Louis Gallois : « Dans cette situation exceptionnelle, je ne trouverais pas anormal de relever les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu »
La mission d’information sur la lutte contre la précarisation et la paupérisation auditionnait ce mardi Louis Gallois, président de Territoires zéro chômeur de longue durée. Objectif de la mission du Sénat : comprendre et trouver des solutions à la paupérisation des Français, particulièrement fragilisés par la crise actuelle. Louis Gallois a fait des propositions, notamment augmenter les impôts pour les tranches les plus hautes.

Louis Gallois : « Dans cette situation exceptionnelle, je ne trouverais pas anormal de relever les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu »

La mission d’information sur la lutte contre la précarisation et la paupérisation auditionnait ce mardi Louis Gallois, président de Territoires zéro chômeur de longue durée. Objectif de la mission du Sénat : comprendre et trouver des solutions à la paupérisation des Français, particulièrement fragilisés par la crise actuelle. Louis Gallois a fait des propositions, notamment augmenter les impôts pour les tranches les plus hautes.
Public Sénat

Par Fanny Conquy

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Créée en janvier à la demande du groupe Les Républicains, la mission d’information sur « l’évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d’une partie des Français » est présidée par la sénatrice socialiste des Côtes-d’Armor Annie le Houerou. Après un cycle d’auditions, les conclusions des travaux seront rendues en juin. Objectif de cette mission sénatoriale : dresser un état des lieux de l’évolution du phénomène de paupérisation ces dernières années, déjà vivement exprimé par le mouvement des Gilets Jaunes, et d’autant plus criant depuis le début de la crise sanitaire et économique liée au covid.

Baisse du pouvoir d’achat

Louis Gallois, président de Territoires zéro chômeur de longue durée, a rappelé quelques chiffres : depuis la crise de 2008/2009, le taux de pauvreté a augmenté de 1 % à 1,5 %, sans jamais être rattrapé. Au cours des 3 - 4 dernières années, les 8 % de la population les plus pauvres n’ont pas été touchés par la revalorisation de la prime d’activité, mais ils ont subi des baisses de certaines aides, comme les APL par exemple. « C’est la seule catégorie de population qui a vu son pouvoir d’achat baisser depuis 2018/2019. Le baromètre du Secours catholique estime qu’il y a eu une baisse de pouvoir d’achat de 5 euros par mois en 2019 par rapport à 2018, pour une population à l’euro près, cela compte beaucoup. »

De nouvelles populations concernées

Fin 2019, on constatait déjà une certaine dégradation de la situation, qui se traduisait notamment par l’arrivée de nouvelles catégories de population désormais concernées par la paupérisation et la précarité. Tout d’abord les étrangers, mais aussi les travailleurs pauvres. « Des personnes qui sont en emploi mais qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts », explique Louis Gallois. Il y a aussi les jeunes, en situation d’absence de revenu, de formation et d’étude. « Je vous donne un chiffre : 25 % des personnes en centre d’hébergement ont moins de 25 ans. C’est quelque chose que nous ne connaissions pas il y a quinze ans. » Les familles monoparentales sont également concernées. Enfin la pauvreté rurale, qui est encore très peu suivie et mal connue.

Avec un seuil de pauvreté de 14 % en France, le pays fait mieux que la moyenne européenne, à 16 % (taux en Allemagne et en Grande-Bretagne par exemple). Pour Louis Gallois, ce résultat est largement dû au système de redistribution français : « Avant redistribution le taux de pauvreté est de 24 %. C’est après redistribution que l’on tombe à un taux de 14 %. Cela signifie que le système redistributif permet à 10 % de personnes de sortir de la pauvreté. »

 

 

Les effets de la crise sanitaire

Le confinement et la crise du covid ont particulièrement touché les populations les plus fragiles. « Nous n’avions pas anticipé la disparition de la manche par exemple, ou encore la disparition des petits boulots, le travail au noir qui donnait des revenus d’appoint, les saisonniers qui n’ont pas pu effectuer leur travail. On a eu aussi les conditions de logement précaire qui ont impacté la capacité à garder les enfants à la maison et leur apporter le suivi éducatif dont ils avaient besoin ». Louis Gallois souligne que les effets ont été visibles : « En 2020 les titulaires du RSA ont augmenté de plus de 7 % et ce n’est pas fini. Par ailleurs, la distribution alimentaire a vu apparaître de nouveaux publics, des jeunes, des familles… »

