Assurance chômage : accord entre députés et sénateurs qui durcissent le texte

Assurance chômage : accord entre députés et sénateurs qui durcissent le texte

Les députés et sénateurs ont trouvé un terrain d’entente sur ce texte qui prévoit de moduler les conditions d’accès aux allocations chômages en fonction de la situation économique. Selon le compromis, les allocations seront supprimées en cas de refus de deux CDI par les personnes en CDD ou en intérim.
François Vignal

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C’était loin d’être fait, mais députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur le projet de loi sur l’assurance chômage. Au terme de la réunion de la commission mixte paritaire (CMP), ce mercredi matin, la corapporteure du texte au Sénat, la sénatrice LR Frédérique Puissat, ne cachait pas sa satisfaction. « Nous avons redurci le texte », lance l’élue de l’Isère, alors que la majorité sénatoriale de droite et du centre avait déjà durci en partie la proposition de loi, lors de son passage à la Haute assemblée.

Le gouvernement revient sur sa position concernant les refus de CDI

Les sénateurs avaient en effet ajouté en commission la suppression des allocations chômage pour une personne en CDD qui refuserait 3 CDI sur un même poste ou emploi similaire, et dès le premier refus de CDI pour les personnes en intérim. Deux points que refusait le gouvernement. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, craignait notamment, dans un entretien à Ouest France, que la mesure incite les chômeurs « à ne pas accepter des contrats courts ou des missions d’intérim de peur finalement d’être enfermés dans un emploi qu’ils auraient pris pour des raisons alimentaires, temporaires et sans nécessairement souhaiter y construire leur vie professionnelle ».

La majorité présidentielle a finalement lâché sur ce point, en acceptant au passage, à la demande des sénateurs, de durcir encore les conditions pour les CDD. Résultat, il y aura suppression de l’allocation chômage après 2 refus de CDI pour une personne en CDD, même chose pour les intérimaires. Les deux cas (CDD et intérim) ont été alignés pour éviter les risques de censure par le Conseil constitutionnel, au nom d’un traitement différencié.

« A une heure du matin, on était en discussion avec le ministre par SMS »

Hier soir, il y avait pourtant encore blocage. « A une heure du matin, avec la présidente de la commission, Catherine Deroche, on était en discussion avec le ministre par SMS », confie Frédérique Puissat. « A 7 heures, ce matin, toujours pas de terrain d’entente. Tout ça était discuté au niveau de Matignon », ajoute l’élue LR. Ce matin, la sénatrice a fait mine de claquer la porte. « J’ai dit, sinon, on acte un désaccord. J’étais prête à faire un communiqué. Il a dit, attendez, on va trouver un compromis », raconte la sénatrice LR. Un coup de pression visiblement efficace. Car finalement, « à 9 heures, fumée blanche », raconte Frédérique Puissat, qui a pu entrer en CMP pour finaliser l’accord.

Quitte à durcir trop les conditions pour les travailleurs ? « Il faut revenir au Code du travail » rétorque Frédéric Puissat, « très honnêtement, on a oublié l’essence même de ce qu’est le système assurantiel. Il est là en cas de difficulté. On a besoin des filets de protection – et je le sais, car j’ai été moi-même au chômage. Mais il doit être réservé pour les personnes qui sont privées de façon involontaire d’emploi. Ce n’est pas dur ou pas dur, c’est l’esprit de notre système, tel qu’il est défini dans le Code du travail ».

« Le texte réintroduit le paritarisme dans la gestion de l’assurance chômage en remettant les partenaires autour de la table »

L’accord ne se limite pas aux refus de CDI. Les sénateurs estiment avoir été entendus sur l’article 1er, sur la question du paritarisme, point auquel était particulièrement attaché également l’autre rapporteur du Sénat, le centriste Olivier Henno. « Le texte réintroduit le paritarisme dans la gestion de l’assurance chômage en remettant les partenaires autour de la table », souligne Frédérique Puissat, qui ajoute que les discussions entre partenaires sociaux « peuvent ouvrir la possibilité de remettre en cause la lettre de cadrage ». L’accord a été trouvé sur ce point hier soir, à 20 heures.

