A la demande du Sénat, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu un avis et des préconisations sur la protection de l’enfance ce mardi 8 octobre. Il alerte sur le désengagement de l’Etat et propose la création d’une stratégie interministérielle.
Obligation vaccinale pour les soignants : peut-être « dans quinze jours », prévient Alain Fischer
Par Pierre Maurer
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D’emblée, Catherine Deroche a annoncé la couleur. « Un tiers des Britanniques sont vaccinés, contre moins de 6 % des Français », a souligné la présidente de la commission des Affaires sociales du Sénat. La campagne de vaccination a connu un démarrage poussif, la stratégie sanitaire a évolué et les sénateurs se posent toujours autant de questions sur les choix et la communication du gouvernement. En visioconférence, le « Monsieur vaccin » de l’exécutif, Alain Fischer était auditionné ce mercredi pour tenter de remédier à certaines polémiques. Le professeur de médecine en a profité pour faire passer quelques messages.
D’abord sur la stratégie vaccinale de la France, l’épidémiologiste a déminé. Non la France n’a pas de retard sur ses voisins européens, a-t-il martelé. Un démarrage poussif par rapport au Royaume-Uni ? « C’est exact mais la France suit et respecte un accord européen, contrairement à la Grande-Bretagne. Si on regarde l’évolution de la vaccination depuis fin décembre, la France se situe dans le même rythme et n’a pas de retard par rapport aux grands pays européens voisins. Le Royaume-Uni a commencé à vacciner plus tôt avec des circuits d’approvisionnement de vaccins différents. Il a choisi d’adopter une stratégie particulière et critiquée : administrer une seule dose à chacun », a rétorqué le président du Conseil d’orientation sur la stratégie vaccinale.
Afin d’appuyer son propos, il a rappelé quelques chiffres : « 85 % des résidents d’Ehpad ont reçu une dose, et 60 % deux doses. C’est un résultat acquis. Aujourd’hui 30 % des plus de 65 ans ont déjà reçu une dose. C’est une bonne chose et l’effort est en cours », s’est-il félicité. Le week-end dernier 585 000 doses ont été administrées entre vendredi et dimanche soir lors d’une grande opération. A ce jour, 3 996 329 Français ont reçu une première dose de vaccin.
Réhabiliter le vaccin AstraZeneca
Mais voilà, le vaccin AstraZeneca, en comparaison au Pfizer ou au Moderna, a suscité une certaine défiance due à des effets secondaires ressentis comme plus puissants. Le syndicat national des personnels infirmiers considère de plus, qu’il n’est pas « le plus adapté » pour « une population aussi exposée que les soignants ». Ce que l’immunologue a battu en brèche. Alain Fischer a rappelé que de nouvelles données en Grande-Bretagne, issues de « centaines de milliers de personnes vaccinées », viennent aujourd’hui contredire ce discours. Ces analyses montrent, d’après lui, que « ce vaccin est aussi efficace que le vaccin de Pfizer pour obtenir une protection à l’égard des hospitalisations, donc des formes graves de la maladie, y compris chez les personnes âgées. » En Ecosse, une étude a ainsi montré que quatre semaines après l’administration d’une première dose, le risque d’hospitalisation était réduit de 85 % avec le vaccin Pfizer/BioNTech et de 94 % avec celui d’AstraZeneca/Oxford, par rapport aux personnes n’ayant pas reçu le vaccin.
Troisième vaccin contre le covid-19 autorisé par l’Agence européenne du médicament, AstraZeneca a été étendu début mars en France pour une vaccination des plus de 65 ans. « C’est parfaitement justifié de par son efficacité », a insisté le médecin devant la commission du Sénat, soucieux de casser la mauvaise image de ce vaccin. « Il reste à continuer de convaincre d’abord les professionnels de santé eux-mêmes, les médecins généralistes, à vacciner avec cet AstraZeneca, et la population concernée qu’il n’y a pas de perte de chances en étant vacciné par l’AstraZeneca, comparé à une vaccination par le vaccin Pfizer. »
« C’est très important que tout le monde en soit convaincu pour la bonne marche de la campagne vaccinale », a-t-il insisté. Pour le seul mois de mars, près de cinq millions de doses du laboratoire AstraZeneca sont attendues en France.
Dernière sommation avant l’obligation
Trop peu. 36 % des professionnels soignants ont reçu leur première dose, 22 % la deuxième a noté le ministère de la Santé. La menace est brandie déjà depuis quelques jours par les conseillers du gouvernement dans la presse : si la vaccination des soignants ne progresse pas, l’exécutif réfléchit à la rendre obligatoire. Alain Fischer l’a cette fois-ci clairement annoncé. Certes cela doit être un « dernier recours », mais « l’obligation vaccinale pour les soignants est sur la table ».
