Le Sénat criminalise les actes sexuels sur les mineurs de 13 ans

Le Sénat criminalise les actes sexuels sur les mineurs de 13 ans

La commission des Lois du Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. Ce texte, qui sera examiné en séance publique le 21 janvier, criminalise davantage les actes sexuels entre majeurs et mineurs moins de 13 ans.
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Par Héléna Berkaoui

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Un mineur de treize ans peut-il consentir à un acte sexuel avec un majeur ? La question ne doit plus être posée, pour la sénatrice centriste, Annick Billon. Ce mercredi, la commission des Lois examinait un rapport sur sa proposition de loi (PPL) qui vise à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. La commission a adopté à l’unanimité sa PPL. Le sujet connaît une résonance particulière alors que Camille Kouchner a publié un livre, La familia grande, révélant les violences sexuelles incestueuses que son frère jumeau dit avoir subies de la part du constitutionnaliste, Olivier Duhamel.

Au premier abord, le sujet paraît hautement consensuel mais il charrie en réalité de nombreux débats. Comment renforcer la protection des mineurs tout en préservant les droits de la défense ? Existe-t-il un risque de créer « des machines à erreurs judiciaires » ? Les risques d’inconstitutionnalité avaient d’ailleurs freiné la volonté de la mise en place d’une présomption de non-consentement pour les mineurs de 15 ans lors de l’examen du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles.

La question du consentement des mineurs a été abordée en 2018 au Sénat, à l’occasion de l’examen ce projet de loi porté par Marlène Schiappa. Cette loi devait notamment permettre de qualifier de viol tout acte sexuel commis à l’encontre d’un mineur de 15 ans ou moins. Mais le Conseil d’Etat avait alors soulevé de « sérieuses objections », notamment au regard des droits de la défense.

« La jurisprudence du Conseil constitutionnel […] n’admet qu’« à titre exceptionnel » l’existence d’une présomption de culpabilité en matière répressive. Pour que celle-ci soit jugée constitutionnelle, il faut, d’une part, qu’elle ne revête pas de caractère irréfragable et, d’autre part, qu’elle assure le respect des droits de la défense, c’est-à-dire permette au mis en cause de rapporter la preuve contraire. Ces exigences sont d’autant plus fortes lorsque la présomption est instituée pour un crime », rappelait le Conseil d’Etat.

Finalement, le projet de loi de Marlène Schiappa a été réécrit et l’article 2 a instauré une simple présomption de contrainte pour les mineurs de 15 ans. C’est-à-dire qu’un rapport sexuel entre un majeur et un mineur de quinze ans n’est pas systématiquement considéré comme un viol. Les éléments constitutifs du viol restent la menace, la violence, la contrainte ou la surprise mais désormais - lorsque les faits seront commis sur la personne d’un mineur de quinze ans - « la contrainte morale ou la surprise pourront résulter de l’abus d’ignorance de la victime ».

Au moment de l’examen du texte, la commission des Lois du Sénat et la délégation aux droits des femmes connaissaient aussi des désaccords. La première entendait supprimer tout seuil d’âge et créer une « présomption de contrainte, en cas de relation sexuelle entre un majeur et un mineur », quel que soit l’âge du mineur. Cette présomption aurait été appréciée par le Juge en fonction de la différence d’âge entre le majeur et le mineur ou en fonction de la capacité de discernement du mineur. La délégation aux droits des femmes, quant à elle, souhaitait instaurer une présomption de non-consentement pour les mineurs de 13 ans.

La proposition de loi (PPL) déposée par la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billion, rassemble aujourd’hui un consensus plus large notamment auprès de la commission des Lois. « L’objectif est le même mais la manière d’y parvenir est différente », présente Annick Billon. Son texte introduit « une infraction autonome de celle du viol » évitant l’écueil de l’inconstitutionnalité.

Dans son article 1er, la PPL prévoit que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ». Ainsi, « le comportement de l’enfant ne sera plus interrogé, on ne questionnera plus le consentement d’un mineur de moins de 13 ans », avance la sénatrice centriste Annick Billon.

C’est pourtant ce seuil d’âge qui opposait la délégation aux droits des femmes et la commission des lois du Sénat mais un consensus s’est dégagé. « Mon obsession porte sur les mineurs de 13 ans et 1 jour », rappelle Marie Mercier qui déjà en 2018 prônait « une appréciation concrète de chaque situation plutôt qu’une automaticité aveugle ».

D’après la sénatrice de la commission des Lois, qui a présenté son rapport devant la commission des Lois ce mercredi, un accord a été trouvé. Annick Billon qui a déposé sa PPL dans le cadre de la niche parlementaire centriste a accepté ses amendements visant à créer une présomption simple de contrainte pour les mineurs de 13 à 15 ans. Une manière d’étendre la protection des mineurs et de décrocher le feu vert de la commission des Lois qui a adopté à l’unanimité sa PPL.

Le seuil de 13 ans s’est imposé car il fixe « la limite indiscutable de l’enfance » pour Annick Billon, « c’est l’âge de la responsabilité pénale et il pose un écart d’âge suffisant concernant les actes sexuels avec des majeurs ». « Ce texte pose un interdit plus clair », renchérit Marie Mercier. La proposition de loi sera examinée en séance publique le 21 janvier prochain. 

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