[Article mis à jour après l'examen du texte en commission des Lois, le mardi 19 juillet matin]
Après une première lecture mouvementée à l’Assemblée nationale, le projet de loi « maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire » contre la covid-19 va être examiné par le Sénat en séance ce mercredi 20 juillet. Les députés avaient en effet inauguré la XVIème législature en supprimant l’article 2 du projet de loi visant à mettre en place un « certificat de voyage sanitaire » pour les voyages « extra-hexagonaux », c’est-à-dire soit vers l’étranger, soit vers la Corse ou les outre-mer. Un coup de force retentissant des oppositions, agrégeant des votes du RN, de LR, et d’une majorité de l’alliance de gauche de la Nupes, pour mettre la majorité présidentielle en minorité, avec 219 voix exprimées pour rejeter l’article contre 195. Un vote qui annonce la couleur des futurs débats parlementaires à l’Assemblée, et a d’emblée fait du Sénat une voie de recours pour l’exécutif.
Le gouvernement va devoir négocier avec la majorité sénatoriale pour se mettre d’accord sur une rédaction de l’article 2 qui pourrait être adoptée en commission mixte paritaire, qui réunira sénateurs et députés après l’examen du texte au Sénat mercredi soir. Et contrairement au quinquennat précédent, la majorité sénatoriale et les députés LR devraient être en position de force, alors que la majorité présidentielle aura besoin d’eux pour faire adopter les textes en nouvelle lecture. Or, depuis le début de la crise sanitaire, négocier avec la majorité sénatoriale sur les textes de lutte contre le covid, c’est un peu négocier avec Philippe Bas (LR). Le rapporteur du projet de loi a d’ailleurs déposé ce midi ses amendements qui seront examinés à 9h10 ce mardi par la commission des Lois. De quoi se faire une idée des propositions que la droite mettra sur la table dans la négociation avec le gouvernement, alors que le nouveau ministre de la Santé, François Braun s’était dit « tout à fait disponible pour bâtir […] une nouvelle rédaction » de l’article 2 supprimé, lors de son audition par la commission des Lois du Sénat.
« Certificat sanitaire de voyage » : seulement en cas de nouveaux variants pour l’étranger, et en cas de saturation des systèmes de santé locaux pour l’Outre-mer
Les négociations vont se tenir tout au long du parcours législatif de ce texte à la Chambre haute, qui a commencé ce lundi avec le dépôt des amendements en commission et leur examen ce mardi en commission des Lois. « L’Assemblée nationale a pris ses responsabilités. Le Sénat prendra les siennes sans accepter des pressions de qui que ce soit », avait annoncé Philippe Bas lors de la même audition en évoquant une nouvelle rédaction de l’article 2 supprimé en séance à l’Assemblée nationale. Le texte adopté ce mardi matin par la commission des Lois doit encore être amendé en séance mercredi, mais il donne donc une première idée de cette « nouvelle rédaction » que proposera la majorité sénatoriale.
En lieu et place du dispositif imaginé par le gouvernement dans un premier temps, la commission des Lois a donc bien opté pour la solution proposée par Philippe Bas, qui rétablit bien la possibilité pour le gouvernement d'exiger un « certificat sanitaire » à partir de 12 ans pour les voyages « extra-hexagonaux », mais sous une forme double. D’une part, pour les déplacements à l’étranger, le rapporteur propose que le gouvernement ne puisse exiger de test négatif, de justificatif vaccinal ou de certificat de rétablissement qu’en cas d’apparition et de circulation d’un nouveau variant « susceptible de constituer une menace sanitaire grave. » D’autre part, pour les déplacements en territoires ultramarins, le gouvernement ne pourra mettre en place le fameux « certificat sanitaire de voyage » uniquement si les systèmes de santé locaux sont saturés et après une consultation des exécutifs et parlementaires locaux.
Abrogation explicite de l’état d’urgence sanitaire et réintégration des soignants sur avis de la Haute Autorité de Santé
Autre point de divergence entre la position du gouvernement et la position de la commission des Lois, la gestion de la fin de l’état d’urgence sanitaire au 31 juillet prochain devrait rythmer les négociations entre la majorité présidentielle et sénatoriale. Le gouvernement tablait sur une extinction « implicite » de l’état d’urgence sanitaire, mais la commission des Lois a adopté un amendement de Philippe Bas entérinant une « abrogation expresse » de ce « régime dérogatoire au droit commun. » D’après lui, sans cette abrogation explicite, le gouvernement « laisse le doute s’instiller sur la pérennisation des pouvoirs spéciaux que lui a accordés le Parlement. Il importe de lever ce soupçon. » Dans la rédaction proposée par le rapporteur du projet de loi au Sénat, il ne sera « pas possible de réactiver les régimes utilisés pour la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19 par une simple disposition législative. C’est une garantie importante. » En conséquence, la commission des Lois a aussi adopté le changement de titre du texte, en le renommant « projet de loi mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid-19. »
Le dernier point chaud du projet de loi, c’est la réintégration des soignants non-vaccinés et suspendus au titre de l’obligation vaccinale. Lors de son audition au Sénat, François Braun s’était engagé à saisir « dans les jours qui viennent, les autorités de santé la Haute autorité de santé (HAS) et le Conseil Consultatif National d’éthique sur cette question particulière » et à entrer dans une « discussion transparente » avec les syndicats sur le sujet. La commission des Lois du Sénat a décidé ce matin d’inscrire dans la loi que la réintégration des soignants non-vaccinés prendra effet « dès que la situation sanitaire ou les connaissances médicales et scientifiques ne justifieront plus » l’obligation vaccinale. Si le dispositif est validé en séance, puis en commission mixte paritaire, la Haute Autorité de Santé devra statuer sur le sujet, soit en s’autosaisissant, soit en étant saisie par le ministre de la Santé, le Comité de contrôle et de liaison covid-19, ou les commissions des Affaires sociales de l’Assemblée ou du Sénat. Ce n’est que le début de l’examen du texte, et la position du Sénat se dessinera plus précisément après l’examen du projet de loi en séance mercredi. Mais une chose est sûre, la majorité sénatoriale aura beaucoup plus de moyens de pression dans les négociations avec l’exécutif et la majorité présidentielle pour faire valoir ses positions que lors de la précédente législature.