Elections régionales : « Les reporter d’une semaine de plus n’apporte pas grand-chose », estime François-Noël Buffet
Les sénateurs saluent le maintien des élections régionales et départementales en juin mais s’interrogent quant au nouveau revirement de l’exécutif, les décalant d’une semaine. « Un décret en Conseil des ministres interviendra dès la semaine prochaine pour fixer les élections aux 20 et 27 juin au lieu des 13 et 20 juin », a en effet déclaré le chef du gouvernement, Jean Castex, avant un débat et un vote consultatif des députés.
Par Pierre Maurer
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La « présomption de maintien » est devenue définitive. Après la consultation très décriée des maires ce week-end, le Premier ministre Jean Castex défend mardi et mercredi devant le Parlement le maintien en juin des élections départementales et régionales. Un communiqué du ministère de l’Intérieur l’a annoncé lundi soir, mettant un terme pour quelques minutes à la bronca de l’opposition : 56 % des édiles estiment ainsi que les conditions sont là pour organiser les élections. Difficile donc pour le gouvernement de reculer. « Un décret en Conseil des ministres interviendra dès la semaine prochaine pour fixer les élections aux 20 et 27 juin au lieu des 13 et 20 juin », a déclaré le chef du gouvernement, Jean Castex, avant un débat et un vote consultatif des députés. La campagne électorale sera quant à elle adaptée à la crise sanitaire et un « projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire sera présenté dans les toutes prochaines semaines ».
La majorité de « oui » a fait réagir le Président LR du Sénat Gérard Larcher, qui dans un entretien au Figaro, note que les maires « ont toujours été aux rendez-vous fixés par la démocratie » « Depuis 4 ans, nous reprochons au gouvernement de ne pas suffisamment consulter les élus locaux […] et soudainement, il fallait consulter en 24 heures les 35 000 maires par l’intermédiaire des préfets. Curieux procédé ! L’Etat avait un an pour préparer ces élections, pourquoi se réveille-t-il maintenant ? », s’est interrogé celui qui menaçait de saisir le Conseil constitutionnel en cas de nouveau report. Président LR de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet ne dit pas mieux : « Le principal, c’est d’avoir obtenu le fait que les élections aient bien lieu en juin et que ce rendez-vous démocratique ne soit pas déplacé à une date ultérieure, ce qui aurait été inacceptable et aurait apparu comme une confiscation démocratique ».
En faveur d’un report, la sénatrice centriste et candidate aux régionales en Normandie Nathalie Goulet, salue, elle, l’initiative gouvernementale : « C’est une très bonne idée, comme ça c’est clair, Il y a eu une assez bonne participation, une majorité pour le maintien. C’est entre guillemets, bien joué de la part du gouvernement cette consultation, elle aurait pu donner un autre résultat. Je ne sais pas ce qu’attendait le gouvernement, mais cette consultation l’oblige, le contraint. Quand vous jouez au jeu, vous ne pouvez pas vous plaindre de perdre ! » François-Noël Buffet renchérit : « Le gouvernement a essayé en dernière minute peut-être d’imaginer que les maires ne seraient pas d’accord. Si c’est qu’il imaginait, c’est perdu, Si en revanche, il a cherché à consulter sincèrement les élus des territoires, il a sa réponse : votons ! »
Le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, n’a pas manqué, lui, de rendre « hommage à l’esprit citoyen des maires qui ont participé à la consultation » tout en soulignant « les conditions ubuesques dans lesquelles le gouvernement l’a organisée ». Ce qu’appuie le patron des écologistes au Sénat, Guillaume Gontard. « Le problème est toujours la méthode. Recevoir un SMS de la préfecture le vendredi soir pour répondre le lundi matin, ce n’est franchement pas acceptable ! Ça a été assez mal pris de la part des élus. C’est un problème de reconnaissance, c’était assez gros », cingle celui qui réclame désormais de la « clarté ». Toujours à gauche, le socialiste Rémi Féraud fulmine contre « le bricolage du gouvernement », déplorant que « toutes les conditions n’aient pas été prises avant ». « Il fallait que les élections puissent se tenir à partir du moment où le Conseil scientifique ne les a pas déconseillées », insiste ce proche d’Anne Hidalgo.
Du côté de la majorité présidentielle, les macronistes déploient tous leurs efforts pour souligner que le résultat de la consultation « n’est pas si tranché que cela ». « Les instances représentatives des élus locaux ont très peu consulté la base. Mais ils ont eu le temps pendant le week-end d’envoyer des courriers pour voter contre le report », flingue Xavier Iacovelli, sénateur RDPI (LREM), en direction de l’AMF qui a largement décrié cette consultation de dernière minute. Dans son département, 78 % des édiles se sont déclarés pour un maintien. « Le vote a été concentré par l’association des maires du département chapeautée par LR qui ont demandé une réponse unique », pointe-t-il. Commentaire de Xavier Iacovelli : « Voilà voilà… »
Le président de son groupe, François Patriat, abonde : « On a bien fait de consulter les maires : leurs résultats ne sont pas aussi tangibles que ce que l’on disait. Donc l’opposition ne peut pas nous dire que tout ça est vertical. Cette consultation a amené 25 000 réponses. C’est sans précédent. Il n’y a pas de manœuvre ! », martèle le fidèle compagnon de route d’Emmanuel Macron.
