Alimentation:« Les produits ultra transformés doivent être taxés, comme le tabac l’a été », selon Thierry Marx

Alimentation:« Les produits ultra transformés doivent être taxés, comme le tabac l’a été », selon Thierry Marx

Jeudi 22 septembre 2022, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a organisé une audition en présence de plusieurs spécialistes, dont le chef cuisinier Thierry Marx, sur les impacts sanitaires, économiques et culturels de l’alimentation ultra-transformée.
Public Sénat

Par Lucille Gadler

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« Que ton alimentation soit ta première médecine », professait Hippocrate. La science en témoigne. L’alimentation est l’un des déterminants majeurs dans la survenue de maladies chroniques (obésité, maladies cardiovasculaires, diabète, cancers) dont le coût humain, social et économique est considérable. Or, comme le rapporte l’INSEE, la part de consommation d’aliments bruts cède, chaque année, un peu plus de terrain aux produits transformés et aux plats préparés.

C’est dans ce contexte que l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a organisé une audition en présence de spécialistes. L’objectif était d’explorer les impacts de la consommation d’aliments ultra-transformés et de s’intéresser aux conséquences sur les habitudes alimentaires. Parmi les personnes auditionnées, le chef cuisinier Thierry Marx tire la sonnette d’alarme.

« Ce qui se prépare est quelque chose de dramatique »

Sociologue et professeur à l’université de Toulouse, Jean-Pierre Poulain tire les conclusions de l’observation de ces dernières années. Avant l’épidémie, 9, 3 millions de personnes étaient en dessous du seuil de pauvreté et subissaient des tensions sur leur budget alimentaire. En 2021, c’était 1 million de plus nous précise le sociologue. « Ce qui se prépare est quelque chose de dramatique […] La situation va s’aggraver par les effets sur le prix et les effets conjoncturels » conclut-il. Or, comme le relève le chef cuisinier Thierry Marx, cette mauvaise alimentation « a un impact colossal sur la santé publique ».

« Nous avons une alimentation à deux vitesses »

Pour le chef étoilé Thierry Marx, ce constat est d’autant plus inquiétant qu’il repose, avant tout, sur une inégalité socio-économique qui ne cesse de s’intensifier. « Avant, nous avions une fracture sociale, aujourd’hui nous avons une alimentation à deux vitesses » insiste-t-il. Développé dans les années 70, le low cost alimentaire s’est présenté comme une solution au manque de pouvoir d’achat, au détriment de la qualité des produits : « Il y a une explosion de diabète de type 2 dans nos quartiers » poursuit le chef. Il est vrai que la France s’illustre par un paradoxe : si, sur l’ensemble de la population, l’état de santé moyen demeure bon ; des inégalités de santé importantes se révèlent au regard de critères socio-économiques et ce dès l’enfance. Jean-Pierre Poulain le confirme, au regard du budget alimentaire, ce sont toujours les plus pauvres qui se retrouvent punis. « On a une série de facteurs liés entre pathologie et position sociale » explique le sociologue. Pour lui dès lors, il ne faut pas blâmer les victimes.

« Les industriels doivent faire leur autocritique »

Mais quelles solutions apporter face à cet enjeu de santé publique ? Pour Thierry Marx, le problème doit se traiter à plusieurs niveaux. « Ma conclusion est simple : il y a des produits très mauvais pour la santé publique. On les connaît, ils ont été identifiés. Aujourd’hui, ces produits doivent être taxés, comme le tabac l’a été. ». C’est aussi par l’éducation que le chef propose de remédier au problème : « Il faut réapprendre à manger aux plus jeunes. Pour que les mangeurs ne soient plus des surconsommateurs. Pour que cette société soit moins malade ». Pour Jean-Pierre Poulain, il s’agit de donner à la population, et surtout aux plus démunis, les moyens de se nourrir correctement. « Il est de notre devoir politique de réfléchir aux conditions d’aide pour permettre aux personnes qui vont en souffrir et qui en souffrent déjà, de passer le cap » clôt le sociologue tout en précisant que « les industriels aussi, doivent faire leur autocritique ».

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