Lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes : 30 ans de perdus en 1 an de crise

Lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes : 30 ans de perdus en 1 an de crise

Auditionnée jeudi 15 avril par la Délégation aux droits des femmes du Sénat, Dominique Joseph a présenté aux sénateurs l’avis du Conseil économique social et environnemental (Cese) sur la crise sanitaire et les inégalités de genre. Selon la rapporteure de cet avis, la pandémie agit comme le révélateur des inégalités femmes hommes et génère dans certains cas un véritable recul des droits des femmes.
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Par Flora Sauvage

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Le rapport du CESE sur les conséquences de la pandémie sur les inégalités de genre part d’un constat : les femmes et les hommes ne sont pas affectés de la même façon par la crise sanitaire. Présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat Annick Billon, s’inquiète avec ses collègues des effets délétères de la crise sur les femmes.

18 préconisations du CESE

Fruit de plusieurs mois de travaux, le rapport du CESE, voté le 24 mars à une large majorité, analyse les effets genrés de la situation sanitaire et formule 18 préconisations pour lutter contre les inégalités en matière de droits, de vie professionnelle et d’épanouissement personnel. Dominique Joseph, présidente du Groupe de la Mutualité française et corapporteure de cet avis du CESE rappelle : « En un an de crise sanitaire, on a perdu près de 30 ans d’avancées dans le domaine de la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes ».

« Le constat est alarmant : la crise sanitaire et les confinements ont provoqué une explosion de violences faites aux femmes, ils ont aggravé la charge mentale des femmes et les inégalités de répartition des tâches ménagères et familiales au détriment de ces dernières ».

Dans le domaine de la santé d’abord, « 64 % des femmes, contre 53 % des hommes, ont déclaré avoir renoncé aux soins pendant le premier confinement ». « L’accès aux droits sexuels et reproductifs a été fragilisé », poursuit-elle. Les auditions menées par le CESE ont révélé : « Une augmentation de 320 % des signalements liés aux difficultés d’accès à l’IVG et à la contraception pendant le premier confinement ».

"On a constaté 320% d'augmentation des signalements liés à des difficultés liées à l'IVG'
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Concernant l’allongement du délai pour les IVG médicamenteuses (de 5 à 7 semaines de grossesse) et la facilitation d’accès à la pilule contraceptive, mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le CESE préconise la prolongation de ces mesures « même si elles font débat », au sein du Conseil. Questionnée par la sénatrice socialiste de la Drôme Marie-Pierre Monier sur le renoncement aux soins, Dominique Joseph rappelle que tous les champs de la médecine ont été impactés et que cela a de graves conséquences sur la médecine préventive avec des détections de cancer « trop tardives » par exemple.

25% des femmes disposent d'un lieu pour le télétravail alors que 40% des hommes ont un lieu dédié
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Ensuite sur la question des inégalités de genre dans le domaine de l’emploi, Dominique Joseph rappelle les chiffres : « 25 % des femmes interrogées ont dit disposer d’un lieu dédié au télétravail, c’est-à-dire une pièce pour travailler, contre 40 % pour les hommes », ce qui signifie qu’ « elles partagent l’espace à la maison avec les enfants, quand elles ont des enfants, ou les autres membres de la famille qui vivent sous le même toit ». Pour rappel, 48 % des femmes en télétravail vivent avec un ou plusieurs enfants au moment du confinement contre 37 % des hommes.

Travail mis entre parenthèses

Dominique Joseph rappelle les propos de Brigitte Grésy, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes : « Le fait de quitter le domicile familial pour aller travailler est un facteur d’émancipation pour les femmes ». Et les périodes de confinement le démontrent.

« Ecole à la maison, télétravail, prise en charge des aînés, la répartition des tâches renforce les inégalités. »

Beaucoup de femmes mettent entre parenthèses leur travail pendant la crise sanitaire, selon Dominique Joseph. Qu’il s’agisse par exemple des femmes au chômage qui arrêtent leur recherche d’emploi ou des chercheuses qui mettent de côté leurs publications dans des revues scientifiques ou leur participation à des colloques. Ce qui produit un autre effet : « L’essentiel des publications scientifiques est mené par des hommes depuis un an ».

Et l’école à la maison a eu un effet sur le travail des femmes car elles ont été majoritaires par rapport aux hommes, à recourir au congé enfant malade ou à une activité partielle. « 43 % des salariés mis en activité partielle sont des femmes », rappelle Dominique Joseph. Le chômage partiel creuse les inégalités entre les femmes et les hommes. L’une des préconisations du CESE pour infléchir ce phénomène consiste à élaborer une étude d’impact genrée avant de mettre en place du télétravail au sein des entreprises.

L’emploi des femmes s’est détérioré

Selon l’Ined (l’institut national des études démographiques), c’est pour les femmes que la situation de l’emploi s’est le plus nettement détériorée. Parmi les femmes qui étaient en emploi au 1er mars 2020, deux sur trois seulement continuaient à travailler deux mois plus tard, contre trois hommes sur quatre. Mettant en exergue « les métiers de la transition énergétique où 90 % des travailleurs sont des hommes, et les métiers du ‘care’majoritairement féminins », Dominique Joseph préconise au nom du CESE la mise en place d’un observatoire des métiers car « nous manquons en France de données genrées ». Citant par exemple le plan de relance où le mot femme « n’apparaît pas une seule fois dans le texte » et « son absence de fléchage genré ».

Dominique Joseph rapporteure du CESE 'nous manquons en France de données genrées'
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Enjeu démocratique

S’il y avait eu plus de femmes au sein du Conseil scientifique (il y a 27 % de femmes ndlr.), les prises de décision auraient-elles été différentes ? « On ne peut pas savoir, mais on ne peut pas se satisfaire du peu de femmes dans les instances de décision », affirme Dominique Joseph pour qui « l’égalité n’est pas un luxe en temps de crise ». Vouloir réduire les inégalités de genre est un enjeu démocratique « très réel » et le CESE préconise de « rendre la parité obligatoire dans tous les organismes de gestion de crise ».

Si Annick Billon, la présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, approuve la recommandation du CESE de rendre obligatoire la parité dans les organes de décision en temps de crise, cette audition « montre bien ce dont on se doutait déjà un peu, que dès qu’il y a une crise, la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes passe au second plan ».

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