L’Eglise confrontée à une demande d’enquête indépendante sur la pédophilie
Un groupe de personnalités réunissant des religieux, d'ex-ministres, des avocats et des victimes lancent un appel pour une enquête parlementaire...

L’Eglise confrontée à une demande d’enquête indépendante sur la pédophilie

Un groupe de personnalités réunissant des religieux, d'ex-ministres, des avocats et des victimes lancent un appel pour une enquête parlementaire...
Public Sénat

Par Karine PERRET

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Un groupe de personnalités réunissant des religieux, d'ex-ministres, des avocats et des victimes lancent un appel pour une enquête parlementaire indépendante sur les abus sexuels dans l’Église en France, afin que le pays commence à rattraper son "retard" en la matière.

"A côté des procédures judiciaires qui permettront de sanctionner les crimes et les délits individuels (...), seule une commission parlementaire a le pouvoir de faire la lumière sur le passé pour éviter qu'il ne se reproduise", affirment les auteurs de cet appel, transmis samedi à l'AFP et publié prochainement dans Témoignage chrétien.

Une telle commission pourrait exiger "la communication des archives diocésaines" et permettre d'informer la justice de "faits dont celle-ci n'aurait pas eu connaissance", écrivent-ils, au moment où de vastes scandales de pédophilie viennent d'être mis au jour aux États-Unis ou en Allemagne.

Parmi les signataires figurent les avocats Jean-Pierre Mignard et William Bourdon, les fondateurs de l'association de victimes La parole libérée, François Devaux et Alexandre Dussot-Hezez ou l'ancienne ministre de la Santé, Roselyne Bachelot-Narquin.

L'ex-ministre de la Famille et actuelle sénatrice Laurence Rossignol, le député LREM Jacques Maire ou encore le père Vignon, qui a récemment lancé une pétition pour demander la démission du cardinal Barbarin, soutiennent cette démarche.

L'archevêque de Paris, Mgr Aupetit, n'y est pas hostile: "Pourquoi pas, bien sûr !", dit-il au Parisien de dimanche. "Si la situation montre qu’on a besoin d’une intervention extérieure à l’Église pour aller au bout des choses, je ne vois pas d’entorse à la laïcité", ajoute-t-il.

Ce n'est pas la première fois que de telles doléances se font jour, mais elles peinent à être suivies d'actes. "On peut s'étonner à quel point la France est en retard par rapport à ce qui a été fait dans d'autres pays" comme l'Australie ou les États-Unis, déclare à l'AFP Laurence Rossignol.

"J'aspire à ce qu'un jour nous puissions faire un vrai rapport complet en se faisant aider pour cela par des personnes extérieures, pour avoir une vision plus scientifique", affirmait récemment au Monde Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims (non signataire de l'appel), plaidant pour "une sorte d'étude épidémiologique".

Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (non signataire également) suggère, elle, une "investigation" menée par des chercheurs qui serait "scientifiquement incontestable".

"En France, on n'a aucune donnée statistique, sur la pédophilie au sens large", souligne François Devaux, président de La Parole libérée. "Tant qu'on ne peut pas mesurer l'ampleur du fléau, on ne peut pas y répondre correctement", dit-il.

- "Bureaucratie énorme " -

"Tous les pays qui ont fait un travail d'inventaire l'ont fait grâce à des instances indépendantes de l'institution écclésiale", observe Christine Pedotti, directrice de la rédaction de Témoignage Chrétien.

Les scandales de pédophilie qui entourent l'Eglise catholique
Les scandales de pédophilie qui entourent l'Eglise catholique, principales affaires dans le monde ces dernières années
AFP

C'est le cas de la Commission d'enquête royale en Australie, de la Commission Ryan en Irlande ou encore de l'enquête du grand jury de l’État de Pennsylvanie aux États-Unis.

En Allemagne, une enquête dévoilée cette semaine et réalisée par un consortium indépendant d'universitaires fait état d'au moins 3.677 victimes agressées entre 1946 et 2014 par au moins 1.670 membres du clergé.

Pour les auteurs de l'appel en France, le caractère contraignant d'une commission d'enquête parlementaire (obligation de répondre aux convocations, auditions sous serment, poursuites pénales possibles) donnera du poids à leur démarche.

Leur pétition, consultable en ligne (http://pedophilieeglise.wesign.it) doit être transmise à chacun des présidents de groupe à l'Assemblée et au Sénat.

"Le Parlement doit se saisir de cette demande", estime Mme Rossignol, qui prévient toutefois: "Une commission parlementaire, ce n'est pas le tribunal".

Pour beaucoup, il est temps de faire bouger les lignes. "L’Église, navire gigantesque, bureaucratie énorme, donne l'impression qu'elle ne sait pas comment prendre les choses. Les catholiques s'irritent qu'on ne leur réponde que par des propositions de type +journée de jeûne et de pénitence+", explique Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions.

Pour l'heure, il reste difficile d'évaluer le nombre de victimes de pédophilie dans l'Église. Dans un entretien à La Provence samedi, Mgr Georges Pontier, le président de la Conférence des évêques de France, a toutefois estimé que "1 %" des prêtres en France auraient commis des actes pédophiles.

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_01129335_000011
6min

Politique

ZFE, ZAN : les sénateurs LR demandent « à être pris au sérieux » sur l’écologie

A l’Assemblée, « le socle commun » se fracture autour du projet de loi de simplification adopté de justesse cet après-midi. Après la suppression des zones à faibles émissions (ZFE) obtenue par LR et le RN, les députés macronistes avaient annoncé qu’ils ne voteraient pas le texte. Au Sénat, la majorité LR dénonce la méthode du gouvernement en matière de transition écologique qui consiste, selon eux, à rajouter « encore plus de contraintes » aux Français.

Le

Francois Fillon tribute to Joel Le Theule, December 11, 2022
2min

Politique

Affaire des emplois fictifs : François Fillon condamné en appel à quatre ans de prison avec sursis et cinq ans d’inéligibilité

La cour d’appel de Paris a revu sa condamnation à la baisse. Après l’avoir condamné en mai 2022 à quatre ans de prison dont un an ferme dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse, la Cour de cassation avait estimé que la peine de prison ferme à l’encontre de François Fillon n’était pas suffisamment motivée. Ce mardi, la peine de prison ferme a été soustraite.

Le