La prison en dernier recours : Macron dévoile une révolution des peines
Passer d'un système axé sur la prison à une justice qui privilégie d'autres sanctions et que les peines soient réellement et...

La prison en dernier recours : Macron dévoile une révolution des peines

Passer d'un système axé sur la prison à une justice qui privilégie d'autres sanctions et que les peines soient réellement et...
Public Sénat

Par Laurence BENHAMOU

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Passer d'un système axé sur la prison à une justice qui privilégie d'autres sanctions et que les peines soient réellement et immédiatement appliquées: tels sont les principes de la "refondation" pénale que doit annoncer mardi à Agen Emmanuel Macron.

L'objectif est non seulement de rendre les peines plus efficaces mais aussi de lutter contre la surpopulation carcérale. Avec un taux d'occupation de 200% en région parisienne et de 120% au niveau national, la France figure parmi les pires élèves d'Europe. Au 1er janvier 2018, 68.974 détenus s'entassaient dans 59.765 places.

Reprenant un des engagements forts de sa campagne, Emmanuel Macron a déjà annoncé ces derniers mois vouloir à la fois qu'une peine de prison prononcée soit réellement exécutée et développer de manière "massive" les peines alternatives. Comme une troisième voie entre une gauche taxée de "laxisme" et une droite dite "répressive".

Mardi après-midi, devant l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) où il se rend avec la garde des Sceaux Nicole Belloubet, il présentera sa vision d'une justice qui abandonne la préférence carcérale pour d'autres "punitions", en partie inspirée des pays du nord de l'Europe.

Parmi les annonces fortes attendues mardi, il pourrait écarter l'option de la prison pour les peines les plus courtes et élargir l'éventail des autres peines (bracelet électronique, travaux d'intérêt général) et des formules de probation (mise à l'épreuve).

Ces solutions existent déjà mais restent peu utilisées : en 2016, sur les quelque 550.000 délits sanctionnés, les tribunaux ont prononcé 52% de peines de prisons (dont 19% ferme) et 11% de peines alternatives dont moins de 3% de travaux d’intérêt général.

- Trois dans 9 m2 -

Il souhaite qu'au tribunal, le juge favorise des peines alternatives plus variées et s'assure de leur exécution immédiate, plutôt que de laisser ce rôle au juge d'application des peines.

Il veut également réduire les délais, qui peuvent atteindre des mois voire des années, entre le prononcé d'une peine et son application. Autre piste, une libération automatique aux deux-tiers de la peine sauf avis contraire du juge.

En revanche, il veut qu'une peine de prison prononcée soit effectivement et aussitôt exécutée.

"L'emprisonnement ne sera plus la peine centrale", résume la présidence. "Mais est-il souhaitable que, quand on prononce une peine d'emprisonnement, elle soit dans un second temps, par un autre juge, transformée en autre chose ? Non. C'est cela qui est remis en cause".

Le chef de l'Etat devrait donc revenir sur la loi qui depuis 2009 prévoit d'aménager les peines de prison inférieures à deux ans pour les primo-délinquants.

Il devrait aussi détailler sa promesse d'accroître de 15.000 les places de prisons et le "plan pénitentiaire" annoncé mi-janvier alors que de nombreux établissements étaient en partie bloquées par les surveillants, en colère après une série d'agressions.

Le président a décidé de se saisir personnellement de la question de la peine un jour avant la présentation par Nicole Belloubet des cinq chantiers prioritaires de la Chancellerie, avec la transformation numérique, la simplification des procédures pénale et civile et l'organisation territoriale des tribunaux.

Ces chantiers déboucheront sur une loi de programmation de la justice début avril.

Si les gardiens de prison ont déjà obtenu fin janvier 30 millions d'euros de revalorisation indemnitaire et la création de quartiers spécifiques pour les détenus radicalisés, les attentes restent immenses face au mal chronique de la détention, la surpopulation.

Emmanuel Macron l'a vu vendredi à Fresnes (Val-de-Marne): une cellule de 9m2 avec trois lits, un surveillant pour gérer 100 détenus sur une coursive, un bâtiment vétuste attirant rats et punaises de lit.

La contrôleuse générale des prisons, Adeline Hazan, plaide pour un traitement différent des malades et des "fous" - elle estimait en 2017 que 17.000 détenus auraient dû se trouver à l'hôpital plutôt qu'en prison - et un recours moindre à la détention provisoire - en 2016, le nombre de ces détenus en attente de jugement, donc "présumés innocents", a pour la première fois dépassé le seuil des 20.000.

Les avocats d'Agen ont annoncé qu'ils bloqueraient leur cour d'assises en marge de la visite présidentielle mardi pour dénoncer le mépris du chef de l'Etat qui refuse de recevoir une délégation afin de discuter de la réforme de la carte judiciaire.

Partager cet article

Dans la même thématique

La prison en dernier recours : Macron dévoile une révolution des peines
3min

Politique

Conclave sur les retraites : « La réalité du travail fait que l’on ne peut pas tous travailler forcément jusqu’au même âge », souligne Laurent Berger

Ce jeudi, Laurent Berger, directeur de l’Institut Mutualiste de l’Environnement et de la Solidarité de Crédit Mutuel Alliance et Benoit Bazin, PDG du groupe Saint Gobain, étaient les invités de la matinale de Public Sénat. Auteurs du livre « Voies de passage », ils sont revenus sur le conclave sur les retraites qui s’est achevé la semaine dernière.

Le

Loi Duplomb : les sénateurs PS déposeront un recours au Conseil constitutionnel
2min

Politique

Loi Duplomb : les sénateurs PS déposeront un recours au Conseil constitutionnel

Dans la foulée de l’adoption de la proposition visant à lever les contraintes de l’exercice du métier d’agriculteur », les socialistes au Sénat veulent contester devant les Sages les dispositions du texte, contraires selon eux aux principes de la Charte de l’environnement et à l’intérêt général.

Le