Pierre Moscovici : «La dette a vocation à être remboursée»

Pierre Moscovici : «La dette a vocation à être remboursée»

Auditionné mercredi 1er juillet, par la commission des Finances du Sénat, le nouveau premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a affirmé que l’enjeu décisif aujourd’hui est celui de « la soutenabilité de la dette publique ». Il insiste sur l’importance d’une maîtrise des dépenses et prévient qu’il ne faut pas juste « tabler sur la croissance » pour sortir de la crise.
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Par Sara Saïdi

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Lors de son audition devant la commission des Finances du Sénat, Pierre Moscovici a tout d’abord rappelé la situation de crise sanitaire à laquelle le monde fait face et a précisé que, dans ce contexte, la Cour des comptes a « analysé l’information disponible au 25 juin 2020 et pas au-delà ». Il a insisté sur une situation « extrêmement évolutive » qui explique que le rapport de la Cour ne présente pas de scénario au-delà de 2020.

Le premier président de la Cour a souligné le caractère durable de la crise : « On devra vivre une convalescence qui sera progressive », a-t-il affirmé. Le rapport de la Cour, entièrement consacré aux conséquences de la crise est divisé en trois parties et expose la situation de la France à la veille de la crise sanitaire, la situation actuelle et l’ampleur du choc, puis, présente des prévisions d’avenir.

 

« La dette publique représente 40 000 euros par citoyen »

 

Pierre Moscovici, a affirmé qu’en 2019, du point de vue de ses finances publiques, la France ne se trouvait pas dans une situation favorable pour faire face à la crise, notamment en comparaison avec d’autres États européens. « Dix ans après la crise financière 2008-2009, le redressement n’était pas achevé », a expliqué l’ancien ministre. Il a toutefois précisé que « la dernière décennie n’a pas été exempte d’efforts budgétaires » mais que celles-ci se sont progressivement essoufflées. Pierre Moscovici a également rappelé le contexte de la crise des gilets jaunes qui a eu pour conséquences, l’intensification des baisses des prélèvements obligatoires. En 2019 le déficit public français était donc le plus élevé de la zone euro. Et la dette publique était déjà importante avant la crise sanitaire. Le ratio de dette sur PIB a augmenté de plus de 33 points de PIB entre 2017 et 2019.

Moscovici: "La dernière décennie n'a pas été exempte d'efforts budgétaires"
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Sans surprise, la crise sanitaire a aggravé la situation et a conduit à la présentation de trois projets de loi de finances rectificative en moins de trois mois. Ainsi, Pierre Moscovici a indiqué que l’évolution du PIB, initialement prévue en hausse de 1,3%, serait finalement de -11%. Le déficit public serait multiplié par cinq pour atteindre 250 milliards d’euros contre 53,5 milliards et la dette publique s’aggraverait de 22 points de PIB : « C’est la pire crise depuis la seconde Guerre mondiale » a ainsi affirmé Pierre Moscovici devant les sénateurs. Le premier président a également révélé que les mesures exceptionnelles de soutien de l’économie se chiffrent à 57,5 milliards d’euros. Elles sont portées par l’État à hauteur de 63% et par les administrations de sécurité sociale. Selon les prévisions, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse serait décuplé, atteignant 52 milliards d’euros en 2020 : « Notre niveau de dette est de 120 points de PIB, soit une augmentation de 270 milliards d’euros en 2020. Autrement dit, la dette publique représenterait 40 000 euros par citoyen », a affirmé Pierre Moscovici. 

 

Moscovici: "C'est la plus sérieuse crise qu'a connu la France depuis la seconde guerre mondiale"
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Trois scénarios pour le futur

 

Le rapport de la Cour des comptes s’emploie également à illustrer l’avenir des finances publiques à travers trois scénarios qui, selon le premier président, ne sont pas exhaustifs. Le scénario le plus optimiste prévoit un rebond après 2020 qui permettrait un rattrapage du PIB au bout de quelques années. Dans ce cas, le ratio de la dette resterait autour de 100 points de PIB en 2030 Selon le second scénario la France perdrait l’équivalent de deux ans et demi de croissance en raison du choc et le ratio de la dette tournerait autour de 115 points de PIB en 2030. Enfin, le dernier scénario envisage un rebond plus modéré, un déficit élevé et table sur un ratio de la dette de 140 points de PIB en 2030.

Moscovici: "Nous avons des capacités de rebond"
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En termes de solutions, la Cour des comptes insiste sur un soutien ciblé, une hiérarchisation des investissements publics et évoque la possibilité de voir certains investissements financés par l’Europe : « Il faut du sérieux mais pas d’austérité », a assuré Pierre Moscovici. « Il ne faut pas d’effort brutal, il ne faut pas infléchir la reprise, l’effort doit être constant », a-t-il prévenu. Enfin, il a indiqué que toute baisse de prélèvement et toute hausse des dépenses publiques devront s’accompagner d’économies dans d’autres secteurs. « Il na pas de mesures magiques et indolores, ce nest pas sans risques pour les finances publiques, mais le principe directeur cest que ces mesures sont temporaires et doivent être compensées par des économies. » La commission a également interrogé l’ancien ministre sur le possible prolongement de la CRDS jusqu’à 2042 et au recours à la CADES. Sans rejeter ces propositions, Pierre Moscovici a néanmoins rappelé que : « Le transfert d’une dette d’une poche à une autre ne la diminue pas. La dette a vocation à être remboursée », insiste-t-il.  Dans la même logique, en réponse à certaines questions des sénateurs, Pierre Moscovici a rejeté l’option de la monétisation de la dette par la BCE : « La BCE a déjà énormément fait, notamment par le biais d’un plan d’urgence pandémie mais elle n’ira pas plus loin », affirme-t-il. Il espère néanmoins que le sommet européen extraordinaire à Bruxelles les 17 et 18 juillet 2020 permette de parvenir à un accord de mutualisation des dettes.  Enfin, Pierre Moscovici a rassuré les sénateurs sur la crédibilité de notre pays et sa capacité à s’adapter : « La France a de fortes ressources, il faut bien jouer nos atouts », conclut-il.

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