Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Suspension de l’interdiction du CBD : un débat sur la législation du chanvre prévu au Sénat
Par Public Sénat
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Stupéfiant ? Bien-être ? Difficile d’y voir clair lorsqu’on parle de CBD (cannabidiol l’une des principales substances actives du chanvre). Et l’arrêté du 31 décembre n’a rien fait pour arranger les choses. Il y a un mois, à la surprise générale, le gouvernement avait décidé d’interdire « la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes cannabidiol (CBD) sous toutes leurs formes ».
De quoi provoquer la colère et l’incompréhension des acteurs d’une filière qui, en France, a généré un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros en 2021. Ils peuvent désormais souffler. La plus haute juridiction administrative leur a donné raison en suspendant « à titre provisoire » l’arrêté. Dans son ordonnance rendue lundi soir, le Conseil d’Etat souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction […] que les fleurs et feuilles de chanvre, dont la teneur en THC n’est pas supérieure à 0,30 %, revêtiraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d’interdiction générale et absolue de leur vente aux consommateurs et de leur consommation ».
« 90 % des fleurs commercialisées sont d’importation »
Il faut dire que depuis l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 19 novembre 2020, dit « Kanavape », les boutiques spécialisées avaient fait florès sur tout le territoire. Près de 2 000 détaillants et un millier de buralistes vendent des fleurs de CBD. La juridiction européenne a, en effet, considéré que le CBD n’est pas un produit stupéfiant. En conséquence, le principe de libre circulation des biens s’opposait à ce que la France en interdise la commercialisation. La Cour de Cassation lui avait emboîté le pas quelques mois plus tard. « Malgré cette autorisation européenne, les producteurs français de chanvre craignent d’être dans l’illégalité en se lançant dans la commercialisation de fleurs et de feuilles brutes car, malgré nos propositions, il n’y a pas de réglementation française précise. Résultat, 90 % des fleurs commercialisées sont d’importation. Le gouvernement a fait mine de se mettre en conformité avec le droit européen alors qu’il a fait tout le contraire », regrette Aurélien Delecroix, président du syndicat du chanvre, l’une des parties requérantes.
Cet arrêt du 31 décembre avait suscité l’incompréhension jusque dans l’hémicycle de la Haute assemblée. Aux questions d’actualité du 12 janvier dernier, le gouvernement avait été interpellé par deux sénateurs, Daniel Salmon (écologiste), et Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants). Là encore, l’exécutif avait mis en avant des arguments sanitaires, à rebours donc de la réglementation européenne. « Le CBD est un peu borderline » […] « Certains lui confèrent des vertus relaxantes, mais il n’a scientifiquement pas de vertus thérapeutiques. Cela reste un produit qui se fume, ce n’est pas bon pour la santé, » avait mis en avant le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran.
Lire notre article: Olivier Véran : « Le CBD est un peu borderline »
« La filière du chanvre est un atout français et on se tire une balle dans le pied »
« On est plutôt contents que voir que notre interpellation va dans le sens de l’histoire judiciaire. D’un point de vue politique et économique, la position du gouvernement n’est pas compréhensible. La filière du chanvre est un atout français et on se tire une balle dans le pied à cause d’une fausse représentation du consommateur de CBD. Le Conseil d’Etat ne parle pas lui non plus de stupéfiants. Dans mon département, l’Aube, les producteurs de chanvre n’ont pas voulu se lancer dans la récolte de fleurs à cause de cette position du gouvernement. Cette décision du Conseil d’Etat, c’est une petite victoire judiciaire », commente Vanina Paoli-Gagin.
Interrogé ce matin sur France Inter, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin maintient cette analogie : CBD = drogue. « Oui, je regrette (cette décision). De manière générale, toutes les substances qui relèvent du cannabis, de la drogue, sont très mauvaises pour la santé. On n’a pas augmenté le prix du tabac à 10 euros pour qu’on accepte la dépénalisation du cannabis ».
« On va forcément poser la question de la légalisation du cannabis »
« C’est une position dogmatique. Gérald Darmanin est arc-bouté dans cette logique répressive. Mais ça montre l’absurdité du système. Nous sommes dans un pays du tout répressif sur le cannabis et le pays où les jeunes et la population en général consomment le plus », répond Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste du Sénat.
A l’initiative de son groupe, un débat sur la législation du chanvre se tiendra dans l’hémicycle le 3 février prochain. « Le chanvre est une plante qui peut servir à beaucoup de choses. Elle ne demande pas beaucoup d’eau, pas de pesticides. Elle peut servir pour la nourriture animale car elle est riche en protéines. Il y a quand même un aspect économique très important avec des entreprises spécialisées dans l’extraction de la molécule de CBD. Mais on va aussi forcément poser la question de la légalisation du cannabis. On le voit bien avec l’exemple que prend Gérald Darmanin, pourquoi arrive-t-on à mener une politique de santé publique avec le tabac ? Pourquoi arrive-t-on à proposer un mois de janvier sans alcool ? Parce que ces produits sont légalisés et que l’Etat a la main dessus, il faut avoir cette réflexion sur le cannabis. Avec les commerces CBD, on voit qu’on a la possibilité de l’encadrer », estime-t-il.
« Ce n’est pas notre sujet », tempère Aurélien Delecroix. « Une grosse partie de consommateurs de cannabis se déportent vers le CBD, car ce n’est pas un produit addictif et ce n’est pas un psychotrope. Au même titre que la cigarette électronique pour le tabac, le CBD peut être un produit de substitution. Nous avons simplement besoin d’une réglementation claire », insiste-t-il