Fracture numérique

Pour le président de Territoires zéro chômeur de longue durée, un des enjeux, c’est la fracture numérique, qui ne concerne pas seulement les populations rurales. « Ça, c’est un vrai sujet. Par exemple, demander à avoir la CMU, sans assistance c’est impossible. Ça veut dire que les travailleurs sociaux passent une grande partie de leur temps à aider les personnes à accéder à leurs droits. Et pendant ce temps-là, ils ne font pas autre chose. Ils sont derrière leur ordinateur à remplir des formulaires. On passe tous au numérique, mais il faut faire attention aux plus fragiles : soit ils ne sont pas équipés, soit ils ne savent pas comment faire. Et on le voit même chez les jeunes. »

L’économie sociale et solidaire

Avant la crise, il y avait entre 2 et 3 millions de chômeurs de longue durée, selon Louis Gallois. L’impact de la crise va faire augmenter le taux de chômage. « Je m’attends à ce que le chômage de longue durée ne régresse plus et même progresse dans les mois qui viennent. Il n’y a qu’une seule solution : l’économie sociale et solidaire, qui représente 10 % de l’emploi en France, et qui a toujours créé de l’emploi, même en 2008 / 2009. Cela concerne les grandes mutuelles jusqu’aux structures d’insertion en passant par les parcours emploi compétences. »

Un ensemble vaste et très diversifié, mais qui partage certaines caractéristiques. Tout d’abord, il n’y a pas les mêmes exigences de productivité, car c’est un secteur qui n’est pas soumis à la concurrence internationale. Par ailleurs, il n’y a pas la même exigence de rentabilité car il n’y a pas d’actionnaires à satisfaire. Enfin, c’est un secteur pour lequel Bruxelles admet les aides publiques. « Ce secteur peut être créateur d’emplois, et peut aller chercher les chômeurs de longue durée », plaide Louis Gallois.

Former des comités locaux

Rapprocher les structures d’insertion des territoires, c’est une des pistes avancées par Louis Gallois pour améliorer leur efficacité. « Je me demande s’il ne faudra pas créer un jour un comité local de l’emploi solidaire sur les territoires, pour parler pas uniquement de Territoires zéro chômeur, mais de toutes les solutions disponibles, pour qu’il y ait un travail ensemble, pas chacun dans leur couloir. Il faut créer des ponts. » Pour le président de Territoires zéro chômeur de longue durée, il est nécessaire que les structures d’insertion retrouvent un fort ancrage territorial.

Augmenter les impôts ?

Interrogé par les sénateurs sur la réforme de l’assurance chômage, Louis Gallois estime que la modification des critères est trop rude. « Pour les personnes en situation de précarité, avec des emplois qui se succèdent, avec des périodes de chômage, je trouve que l’addition est trop forte. Ce n’est pas à eux de payer le prix de leur précarité. »

Louis Gallois fait un constat : la situation des 20 % les plus pauvres s’est dégradée, leur taux d’endettement s’est accru. En revanche chez les 20 % les plus aisés, on a vu l’épargne augmenter. « Leur situation tranche face aux moins riches. Et dans une situation si exceptionnelle que la crise que nous traversons, je ne trouverais pas anormal de demander, pour 2 ans, de relever les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu. (Et je ne m’attaque pas aux impôts sur les successions, même si je pense qu’il y a un réservoir.) Ça ne me paraît pas scandaleux ».

La somme collectée par cette hausse des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu pourrait être affectée directement aux plus fragiles, soit pour une garantie jeunes plus longue, soit pour l’extension, dans certaines conditions, du RSA aux 18/25 ans. « Je pense que le pays a besoin de manifestations de solidarité en cette période. Il ne s’agit pas de punir ceux dont la situation ne s’est pas dégradée en 2020, mais il faut que ces personnes puissent être appelées à contribuer pour ceux dont la situation s’est fortement dégradée en cette période, et qui sont en situation d’extrême difficulté », conclut Louis Gallois.