Devant les députés LREM mardi matin, Jean Castex, rejetant toute « arrière-pensée » ou « calcul », a défendu sa « méthode » et la « règle » de « maintenir autant que faire se peut les élections » si les conditions sanitaires peuvent être respectées. Il n’y a « pas de place pour la caricature », a-t-il ajouté, soulignant que « 40 % des maires pour un report, ce n’est pas ‘circulez il n’y a rien à voir’ »
Report d’une semaine fin juin : « Si ça permet de sauver la face de Monsieur Ferrand, hein ! »
Mais comme l’exécutif n’est jamais avare en revirements, le président de l’Assemblée nationale a annoncé ce mardi matin sur RTL que l’exécutif s’apprêtait à décaler les élections d’une semaine fin juin pour se donner de meilleures chances d’organiser les deux scrutins dans de bonnes conditions face à l’épidémie du covid-19. Déclaration qui a aussitôt remis une pièce dans la machine aux critiques.
Dans la foulée, Jean-Louis Debré n’a pas manqué de fustiger sur BFMTV « la politique de gribouille ! On change, on part, on revient. Qu’est-ce que ça va changer ? Je trouve ça fascinant que le pouvoir actuel cherche des problèmes, là où il n’y en a pas » Le scrutin avait déjà été reporté de mars à juin en raison de la crise sanitaire, comme l’avait proposé l’ancien président du Conseil constitutionnel, dans son rapport remis au gouvernement à la mi-novembre.
Invité de la matinale de Public Sénat « Bonjour chez vous », le maire LR de Meaux, Jean-François Copé a lui, ironisé : « On va laisser Monsieur Castex annoncer les dates et si ça correspond grosso modo à ce que nous voulons, tout ira bien. Si ça permet de sauver la face de Monsieur Ferrand, hein ! » François-Noël Buffet a lui aussi du mal à comprendre l’intérêt d’un tel décalage. « Les reporter d’une semaine de plus n’apporte pas grand-chose. Le risque : c’est d’avoir un dernier week-end qui est veille de vacances et donc de la démobilisation ». Pour mémoire, le Sénat s’était déjà opposé à un report le week-end du 27 juin. Lors des débats sur la loi de report, les sénateurs avaient expressément refusé tout scrutin lors du dernier week-end de juin à cause des départs en vacances. Cette précision n’avait pas été retenue à l’issue de la commission mixte paritaire, le texte promulgué indiquant seulement que les élections doivent se tenir en juin.
François-Noël Buffet ironise : « Encore deux minutes Monsieur le bourreau ? C’est presque ça. Mais c’est un combat perdu d’avance. L’élection doit avoir lieu. Les Français ont déjà entendu les dates du 13 et 20 juin, allons-y ! L’urgence c’est d’avoir les moyens de faire campagne. On a bien senti qu’il y avait une volonté de gagner du temps, de reporter à l’automne. C’est terminé tout cela ! »
« L’exercice de recrutement pour compléter les bureaux de vote est difficile, voire impossible »
Nathalie Goulet souligne pour sa part que cela « va permettre d’organiser les listes mais c’est un peu court… ». Sa proposition de loi pour organiser un report et des meilleures conditions de campagne tombe de fait « à l’eau ». Le nouveau report ? Guillaume Gontard ne le comprend tout simplement « pas ». « Je n’ai pas compris l’intérêt et puis il y a les départs en vacances. Encore une fois le gouvernement a un gros problème avec le Parlement », estime-t-il. Quant au débat au Sénat ce mercredi sur le nouveau report, il ne suscite l’enthousiasme chez aucun d’entre eux. « Cela ressemble encore à une mascarade démocratique qui devient usante ! », fulmine Gontard.
Encore une fois, les chefs à plumes de LREM s’appliquent à défendre la décision de l’exécutif. « Plus on aura de gens vaccinés, plus les opérations de vote se passeront dans de bonnes conditions. Il ne s’agit pas de manœuvre, mais que les élections se passent dans les meilleures conditions, et que la campagne se passe du mieux possible », fait valoir François Patriat. « C’est aussi un moyen de gagner une semaine supplémentaire de vaccination sans toucher à la loi qui prévoyait les élections en juin. Et ça ne change rien en termes d’organisation », argue Xavier Iacovelli.
Désormais, les élus locaux comme les parlementaires attendent le détail des moyens et de la logistique déployée par le gouvernement pour organiser les élections. Jean Castex les présentera demain aux sénateurs. Un « Monsieur élections » va voir le jour, à l’image du « Monsieur vaccination » du gouvernement, pour orchestrer les règles et répondre aux inquiétudes des maires. Jean Castex l’a confirmé ce mardi après-midi à l’Assemblée nationale. Ce sera Jean-Denis Combrexelle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, qui présidera un comité de suivi permanent « qui examinera toutes les questions juridiques et organisationnelles de la campagne et du scrutin ». « Tant que ce n’est pas un comité consultatif de citoyens tirés au sort ou que ce n’est pas la Française des Jeux qui nous gouverne ! », se marre Nathalie Goulet. Reste que les défis s’annoncent nombreux. Pour preuve, la sénatrice de l’Orne partage un mail envoyé au préfet par un maire de son département : « La peur d’être contaminé par le covid, le manque globale de motivation des habitants, le fait de sacrifier 2 dimanches après une période de confinement, l’envie de partir du fait du beau temps au mois de juin, l’envie de retrouver des moments de convivialité en famille ou entre amis etc.… sont autant de motifs qui rendent l’exercice de recrutement pour compléter les bureaux de vote difficile, voire impossible », s’inquiète-t-il. Charge au futur « Monsieur élections » de le rassurer.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.
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