Fibre optique : « 100 % du territoire équipé en 2025, c’est un objectif tenable », assure Patrick Chaize

Fibre optique : « 100 % du territoire équipé en 2025, c’est un objectif tenable », assure Patrick Chaize

Le sénateur de l’Ain, spécialiste des télécoms, interviendra lors des Assises du Très Haut Débit mercredi 23 juin, un évènement dont Public Sénat est partenaire. Il revient sur le développement de la fibre et la 5G en France, mais aussi sa proposition de loi qui entend rendre plus vert le numérique. Entretien.
Public Sénat

Par Propos recueillis par Jules Fresard

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Alors que le plan France Très Haut Débit prévoit de déployer à 100 % la fibre sur le territoire hexagonal d’ici à 2025, la 15e édition des Assises du Très Haut Débit se déroulera la semaine prochaine à Paris. Avec comme thème central, « Aménagement numérique du territoire : nouvelle donne, nouvelles ambitions ? ». Patrick Chaize, sénateur Les Républicains et président du groupe d’études sénatorial Numérique, revient sur les enjeux de ce déploiement.

Au rythme actuel, pensez-vous que l’objectif gouvernemental de 100 % du territoire équipé en fibre optique d’ici 2025 est tenable ?

Ce déploiement, ce n’est pas quelque chose de nouveau. C’est un plan engagé depuis de nombreuses années, et cela fait un certain temps que je réclame à chaque loi de finances, un complément financier pour atteindre les objectifs fixés. C’est-à-dire 100 % de très haut débit en 2022, dont 80 % en fibre optique, puis 100 % de fibre à 2025. Finalement, dans le cadre du plan de relance, ce qu’on demandait depuis un grand nombre d’années a été approuvé, et on peut s’en féliciter. Actuellement, je pense que ce plan est réalisable, même si le covid est passé par là et que des événements divers et variés peuvent encore se produire. Ce sera peut-être en 2026, mais globalement c’est un objectif tenable et souhaitable, et peut-être même que le calendrier s’accélérera. Nous avons besoin d’un réseau de communication moderne, besoin qui s’est révélé d’autant plus nécessaire au regard de la panne qu’a connu Orange.

Comment se répartissent la gestion et le financement de ce chantier pivot, entre les pouvoirs publics et les opérateurs ?

C’est un partenariat. Avec l’Etat, via le plan de relance, qui le finance à hauteur de 3 milliards d’euros, les collectivités 3,5 milliards, et les opérateurs participent eux à hauteur de 7 milliards d’euros. On a donc une répartition à 50/50 entre le public et le privé, pour un total de près de 14 milliards d’euros, qui permettront de construire le réseau de communication de demain. Concernant le pilotage des chantiers, cela va dépendre des territoires. Dans les grandes villes, 173 pour être précis, ce sont les opérateurs qui ont investi de leur propre initiative. Dans celles-ci, il y a quatre réseaux en parallèle, ceux d’Orange, Free, SFR et Bouygues. Cela résulte en partie de l’Europe, qui comme il s’agit d’un secteur rentable, a estimé qu’il fallait laisser l’initiative privée. Puis, il y a les zones AMI, pour Appel à Manifestation d’Intérêts, qui représentent 3 600 communes. Deux opérateurs ont répondu, Orange et SFR. Ils se sont partagé le territoire et ont donc investi d’eux-mêmes, avec l’obligation cependant d’ouvrir leur réseau aux concurrents. Et enfin, toutes les autres communes, soit la zone la plus importante. On a laissé les collectivités prendre les initiatives, et c’est donc pour ces zones que l’accompagnement financier de la puissance publique est le plus important.

A côté de la fibre, la 5G est actuellement en train de se développer sur le territoire. Mais une part non négligeable des Français y est aujourd’hui hostile. Pensez-vous que le gouvernement comme les opérateurs ont manqué de clarté et de pédagogie avec cette technologie ?

