Contraception : de nouveaux combats ?
En 1967, la loi Neuwirth autorise la vente de contraceptifs mais permet aussi enfin de diffuser des informations sur l’ensemble des moyens de contraception en France. Cinquante ans plus tard, les scandales provoqués par les pilules 3e et 4e génération et la réticence de certains médecins à proposer autre chose que la pilule, relancent le débat sur la contraception.

Contraception : de nouveaux combats ?

En 1967, la loi Neuwirth autorise la vente de contraceptifs mais permet aussi enfin de diffuser des informations sur l’ensemble des moyens de contraception en France. Cinquante ans plus tard, les scandales provoqués par les pilules 3e et 4e génération et la réticence de certains médecins à proposer autre chose que la pilule, relancent le débat sur la contraception.
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Par Amélia Morghadi

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En France, la pilule est le moyen de contraception le plus utilisé. Selon l’lnstitut national de prévention et d’éducation pour la santé (INSERM), 55% des femmes françaises déclarant « faire quelque chose pour éviter une grossesse » l’utilisent. Ce chiffre monte même à 70.8% pour les moins de 35 ans.

Pour Marisol Touraine, ministre de la Santé de 2012 à 2017, la France a une relation particulière avec ce contraceptif : « La pilule a joué un rôle majeur dans notre pays, un rôle social, un rôle politique, un rôle de libération ». Ce qui explique pourquoi selon elle « on a eu tendance, plus qu’ailleurs, à considérer que contraception voulait dire pilule ».

La sociologue et démographe Nathalie Bajos, le confirme : « On est, pour des raisons historiques, dans une logique de forte médicalisation en France ». Une logique et une culture dans la prescription qui est aujourd’hui interrogée par les nouvelles générations. Entre effets secondaires indésirables, hormones considérées comme des perturbateurs endocriniens et les risques d’embolie pulmonaire accrus par les pilules de dernière génération, prescrire la pilule n’est pas anodin.

Un problème de pharmacovigilance ?

En 2006, Marion Larat, une jeune fille de 19 ans est victime d’un accident vasculaire cérébral suite à la prise d’une pilule contraceptive. Elle est désormais fortement handicapée. Sa mère, Élizabeth Walton-Larat, tient à témoigner des risques et réclame un droit à une meilleure information sur le sujet. Selon elle, « le risque d’embolie pulmonaire est multiplié par 3 sous pilule de 3e et 4e génération », et elle déplore le manque d’études approfondies, remettant en cause la pharmacovigilance concernant les contraceptifs. « Ce droit fondamental est associé à une prise de risque qui est assumée exclusivement pour les femmes. Qui paye le prix de la liberté aujourd’hui ? Ce sont les femmes et exclusivement les femmes. Et elles le payent dans le corps et avec leur vie », dénonce cette mère engagée.

Contraception : "Il faut écouter ces femmes qui en ont assez de prendre des hormones"
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Si elles pointent du doigt l’augmentation des risques avec les pilules de dernière génération, la sociologue Nathalie Bajos et la coprésidente du Planning familial, Véronique Séhier, refusent d’être alarmistes. Pour elles, c’est avant tout le droit à l’information qui doit primer. « La question du choix et la question de l’information sur l’ensemble de la contraception sont primordiales ». Comment faire le bon choix si l’information n’est pas diffusée de manière universelle ?

Un accès au choix « garanti dans la loi mais pas dans la pratique »

En France, si la pilule reste le premier contraceptif utilisé, c’est que c’est bien souvent le premier, ou le seul contraceptif proposé par les médecins, notamment pour les plus jeunes. « Il y a une étude qui montre qu’effectivement en France, une part des professionnels de santé qui délivrent de la contraception ne proposent pas l’ensemble des méthodes de contraceptions disponibles » assure Nathalie Bajos. Un constat que partage le Planning familial en la personne de Véronique Séhier : « l’accès au choix en France est garanti dans la loi mais pas encore garanti dans la pratique pour tout le monde ». En effet selon elle, « les recommandations de la Haute Autorité de Santé disent depuis très longtemps qu’on peut prescrire un dispositif intra-utérin (stérilet), à des personnes mineures, qui aujourd’hui encore se voit refuser la pose d’un stérilet. ».

Nathalie Bajos dénonce "un modèle contraceptif figé"
01:39

Le poids des laboratoires pharmaceutiques et des médecins ?

Le problème est encore plus saisissant en ce qui concerne la stérilisation définitive, intervention que certains médecins refusent de pratiquer, remettant le droit à disposer de son corps en question. Comme le confirme la coprésidente du Planning familial Véronique Séhier : « les professionnels de santé émettent un jugement sur la pertinence ou pas pour une femme de décider de ne plus être mère ». Un paternalisme effrayant qui s’explique, selon Nathalie Bajos, directrice de l’accès aux droits auprès du défenseur des droits, par un manque d’adaptation aux changements sociétaux. « La vie sexuelle des femmes a été bouleversée depuis 50 ans, et on continue à avoir un modèle contraceptif figé au début de l’arrivée de la contraception. On confie au corps médical le pouvoir de savoir quelle est la bonne contraception alors que les choses ont beaucoup évolué. ». Une contraception très médicalisée, qui peut parfois mettre de côté le choix de la personne.

Quant au poids des laboratoires pharmaceutiques sur le choix des médecins à proposer avant tout la pilule, aucune certitude. « C’est un marché » confie la sociologue Nathalie Bajos, « ce sont des millions de femmes qui vont tous les 6 mois se faire prescrire une nouvelle ordonnance de pilule ». Pour elle, c’est un fait : «  c’est plus rentable pour eux, économiquement, que de proposer à la femme d’utiliser un stérilet ».

Enfin, pour Élizabeth Walton-Larat, la mère de la jeune femme victime d’un AVC à la suite d’une prise de pilule, il est important de prendre en compte le souhait des femmes dans la démarche contraceptive. « Je pense qu’aujourd’hui il faut entendre le discours sur la contraception naturelle et aussi écouter ces femmes qui en ont assez de prendre des hormones ».

 

Retrouvez notre débat sur la contraception dans l'émission Un monde en Docs, présentée par Nora Hamadi, le samedi 09 décembre à 23h30, le dimanche 10 décembre à 9h50 et le dimanche 17 décembre 2017 à 19h sur Public Sénat.

 

Livres pour aller plus loin :

  • « La pilule est amère », de Marion Larat, aux éditions Stock, 2013
  • « Enquête sur la sexualité en France », sous la direction de Nathalie Bajos et Michel Bozon, éditions La Découverte, 2008
  • « Liberté, sexualités, féminisme : 50 ans de combat du Planning pour les droits des femmes. » livre rédigé par Isabelle Friedman pour le Mouvement Français pour le Planning Familial, éditions La découverte, 2006
  • « Si je veux, quand je veux : Contraception et avortement dans la société française (1956-1979) »,de Bibia Pavard, éditions Presses Universitaires de Rennes, 2012
  • « J’arrête la pilule », de Sabrina Debusquat, éditions Les liens qui libèrent,juin 2017

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