Le principal frein, notamment chez les soignants entre 20 et 40 ans, provient des risques d’effets indésirables temporaires qui suivent l’injection (la réactogénicité). Parfois, un syndrome de type grippal se manifeste pendant 48 heures. « Ce n’est pas tout le monde, c’est transitoire, ce n’est pas grave, c’est désagréable, et surtout, ça peut se prévenir en grande partie avec le paracétamol », a rappelé Alain Fischer. « Il y a un effort de conviction à faire notamment à l’égard des jeunes professionnels de santé qui n’avancent pas assez vite dans l’acceptation de cette vaccination. »
Par ailleurs ces derniers jours, Alain Fischer a observé « un frémissement positif. Il n’est pas exclu que le fait d’évoquer le concept d’obligation vaccinal porte ses fruits. Notre vision c’est de dire qu’il y a encore la place pour de la pédagogie. Mais si cela s’avère insuffisant dans 15 jours, l’obligation vaccinale se discute », a-t-il prévenu. Et de rappeler que les soignants sont « déjà » obligés de se vacciner contre l’hépatite B, « donc il y a un précédent. »
Un autre problème pointe, les médecins généralistes ne vaccinent pas assez selon Alain Fischer et un nombre important de doses restent au fond des frigos. « Il y a d’un côté les médecins généralistes qui ont joué le jeu et de l’autre ceux qui se sont engagés et n’ont pas vraiment vacciné beaucoup, donc il y a un déséquilibre qui fait qu’il y a une accumulation de doses non utilisées », a affirmé l’immunologue. Selon les chiffres du ministère de la Santé, moins de 50 % des doses d’AstraZeneca envoyées aux médecins de ville ont été utilisées, soit 462 000 vaccins. « Il y avait lundi 400 000 doses de vaccins AstraZeneca inutilisées », a confirmé Alain Fischer.
« Depuis 10 jours, les médecins généralistes peuvent vacciner avec le AstraZeneca, le rythme n’est pas suffisant. Mais la vaccination devrait se développer dans les jours qui viennent. Seuls 40 000 médecins généralistes se sont inscrits pour vacciner, mais ce n’est pas suffisant », a-t-il répété. A partir de lundi, il sera donc possible d’être vacciné en pharmacie.
« Globalement, les généralistes vont disposer de 1,6 million de doses pour vacciner », a-t-il indiqué. Cet échec n’est pas le seul fait de la défiance des soignants envers le vaccin. Alain Fischer a ainsi reconnu qu’il y a eu « des maladresses du gouvernement dans la façon de s’exprimer » à propos des médecins en début de semaine et estime que l’affaire a été « très mal gérée sur le plan de la communication ».
Accélération de la campagne de vaccination
Si « la suite du programme dépend des livraisons de vaccins, on a devant nous des perspectives d’augmentation très significatives du nombre de doses disponibles », a annoncé le professeur Fischer. Il s’est lancé dans une énumération : « En rythme hebdomadaire, en février les livraisons de vaccins c’était un million, en mars deux millions, en avril ce sera entre 3,6 et 4,2 millions de doses par semaine, en mai ce sera 4,5 millions, en juin 5 millions, et en juillet 6,5 millions ». Ce qui devrait permettre d’ouvrir la vaccination à l’ensemble des plus de 65 ans sans restriction « tout début avril ».
Mais les prévisions du ministère en matière de livraisons de vaccins pour les semaines qui viennent ont été revues à la baisse, comme repérées par un confrère du Parisien et soulignées par Politico. Sur les 17,8 millions de doses attendues au mois d’avril, seules 12,7 millions sont désormais annoncées. Jeudi dernier, Jean Castex avait fixé pour objectif 10 millions de premières injections à la mi-avril, 20 millions à la mi-mai et 30 millions cet été. D’autant que la « production mondiale de vaccins est tendue », a reconnu Alain Fischer. AstraZeneca a reconnu de nouvelles difficultés de production en Europe pour les doses promises à l’UE, mais la Commission européenne s’est montrée mercredi malgré tout, confiante sur les livraisons des prochains mois.
Quant aux jeunes, dont la situation sociale et psychologique précaire inquiète les sénateurs, leur vaccination n’est toujours pas prioritaire. « Si on vaccine les étudiants, on vaccinera moins les personnes âgées et les malades. Donc il paraît difficile de priver du vaccin quelqu’un qui a un plus grand risque d’être hospitalisé », a expliqué Alain Fischer. « Le seul message : dès que possible pouvoir vacciner les étudiants. Les jeunes devraient pouvoir commencer à être vaccinés dès le mois de juin », a-t-il assuré.
Maigre motif d’espoir, des données israéliennes « montreraient » que le vaccin pourrait « prévenir la transmission » du virus. Mais Alain Fischer coupe court à toute expression de joie démesurée : « On ne peut pas encore l’affirmer ».