D’abord, quand on évoque la 5G, il faut savoir de quoi on parle, car ce terme regroupe plusieurs réalités. Il y a d’abord le réseau de téléphonie mobile, qui émet des ondes uniquement quand il est sollicité, contrairement aux autres réseaux qui émettent en permanence. La 5G permet également de séparer les flux, si bien que les données mobiles ne viendront plus empiéter sur le réseau classique permettant d’appeler et d’envoyer des SMS. Je suis certain que ce genre d’évolution est plutôt vertueux. Et puis il y a le volet qui pose plus de questions, celui des objets connectés, qui n’a pas encore vu le jour. Il est appelé à se développer sur une fréquence très haute, 26 gigahertz. Et la vraie question, c’est de savoir si ces ondes, qui sont déjà présentes dans les micro-ondes, n’ont pas d’effets négatifs pour la santé. C’est pour cette raison que devant les ministres, j’ai déjà exprimé mes craintes quand ils parlent de « la 5G ». En parler par le petit bout de la lorgnette donne l’impression qu’on attire les gens vers de grands ensembles, ce qui a généré des craintes chez une partie de la population, craintes qui sont d’ailleurs en train de s’atténuer. Il y a donc eu un manque de clarté et de transparence de la part des autorités, volontaire ou pas. Ce qui a généré des contestations, du fait que l’on n’a pas bien expliqué la réalité de cette technologie, avec l’idée qu’elle s’imposerait d’elle-même par les sachants, au détriment de la majorité.

Outre la question du déploiement, il y a aussi celle de l’usage. 17 % des Français souffriraient d’illectronisme, un sujet sur lequel le Sénat s’est déjà mobilisé. Pensez-vous qu’il s’agit du prochain chantier qui attend le gouvernement ?

Très franchement, je pense que ce chantier est déjà lancé. Cédric O, le secrétaire d’Etat au numérique, a déjà annoncé la mise en place des médiateurs numériques, pour accompagner certaines personnes. Il y a là indéniablement un sujet, mais le souci est qu’on ne maîtrise pas la progression du numérique. On a lancé une machine, qui n’est plus sous contrôle. Edison a inventé le téléphone de base pour que les familles bourgeoises puissent écouter l’opéra. Aujourd’hui, les téléphones portables sont devenus une part intégrante de notre vie. On a donc cet outil, le numérique, et on ne sait pas encore jusqu’où il ira. Nous avons la responsabilité que chacun se l’approprie. Pour moi, l’accès au numérique aujourd’hui, c’est l’alphabétisation d’hier.

Votre proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique a été adoptée par l’Assemblée le 10 juin. Quels sont les apports majeurs de ce texte ?

Sur le numérique, j’avais l’impression que l’on n’anticipait pas la question environnementale. Il faut se rappeler que le numérique, en France, c’est 2 % des émissions, émissions qui pourraient monter à 5 % en 2040 si on n’agit pas. Il faut se rappeler qu’avant le covid, le trafic aérien, c’était 4,5 % des émissions. C’est donc une industrie très polluante. L’objet de mon texte, c’est une prise de conscience collective, qui se décline en quatre axes. Avec l’éducation d’abord. Quand j’ai vu des jeunes dans les marches pour le climat retransmettre en direct les évènements sur leur smartphone… Je ne leur jette pas la pierre, mais il faut qu’on les informe du poids polluant du numérique. Puis un autre axe sur le matériel, pour lutter contre l’obsolescence programmée notamment. Également s’intéresser à l’usage, pour lutter par exemple contre la lecture automatique des vidéos, et sur les plateformes, favoriser la lecture en qualité standard plutôt qu’en 4k. Et enfin une partie réseau, concernant les infrastructures, la gestion des data centers…

Au Sénat, vous aviez rajouté un amendement à votre texte pour exclure de la redevance pour copie privée (une taxe payée lors de l’achat de tous consommables numériques et appareils multimédias, s’inscrivant dans le droit d’auteur, ndlr) les appareils reconditionnés. Une pétition signée par 1 200 artistes publiée par le JDD accuse une telle démarche d’opposer culture et écologie. Comprenez-vous cette critique ?

Non, je ne la comprends pas. Je pense qu’une grande partie des signataires n’a pas conscience de ce qu’elle fait, et si demain une pétition sort pour défendre l’environnement, vous y retrouverez 150 % des signataires. Globalement, ce qu’ils ont essayé de défendre, c’est leur porte-monnaie. On leur a dit qu’ils allaient perdre 30 millions d’euros si l’amendement passait, que le gouvernement a au passage rejeté. Or, cette mesure ne s’appliquait déjà pas, ma volonté était simplement celle d’ancrer cette réalité dans la loi. Pour moi, le sujet était limpide. Les entreprises qui reconditionnent du matériel informatique n’ont pas à payer cette redevance, qui a déjà été payée une première fois lorsque le produit a été vendu neuf. Le gouvernement veut faire du climat un marqueur de sa politique, mais à un moment, on ne peut pas dire je suis pour le climat, sauf si cela concerne la culture. La problématique du climat, il faut la prendre dans son ensemble.

Les Assises du Très Haut Débit auront lieu mercredi 23 juin, de 8 heures à 13 heures à la Maison de la Chimie, à Paris.

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