 

Dans la même thématique

AFFICHES
3min

Politique

Enquête sur des prêts accordés au RN : quelles sont les règles en matière de financement de la vie politique ?

D’après Le Monde le président du RN est également à nouveau dans le viseur de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, pour des prêts contractés dans le cadre de sa campagne aux élections européennes de juin 2024, selon des documents publics analysés par le journal. Rappel de la législation en vigueur. Des prêts sous surveillance Depuis le 1er janvier 2018, un arsenal de règles vise enfin à mieux encadrer les prêts effectués par des particuliers dans le cadre des campagnes électorales. Finie la possibilité de multiplier les avances discrètes, parfois à la faveur de relations personnelles. Les prêts doivent désormais être exceptionnels, limités à cinq ans, et soumis à des plafonds précis définis par décret. L’objectif est d’éviter les dons déguisés et de garantir l’indépendance des candidats. Conformément à la loi pour la confiance dans la vie politique, si un particulier accorde un prêt à un taux inférieur au taux légal, la durée est encore plus limitée : 18 mois maximum. Quoi qu’il en soit, le montant total ne peut dépasser le plafond légal des dépenses électorales remboursables. Interdiction des « prêts habituels » Une institution veille à ce que les règles soient respectées. Chaque contrat de prêt doit ainsi être transmis à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui est également informée de son remboursement. Une manière de suivre la trace de l’argent. Par ailleurs, la loi interdit à une personne physique de prêter « régulièrement » de l’argent à des partis ou candidats. L’idée est simple : éviter la répétition des apports privés, qui pourraient devenir une forme indirecte de financement permanent par quelques mécènes particuliers, et empêcher certains particuliers fortunés de maintenir artificiellement à flot un parti ou un candidat. Selon les informations de Challenges, entre 2020 et 2023, 23 particuliers ont accordé de manière récurrente des prêts au Rassemblement national, pour un montant total de plus de 2,3 millions d’euros, que le parti tarde à rembourser. Des prêts qui doivent être remboursés Or, les règles de la loi de 2017 visent notamment à éviter les contournements des plafonds de dons par la voie de prêts qui ne seraient jamais remboursés. Le prêteur doit ainsi avoir l’intention de récupérer les sommes prêtées, et le bénéficiaire (parti ou candidat) s’engage à honorer les échéances. Si ces conditions ne sont pas respectées (par exemple, si aucun remboursement n’est constaté), le prêt peut être requalifié en don, ce qui expose le candidat ou le parti à des sanctions si le plafond des dons est dépassé ou si le donateur n’est pas éligible. Un prêt non remboursé peut ainsi être considéré comme un don illégal, passible de sanctions pénales et du rejet du compte de campagne par la CNCCFP.

Le

Louis Gallois : « Dans cette situation exceptionnelle, je ne trouverais pas anormal de relever les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu »
2min

Politique

Rapport sur les Frères musulmans : « Cet entrisme islamiste est une menace pour la République et notre cohésion nationale », déclare Bruno Retailleau

Un rapport sur le mouvement des Frères musulmans doit être présenté lors d’un Conseil de défense présidé par Emmanuel Macron, mercredi 21 mai. Réalisé par deux fonctionnaires, son contenu est classifié secret défense. Pour Bruno Retailleau, le document montre que « cet entrisme islamiste est une menace à la fois pour la République, mais aussi notre cohésion nationale ».

Le

Louis Gallois : « Dans cette situation exceptionnelle, je ne trouverais pas anormal de relever les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu »
3min

Politique

Congrès du PS : « Il y a eu trop de sifflets, trop de querelles de clans », estime Nicolas Mayer-Rossignol

Candidat au poste de Premier secrétaire du PS, le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol appelle à « retrouver l’aspect collectif » au sein des rangs socialistes. « Il y a eu trop de sifflets, trop de querelles de clans, trop d'exclusions et d'excommunications », souligne l’édile, invité de la matinale de Public Sénat. Il est opposé à Olivier Faure et Boris Vallaud dans la course à la tête du parti à la rose.

Le