fabien Recker

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C’est une « mise au point ». Mardi, le président de la fédération des cliniques et hôpitaux privés de France (FHP) a réaffirmé que le secteur privé prenait bien toute sa part dans la bataille contre le coronavirus. « Nous travaillons tous ensemble ! » a déclaré Lamine Gharbi par voie de communiqué. « Public, privé (...) nous unissons nos forces à chaque instant pour mener le combat contre la pandémie. Toute autre attitude serait irresponsable ».

Les acteurs de l’hôpital privé reconnaissent toutefois qu’il y a eu des « retards à l’allumage », en particulier dans la région Grand Est où l’épidémie est particulièrement sévère. Liés en partie « à des habitudes de travail du SAMU et de la régulation, qui orientent d’abord vers les hôpitaux publics. Ils ont continué à fonctionner comme cela alors que le public était surchargé et que nous, nous avions de la place » explique Marie-Sophie Desaulle, présidente de la FEHAP, la fédération des établissements privés non lucratifs. « Ça va mieux, mais combien de jours de perdus ? » se désole Thierry Amouroux. Le porte-parole du syndicat des infirmiers SNPI reproche « à la technostructure, au gouvernement et aux agences régionales de santé » leur « impréparation » pour intégrer plus tôt le privé dans la réponse sanitaire.

Des instructions ont pourtant été données. « On a eu des consignes strictes des ARS : déprogrammer toute l’activité chirurgicale, comme les prothèses de hanche ou la cataracte, c’est-à-dire des actes qui peuvent être différés sans que ça cause un dommage au patient » assure Jacqueline Hubert, du groupe Vivalto (39 établissements privés dans toute la France). Selon la FHP, ce ne sont pas moins de 200 000 interventions chirurgicales qui ont ainsi été déprogrammées, libérant « 40 à 60 lits par établissement. » « C’est disparate en fonction des territoires, mais dans l’ensemble la coopération fonctionne bien » témoigne le docteur Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société Française de Médecine d'Urgence. « Le privé participe à la hauteur de ses capacités. » Notamment en Ile-de-France, où l’ARS aurait tiré les enseignements des dysfonctionnements observés précédemment dans l’Est. « C’est toute l’efficacité de la régulation du Samu Centre 15, qui évalue le besoin de santé et l’adéquation par rapport aux différents plateaux techniques et essaie d’orienter au mieux vers le privé ou vers le public » poursuit la médecin urgentiste. L’objectif étant de « décharger au maximum l'hôpital de tout ce qui n’est pas Covid, et de mettre dans le privé tout ce qui peut l’être, sans prendre de risques pour le patient. »

Des ajustements culturels nécessaires

Car tous les hôpitaux privés ne sont pas également équipés pour faire face à la crise. « Nous avons à Paris des hôpitaux qui ont des urgences et des lits de réanimation déjà installés, comme Montsouris, Saint-Joseph ou Foch, donc nous étions en capacité de répondre tout de suite » souligne Marie-Sophie Desaulle de la FEHAP. « Alors que certains hôpitaux privés à but lucratif ont d’abord dû transformer des salles de réveil pour accueillir des patients. » À Paris, la FEHAP affirme avoir augmenté sa capacité d’accueil en réanimation de 103 à 316 lits. Au niveau national, la FHP évalue actuellement à 4000 le nombre de lits en réanimation dans le privé. Si les ARS ne communiquent pas sur le taux d’occupation de ces lits du secteur privé, dans l’Ouest, où la vague n’a pas encore frappé, il y a de la place. « Dans certains établissements on est dans un entre-deux, où on a plus d’activité chirurgicale hors urgence, mais dans lesquels on n’a pas encore forcément les patients Covid, surtout les établissements bretons et en Pays de Loire, régions moins touchées que la région parisienne » explique Jacqueline Hubert, du groupe Vivalto.

La coordination entre l’hôpital public et les cliniques demande en tout cas quelques ajustements culturels, les cadres hospitaliers n’ayant pas pour habitude de faire appel à aux structures privées en temps normal. « Il n’y a pas les réseaux de contacts comme on a dans le public, où chacun a son réseau habituel » explique Thierry Amouroux, du syndicat des infirmiers. « Quand on manque de lits, on appelle tel cadre infirmier ou tel médecin dans tel établissement, pour demander “est ce que tu peux prendre quelqu’un?” mais on n’appelle pas le privé. Ils ne sont pas dans nos carnets d’adresses. Là c’est en train de changer ». Un avis que partage Marie-Sophie Desaulle, la présidente de la FEHAP. « S’il peut y avoir quelque chose de positif qui sort de cette crise, c’est de réapprendre à collaborer entre nos établissements privés et les hôpitaux publics. »
 

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