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Retour du loup : Intégration réussie, éleveurs affaiblis
Par Marie Oestreich
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Après plus d’un siècle d’absence, le grand méchant loup des contes de notre enfance s’apprête, avec près de 500 individus sur le territoire, à atteindre un « premier seuil de viabilité démographique » (ONCFS). Si c’était l’objectif fixé par le Plan National Loup 2018-2023 pour assurer la survie de l’espèce, cela fait 25 ans que les éleveurs vivent avec les attaques du loup, et en subissent les conséquences. Une épée de Damoclès sur leurs troupeaux qui entraîne des difficultés économiques et un épuisement psychologique non négligeables. Claude Font, éleveur et responsable du dossier prédation à la Fédération Nationale Ovine nous le confie : « C’est un peu comme un cambriolage, une fois que c’est arrivé on sait que ça peut recommencer. » Cyril Pellevat, sénateur (LR) de la Haute-Savoie et auteur d’un rapport sur le loup en avril 2018 résume la situation : « D’un côté, on a une vision idéaliste du loup à la façon Walt Disney, Croc Blanc etc., et de l’autre on est face à la désespérance du monde agricole », tout en avouant avoir le sentiment que « les deux positions sont figées et qu’on n’arrive pas à avancer de part et d’autre. ». Si le bilan du sénateur semble quelque peu sévère, cela n’enlève rien à la difficulté pour l’État et les éleveurs de s’accorder sur une solution à long terme.
Cyril Pellevat : « D’un côté, on a une vision idéaliste du loup à la façon Walt Disney, Croc Blanc etc. et de l’autre, on est face à la désespérance du monde agricole »
Une hausse des attaques de 60 % depuis 2013
430 loups en France l’hiver dernier, et « une croissance d’environ 20 % par an » d’après Patrick Poyet, référent national de l’ONCFS sur la question du loup. Ce sont les chiffres que ses équipes, chargées notamment de recenser la population de loups en France ont inscrit à leur bilan. Et qui dit plus de loups, dit plus d’attaques. Entre 2017 et 2018, on compte 2 000 attaques supplémentaires, en augmentation de 60 % depuis 2013. Comme le loup a dépassé un premier seuil de viabilité, il va donc falloir apprendre à vivre avec. Un bilan qui ne rassure pas Claude Font : « L’élevage ovin que je représente, c’est pratiquement 100 % des brebis qui vont dehors, que ce soit en estive ou en alpages ». Avec le nombre d’attaques croissant, les éleveurs affirment hésiter à sortir leurs bêtes : un possible danger pour le pastoralisme.
Le prédateur, qui peut se déplacer « de 200 km en quelques jours » comme l’observe Patrick Poyet, gagne du terrain depuis son arrivée par l’Italie via le parc du Mercantour. Aujourd’hui, on trouve quelques individus dans le Sud du Massif Central mais aussi dans les Pyrénées. Aux yeux de Claude Font, « le problème de la prédation, c’est qu’on a l’impression que les pouvoirs publics se laissent dépasser par la problématique ». Le Plan Loup fixait un objectif de « zéro attaques » et le sénateur est forcé d’admettre un échec.
« Le problème de la prédation, c’est qu’on a l’impression que les pouvoirs publics se laissent dépasser par la problématique »
Le vice-président de France Nature Environnement, Jean-David Abel, favorable à la survie du loup en France, tient à nuancer les inquiétudes. De son point de vue, 25 ans, c’est peu pour avoir un véritable recul et accumuler une expérience pour gérer le retour du loup. Dans ce contexte, quelles solutions pour mettre le loup hors d’état de nuire ?
Éduquer le loup : « qui s’y frotte s’y pique »
Le sénateur est formel : « quels que soient les interlocuteurs il n’est pas question d’éradiquer le loup » et le vice-président de France Nature Environnement d’insister : « l’État français doit garantir la viabilité de toutes les espèces ». Alors il semble que la solution réside dans l’éducation du loup à la présence de l’homme. Pour Cyril Pellevat, il faut « encadrer » la présence du loup : « ce qui est important, avec un loup qui s’adapte systématiquement, c’est de lui rappeler la prédation de l’homme ». Claude Font partage ce point de vue, en préconisant des tirs de défense aux abords des troupeaux pour tous les éleveurs. Un bon moyen pour Patrick Poyet de « carillonner autour des oreilles du loup et créer un effet dissuasif plus fort. ». D’autant plus qu’il travaille de près avec Nicolas Jean qui coordonne les « brigades loup » constituées de bénévoles envoyés sur les points chauds pour protéger les troupeaux. En somme, montrer au loup que « qui s’y frotte s’y pique », comme le formule Jean-David Abel. Ce défenseur de l’environnement ne s’oppose pas aux tirs de défense, mais insiste sur l’utilisation de ces méthodes comme dernier recours, après avoir mis en place des dispositifs de protection tels que des filets de contention électriques autour des troupeaux, des chiens de protection dits « patous », ou encore une présence humaine de nuit. À ce sujet, Claude Font ne manquera pas de rappeler que « les éleveurs jouent le jeu des mesures de protection, car tout n’est pas pris en charge à 100 % par les pouvoirs publics. »
« Quels que soient les interlocuteurs il n’est pas question d’éradiquer le loup. »
Aujourd’hui, les mesures dérogatoires autorisent des tirs de prélèvement sur le loup, rendant possible la destruction d'un ou plusieurs loups à hauteur de 10 % de leur population sur le territoire. Autour de 40 loups pour l’année 2017, chiffre qui tend à augmenter dans les années qui suivent. Est-ce un équilibre viable entre éleveurs et loups ? Le débat reste ouvert.
À l’approche du salon de l’agriculture, la question du combat loup-éleveurs fera-t-elle encore polémique ? Il y a un an, le plan loup semblait déjà faire l’unanimité contre lui quand Christiane Lambert, présidente de la FNSEA s’exclamait : « J’ai hâte que le loup soit dans le bois de Boulogne ». Son but : Faire prendre conscience qu’à terme, le loup peut aussi se rapprocher des grandes villes. Mais la conclusion que fait Jean-David Abel semble plus nuancée : « Le retour du loup bouscule tout le monde, mais j’ai quand même l’impression qu’on apprend et que petit à petit on progresse. »