Agnès Buzyn, la femme politique s’éveille
Presque inconnue il y a deux ans, Agnès Buzyn est désormais solidement installée au ministère de la Santé, où cette femme médecin...

Agnès Buzyn, la femme politique s’éveille

Presque inconnue il y a deux ans, Agnès Buzyn est désormais solidement installée au ministère de la Santé, où cette femme médecin...
Public Sénat

Par Gabriel BOUROVITCH

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Presque inconnue il y a deux ans, Agnès Buzyn est désormais solidement installée au ministère de la Santé, où cette femme médecin s'est affirmée comme une figure du macronisme dans la fidélité, dit-elle, aux "valeurs" de son ex-belle-mère, Simone Veil.

Personne n'avait vu venir cette femme réservée à l'allure soignée de bonne élève, dont la voix fragile cache une fermeté parfois trahie par un regard bleu acier.

Mais qui aurait parié sur une spécialiste des leucémies et de la greffe de moelle, au pur profil de technicienne sans expérience politique?

Son parcours, pourtant, témoigne d'une ambition certaine: chef de l'unité de soins intensifs d'hématologie de l'hôpital Necker à 30 ans, nommée à la tête de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à 45, de l'Institut national du cancer à 48, de la Haute autorité de santé à 53, et enfin ministre à 54.

"L'aboutissement de toute ma carrière professionnelle", reconnaît l'intéressée.

Propulsée dans la lumière, elle s'impose d'abord comme ministre de la santé publique, avec des choix emblématiques sur le tabac et les vaccins.

Portée par "l'illusion que le rationnel scientifique pouvait suffire à faire prendre les bonnes décisions", elle doit en rabattre sur l'alcool quand Emmanuel Macron affirme "boire du vin le midi et le soir".

Et quand Yves Levy, son mari et père de son troisième fils, spécialiste du Sida, a voulu se maintenir à la tête de l'Inserm l'an dernier -avant de renoncer- elle s'est défendue des soupçons de conflit d'intérêts d'un abrupt: "Ca ne me regarde pas".

"La politique, c'est violent, parfois douloureux", concède-t-elle, "mais quand on a dû annoncer des diagnostics épouvantables à des familles, à des enfants, c'est quand même beaucoup moins grave".

Beaucoup moins lourd, aussi, que le poids de l'histoire d'une famille de juifs polonais rescapés de la Shoah.

Celle de la mère, Etty, cachée par une famille de Justes durant l'Occupation, devenue une psychanalyste de renom.

Celle du père, Elie, survivant de l'enfer d'Auschwitz, devenu chirurgien orthopédique.

"Quand des gens ont enduré ce qu'ils ont enduré, ça donne une autre échelle des valeurs", explique-t-elle. La preuve, "quand ça va mal, je dis toujours à mes équipes +Est-ce que quelqu'un va mourir à la fin?+".

- "Passage de relais" -

Le cuir s'est encore endurci au contact de Simone Veil, dont elle épousa le fils Pierre-François, avec qui elle eut ses deux premiers fils.

"Je l'ai connue jeune, lorsque j'étais encore étudiante, et j'avais pour elle une immense admiration", confessait-elle à l'été 2018, lors de l'entrée de la grande dame au Panthéon.

Elle évoquait alors "un passage de relais" avec l'icône du droit à l'avortement, ministre de la Santé à deux reprises et première présidente du Parlement européen.

La tentation de Bruxelles fut d'ailleurs très forte en ce début d'année. "Elle a été approchée par plein de gens, ça a résonné par rapport à son histoire et à ses convictions", raconte un haut fonctionnaire.

Mais, en plein vote de la loi santé, "ça aurait été un énorme gâchis de changer de ministre", d'autant qu'elle a "une forte crédibilité dans le secteur".

Un sentiment moins partagé à la base du système hospitalier où les infirmières gardent en travers de la gorge quelques attitudes qualifiées de "mépris de classe": des yeux levés au ciel, un rictus lors d'une visite à Rouen... Un médecin parisien juge que la ministre est depuis trop longtemps "déconnectée du terrain".

Pas de quoi la pousser à partir, quand tant d'autres ont voulu la retenir. "Ils ont tous fait une démarche auprès d'elle en disant +Vous ne pouvez pas nous laisser tomber+. Ca l'a beaucoup touchée", selon un pilier de la majorité.

Tant pis pour le symbole d'un destin européen dans les pas de Simone Veil. "Je trace mon propre chemin, en restant fidèle à ses valeurs", dit Agnès Buzyn.

Un chemin qui la confrontera bientôt aux tabous d'une société: la bioéthique, les retraites, la dépendance. En substance, la vie et la mort, mais elle l'assure: "Je n'ai pas peur. En fait, je n'ai peur de rien".

Partager cet article

Dans la même thématique

Clairefontaine: Celebration of French Training Model’s 50 Years
8min

Politique

A Lyon, avec le soutien Laurent Wauquiez, Jean-Michel Aulas marque-t-il vraiment des points ?

L’ancien président de l’Olympique Lyonnais, quasi-candidat aux municipales à Lyon, reçoit le soutien des LR, avec Laurent Wauquiez. « La candidature Aulas est en train de marquer des points », selon le sénateur LR Etienne Blanc. « Il faudra qu’il muscle un peu son jeu, il n’est pas au niveau », raille le sénateur des Ecologistes, Thomas Dossus.

Le

SIPA_01222969_000002
8min

Politique

Vote de confiance : quel est le bilan de François Bayrou à Matignon ?

Malgré la surexposition médiatique de ces derniers jours où François Bayrou a tant bien que mal défendu son budget et son choix surprenant de demander en amont aux députés un vote de confiance, le sort du Premier ministre semble scellé. Ses dix mois à Matignon ont été marqués par une propension à s’appuyer sur des propositions de loi, de longues conférences de presse sur le danger de la dette publique, l’échec d’une amélioration de la réforme des retraites et la polémique Bétharram.

Le

Durain ok
2min

Politique

Le sénateur PS Jérôme Durain élu à la tête de la région Bourgogne-Franche-Comté

Le sénateur de Saône-et-Loire, qui s’est récemment illustré en tant que président de la commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic, a été élu à la tête de la région, succédant à Marie-Guite Dufay. Elu sénateur en 2014, il va devoir lâcher son mandat de parlementaire en raison du non-cumul des mandats.

Le