Depuis 40 ans « Les pays européens n’ont jamais cessé de s’enrichir » pour Hubert Védrine

Depuis 40 ans « Les pays européens n’ont jamais cessé de s’enrichir » pour Hubert Védrine

Les chocs pétroliers et le chômage de masse de la fin des années 70 en France, la chute du mur de Berlin en 1989, l’attentat contre le World Trade Center le 11 septembre 2001, et enfin la signature de l’accord sur le climat lors de la COP21 à Paris en 2015, voici les 4 images que nous avons retenues des 40 ans passés. Un difficile exercice, et forcément lacunaire, auquel s’est prêtée l’info dans le rétro pour saluer les 40 ans du magazine partenaire « l’Histoire ».
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Par Adrien BAGET

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Dès 1978, après le choc pétrolier qui a vu les prix du brut et l’inflation s’envoler, la crise s’étend dans le monde et touche particulièrement  la France avec plus de 1 million de chômeurs. Mais la fin des 30 glorieuses n’est pas synonyme de la fin d’un cycle d’expansion pour Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangère dans le gouvernement de Lionel Jospin  « Je ne sais pas ce que le mot crise englobe. Les pays européens n’ont jamais cessé de s’enrichir si l’on prend les statistiques globales.  À l’époque on sort des trente glorieuses et l’on commence à rentrer dans une période où le plein-emploi n’est plus assuré donc les gens réagissent mais il ne faut pas faire une interprétation misérabiliste du sujet. Il s’agit plutôt d’une longue mutation ». Un point de vue que partage Michel Winock car pour l’historien et fondateur de la revue Histoire, « une crise –par définition  ne dure pas longtemps, il s’agit d’un autre phénomène qui est un changement de société et d’économie mondiale. Le déclic est le choc pétrolier de 1973, puis on s’aperçoit que ce n’est pas seulement le problème du pétrole qui crée le chômage, c’est tout un ensemble de conditions comme l’émergence des pays émergents, les avancées technologiques qui tuent l’emploi. On vit quelque chose de nouveau » l’entrée dans la mondialisation.

De la chute du mur à un monde global

Une entrée dans un monde global qui s’accélère en 1989. Alors que le mur de Berlin tombe sous la pression de milliers d’Allemands dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, c’est tout un système qui s’effondre et qui annonce déjà la fin de la guerre froide. « La guerre-froide en 1989 ne faisait déjà plus peur mais elle a fait peur. En 1980, un article de Raymond Aaron titrait « Hégémonisme soviétique an 1 » car avec la poussée soviétique en Afrique et en Afghanistan elle était perçue comme une puissance dangereuse et 9 ans plus tard le mur s’écroule. On est passé en une décennie de la peur de l’Union soviétique au constat qu’elle était en train de s’effondrer » détaille Michel Winock. Hubert Védrine pour sa part ajoute que ce changement historique n’est pas le début du monde global. « Tout le monde sait que depuis que Gorbatchev a dit aux dirigeants du bloc de l’Est qu’il n’emploierait jamais la force en Europe de l ‘Est pour sauver les régimes, ce sont des morts-vivants. Pas besoin d’attendre la chute du mur de Berlin. A l ‘époque les Allemands peuvent déjà partir par la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Il y a donc un décalage entre l’émotion mondiale à travers l’image et la réalité froide des relations internationales ». Alors est-ce la fin de l’histoire et le début d’un monde global de paix comme le pense l’historien américain Fukuyama ? Non pour Hubert Védrine «  ce n’est pas la fin de l’histoire mais le redémarrage de l’histoire face à un océan d’illusions ».

Dès 1981, F. Mitterrand prédisait la chute du bloc soviétique.
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11 septembre, la fin des illusions 

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L’attentat contre le World Trade Center coupe court aux espoirs d’un monde pacifié, et qui aurait comme seul horizon la démocratie. Le 11 septembre 2001 les attaques simultanées par des terroristes islamistes à Washington, et New York provoquent près de trois mille morts. Pour Hubert Védrine « On s’est rendu compte que dans le monde global, le terrorisme peut-être global aussi, c’est un choc énorme pour les États-Unis, une souffrance et une humiliation car ils n’ont jamais été attaqués sur leur sol mis à part à Pearl Harbour. On rentre dans le grand débat qui corrige l’interprétation de Fukuyama – NDDLR : qui théorise la fin de l’Histoire  sur au contraire un possible clash des civilisations selon la formule de Samuel Huntington ». C’est également le signe du début d’une guerre de longue durée pour Michel Winock « dans les années qui ont suivi l’implosion de l’Union soviétique,  on a cru à la paix mondiale et on ne voyait pas tous les éléments qui préparaient autre chose (...) cela a été un vrai choc. C’est la fin des illusions et on entre dans une ère nouvelle ».

COP 21, pour une nouvelle gouvernance mondiale

Mais peut-on résumer ces 40 ans aux seules crises et risques pour la population mondiale ?  Pas sûr. La signature de l’accord de Paris en est un bon exemple. Michel Winock voit en la COP 21 le bon côté de la mondialisation « les problèmes de plus en plus seront des problèmes mondiaux (…) hors la volonté des responsables politiques va souvent à l’encontre de la vertu internationale. Il y a un conflit entre les intérêts nationaux dans tous les  pays avec la nécessité comme dans cette réunion de s’unir pour lutter contre ce terrible danger qui nous menace tous ». Encore faut-il avoir le temps de percevoir les effets de ces accords internationaux. Et il faut faire vite, aujourd’hui pour l’ancien diplomate le monde est face à deux enjeux majeurs qu’il appelle « les comptes à rebours » dans son dernier ouvrage : l’un est écologique, l’autre démographique.

Pour Hubert Védrine, on peut y remédier, « si les solutions  vont plus vite que  le compte à rebours de la dégradation écologique, qui ne met pas en danger seulement  la planète qui peut être là sans nous —  mais la vie sur la planète (…) on a trente-quarante années devant nous qui sont explosives. » 40 années qui ouvrent un nouveau chapitre de l’Histoire.

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