Sur la possibilité de moduler les allocations en fonction du contexte économique – mesure phare du texte du gouvernement – en les durcissant quand ça va bien et en les allégeant quand la conjoncture est mauvaise, pas de problème. Les sénateurs sont depuis le départ d’accord. Ils ont juste accepté que le gouvernement puisse agir par décret pour moduler ces règles jusqu’au 31 décembre 2023, contre fin juillet dans le texte du Sénat.

Dans le compromis, les sénateurs ont lâché sur les allégements au bonus-malus pour les entreprises

Dans le compromis entre les deux chambres, les sénateurs ont lâché sur le bonus-malus en cas d’excès de contrats courts, qu’ils avaient assoupli pour les entreprises. « Nous l’avions vidé (de sa substance). Il est finalement resté dans la version de l’Assemblée, c’est-à-dire avec une période de mise en place qui est une période d’observation », explique Frédérique Puissat.

Le texte prévoit aussi qu’un abandon de poste sera désormais assimilé à une démission, et ne donnera plus droit à l’allocation chômage. Mesure ajoutée par les députés LR à l’Assemblée. Un garde-fou est prévu pour prévoir des recours si l’abandon vient de raisons jugées légitimes (santé, sécurité du salarié menacée).

Le député Renaissance Marc Ferracci salue un « travail d’enrichissement des parlementaires »

A l’issue de l’accord en CMP, la première ministre s’est réjouie sur Twitter. « Dialoguer et construire ensemble, c’est pouvoir agir pour le plein-emploi. C’est ce que montre l’accord trouvé par les députés et sénateurs », a réagi la locataire de Matignon.

Le rapporteur du texte à l’Assemblée, le député Renaissance Marc Ferracci, a lui salué dans un communiqué le texte issu de la CMP. « Nourri du travail d’enrichissement des parlementaires, ce projet de loi constitue une première brique dans la stratégie de long terme du gouvernement et de la majorité présidentielle pour permettre à un maximum de nos concitoyens d’accéder à un emploi stable et durable », estime le député des Français établis hors de France. Concernant les refus de poste en CDI sanctionné pour les CDD et intérimaires, il souligne que ces « problématiques […] ont été signalées aux élus par nombre de dirigeants de TPE/PME ». « Des situations qui, bien que non massives, perturbent lourdement l’activité des entreprises aux effectifs modestes, ce dans un contexte économique et de pénurie de main-d’œuvre déjà particulièrement difficile », met en garde Marc Ferracci.

Mais le rapporteur de l’Assemblée pointe cependant, auprès de l’AFP, un risque « d’usine à gaz ». « Est-ce que les employeurs vont s’engager dans la démarche (pour pointer les refus de CDI, ndlr) ? », demande le député, qui a « un gros doute sur la faisabilité »…

« Sans CMP conclusive, c’était la grande aventure et le gouvernement retournait devait l’Assemblée »

Dans la CMP, la droite et le centre étaient en position de force, avec quatre sénateurs de la majorité sénatoriale et un député LR, contre en face quatre députés de la majorité présidentielle, qui ont donc aussi voté pour le texte de la CMP. « Ils auraient pu être mis en minorité », relève la rapporteure du Sénat. Les parlementaires de gauche ont voté contre. A noter que « le député RN a voté » le texte, selon Frédéric Puissat.

Pour le gouvernement, le cœur de son texte, sur la modulation des conditions selon la conjoncture économique, est passé. C’est l’essentiel. Car en cas de désaccord avec les sénateurs, les députés auraient eu le dernier mot. Mais la majorité présidentielle, qui n’a que la majorité relative, peut-être pas. « Si on n’acceptait pas de CMP conclusive, dans ce cas, c’était la grande aventure et le gouvernement retournait devant l’Assemblée », résume Frédérique Puissat. L’exécutif a semble-t-il préféré le compromis avec les sénateurs, quitte à durcir son texte, plutôt que l’incertitude du retour au Palais bourbon. Comme nous l’expliquions, Sénat et exécutif ont chacun intérêt à trouver des accords. L’un pour faire avancer ses idées, peser et renforcer le Sénat, l’autre pour faire adopter ses réformes.

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