Ces évolutions du Code du travail, passées sans contestation, ou presque

Ces évolutions du Code du travail, passées sans contestation, ou presque

Après une nouvelle journée de mobilisation syndicale contre la réforme du droit du travail par ordonnances, retour sur les grandes réformes qui ont profondément modifié notre société. De l'instauration du SMIC, à la création du statut d’autoentrepreneurs, toute n'ont pas fait l'objet de la même opposition.
Public Sénat

Par Priscillia Abereko

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

1970, du SMIG au SMIC
En 1970, vingt ans après sa création, le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) devient le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Une revalorisation voulue par le ministre du travail Joseph Fontanet, censée permettre aux travailleurs percevant le smig de profiter de l’accroissement du revenu de la nation. L'ancien conseiller social du Président Nicolas Sarkozy, Bertrand Martinot explique ces avancées sociales qui ont été prises dans une période de croissance : les trente glorieuses : « le modèle social français hérité de 1945 est bâtît sur la répartition des gains de croissance. Lorsqu’il y a beaucoup moins de croissance, c’est tout l’ensemble du système social français qui se trouve remis en question ». L'historien Stephane Sirot ajoute par ailleurs que « cette réforme n’est pas directement issue d’un mouvement social, même s’il existe une connexion avec mai 68 ». Preuve que l’on peut réformer sans contestations sociales.

1980, l’essor de l’intérim
En 1980, de nouvelles formes de travail se développent pour faire face au chômage grandissant. C’est l’essor du contrat d’intérimaire. Ces nouveaux contrats à durée limité et précaires sont avant tout des solutions de secours. Peu d’intérimaires le sont durant toute une vie, c'est en tout cas la façon dont ce statut est perçu à l'époque. Face à cet essor, se pose la question de la protection de ces contrats. Pour Bertrand Martinot, « les syndicats ont eu tendance à protéger les salariés en CDI. Ils ont longtemps négligé tout ce qui se développe au marge du marché du travail comme les formes de contrats courts, atypiques, qui n’ont jamais été au cœur de leurs préoccupations ». Pour Stéphane Sirot, « le syndicalisme s’est orienté au fil de son histoire, de la défense des travailleurs à la défense des salariés », ce qui explique la faible opposition syndicale au développement, à l'époque, de ce type de contrat.

1986, l'autorisation des licenciements simplifiée
En 1986, dans un climat d’hostilités, le gouvernement de Jacques Chirac fait machine arrière. Douze ans après son adoption, la loi d’autorisation administrative de licenciement pour motif économique est supprimée. Par cette abrogation, le gouvernement espère voir le chômage diminuer. Une logique pourtant contestable. Pour l’historien Stephane Sirot « penser que la création des emplois passe par une facilité de licenciement est absurde. Chacun sait que c’est évidemment la croissance, toute une série d’éléments économiques, qui vont produire de l’emploi en France. ». Une mesure qui aura l'effet inverse de ce qu'espérait Philippe Séguin, alors ministre du travail. Pour l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy : « la fin de l'autorisation administrative marque l'entrée de l'autorité judiciaire dans le processus d'autorisation » ce qui a finalement compliqué la tâche des patrons.

2000, les petits patrons contre les 35 heures
En 2000, cette fois ce sont les patrons qui grognent contre la réforme. En cause, l’instauration des 35 heures par la loi Aubry I qui fixe la durée légale du temps de travail par semaine. Critiquée par certains secteurs d’activités pour son frein à la compétitivité, « elle va toutefois entraîner la renégociation de toute une série de conventions collectives datant de 1936-1937 favorables aux salariés » selon Stephane Sirot « dans la baque par exemple, les salariés vont perdre des droits ».

2007, le droit de grève encadré
En 2007, le droit de grève est encadré. Face aux grèves à répétition qui paralysent les institutions, le Président de la République Nicolas Sarkozy instaure le service public minimum. Une réforme très attendue par l’opinion publique. Bertrand Martinot affirme ainsi qu’« il y avait un vrai mécontentement de la population face à ces grèves. Cette réforme est passée sans contestations avec une CGT beaucoup plus à l’écoute des préoccupations des français. »

Auto-entrepreneurs : l'ancien conseiller de N.Sarkozy "il s'agissait de contourner le droit du travail"
01:18

 

2009, création du statut des auto-entrepreneurs
En 2009, une révolution silencieuse s’opère « à bas bruit », souffle Bertrand Martinot, le statut des auto-entrepreneurs est créé. Ce statut, qui signe le début de l’ubérisation de la société, bouleverse le marché du travail, sans aucune contestations. Pour Bertrand Martinot, « ce statut de l’auto-entrepreneur personne ne l’avait vu venir. Il a été porté par la circonstance de la crise économique, la récession et l’effondrement du marché classique qui ont contribué à l’explosion de ce statut d’auto-entrepreneur ».

 

 

 

Bibliographie:

  •  "Le syndicalime, la politique et la grève", de Stephane Sirot, éd Arbre bleu.
  •  "Un autre droit du travail est possible", de Bertrand Martinot et Franck Morel, éd Fayard.

 

Retrouvez l'intégralité de l'émission présentée par Fabrice D'Almeida, samedi à 8h30 et 15h30, dimanche à 12h et lundi à 23h.

Dans la même thématique

Enfants et ecrans
4min

Société

Rapport sur l’usage des écrans chez les enfants : « Nous avons perdu six ans », déplore la sénatrice Catherine Morin-Desailly

Commandé par l’exécutif, le rapport d’experts sur l’usage des écrans chez les enfants a été remis au président de la République ce 30 avril. En 2018, le sujet avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi largement votée au Sénat, mais jamais discutée à l’Assemblée. Auteure du texte, la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce aujourd’hui « une perte de temps ».

Le

A national gendarmerie van entering the Paris courthouse
7min

Société

Meurtre de Matisse à Châteauroux : qu’est-ce que l’excuse de minorité, que le gouvernement souhaite réformer ?

Alors que de multiples faits divers concernant des mineurs font l’actualité ces dernières semaines, le dernier en date, le meurtre de Matisse, 15 ans, poignardé à mort, samedi dernier à Châteauroux, par un mineur afghan âgé lui aussi de 15 ans et placé sous contrôle judiciaire, cinq jours avant le meurtre, Gabriel Attal a annoncé, le 18 avril dernier, souhaiter « ouvrir le débat » sur l’excuse de minorité. Mais au fait, à quoi fait référence cette qualification pénale, qui revient régulièrement dans les discussions ?

Le

Photo IVG
3min

Société

Accès à l’IVG en France, la course d’obstacles

Le 4 mars 2024, le Parlement adopte définitivement l'IVG dans la Constitution. Après les députés, les sénateurs ont voté en faveur de l’inscription de « la liberté des femmes de recourir à une interruption volontaire de grossesse » dans la loi fondamentale. Un « jour historique », selon le gouvernement, mais qu'en est-il concrètement de l'accès à l'IVG sur le territoire ? Derrière les célébrations, sous les ors du Congrès à Versailles, se cache une réalité plus sombre. Public Sénat est allé enquêter sur le terrain à la rencontre de ces femmes en quête d’une IVG.

Le