Ehpad : le Sénat renforce à son tour les pouvoirs de contrôle et de sanctions des autorités de tutelle

Ehpad : le Sénat renforce à son tour les pouvoirs de contrôle et de sanctions des autorités de tutelle

Dix mois après la déflagration du scandale du groupe Orpea, le Sénat a donné son feu vert au renforcement des pouvoirs de contrôle et de sanctions des Agences régionales de santé et des corps d’inspection sur les établissements de personnes âgées, dans le cadre de l’examen du budget de la Sécurité sociale.
Guillaume Jacquot

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La bombe qu’ont constitué les révélations du journaliste Victor Castanet, dans son livre-enquête « Les Fossoyeurs » sur les dérives du groupe Orpea, laissera une trace dans la législation. Le Sénat a adopté ce 10 novembre, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, un renforcement notable des obligations de transparence financière des Ehpad mais également des pouvoirs de contrôle et de sanctions des autorités de tutelle.

L’hémicycle a même étoffé l’article, en y intégrant des dispositions proposées par la mission d’information sur le contrôle des Ehpad, conduite en début d’année par Bernard Bonne (LR) et Michelle Meunier (PS).

Un article qui s’attaque aux angles morts du contrôle sur les Ehpad

Selon la commission des affaires sociales, l’évolution législative est « conséquente ». Elle corrige plusieurs angles morts, documentés par les parlementaires et les inspections. L’article prévoit d’étendre les mécanismes de contrôles au niveau des groupes, alors qu’ils pouvaient s’appliquer jusqu’à présent seulement au niveau des établissements. La signature par un groupe d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, à la place d’un établissement, sera soumise à un accord préalable des autorités de tarification et de contrôle.

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Les Agences régionales de santé (ARS) pourront organiser des contrôles sur l’ensemble des activités d’un groupe, que les établissements soient implantés ou non sur son territoire. L’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale des finances (IGF) voient également leurs possibilités de contrôles étendues au niveau des sièges de groupe.

L’article sécurise par ailleurs les procédures de recouvrement des financements indus, au niveau national. L’usage dans le temps des excédents réalisés sur des financements publics est aussi limité. Un système de pénalités, via des astreintes journalières, est aussi institué pour les groupes qui ne transmettraient pas des documents comptables réclamés en cas de contrôle.

Les sénateurs demandent des contrôles réguliers

Lors des débats, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, a défendu la nécessité d’apporter « un choc de transparence pour ramener la confiance dans le secteur ». « Ce renforcement ne poursuit qu’un seul but : s’assurer que le fruit des cotisations et des deniers publics soient utilisés à bon escient, au service de l’accompagnement et du soin des personnes âgées en perte d’autonomie, et qu’il n’aille pas servir des actionnaires des majors du secteur des Ehpad », a également rappelé Michelle Meunier.

Les sénateurs sont allés au-delà du texte transmis par l’Assemblée nationale, en exigeant que le contrôle des autorités se fasse à une « périodicité régulière ». Ce faisant, ils ont intégré la recommandation numéro 1 de l’ancienne mission d’information. « Alors que le gouvernement a lancé un programme de contrôle ambitieux en direction des établissements, il est dommageable qu’aucun contrôle des groupes privés lucratifs intervenant dans le secteur, autre qu’Orpea, ne soit prévu. Il ne devrait pas y avoir besoin de révélations journalistiques pour procéder à une telle opération », s’est étonné le sénateur Bernard Bonne.

La Haute assemblée demande également le plafonnement du montant des crédits pouvant être mis en réserve. Les modalités seront définies par un décret en Conseil d’État. À l’initiative de Nathalie Goulet (Union centriste), les sénateurs ont interdit la signature de conventions avec des établissements avant une vérification au préalable de leur situation fiscale. La sénatrice de l’Orne a notamment dénoncé des cas de fraude fiscale ou d’optimisation, citant par exemple le groupe DomusVi, troisième acteur du secteur.

Des inquiétudes sur les moyens des autorités de contrôle

À ces nouvelles armes, il conviendra désormais de donner les moyens aux autorités compétentes pour s’en saisir, a rappelé la commission des affaires sociales. « Les instances publiques en charge du contrôle sont sous-dotées par rapport aux groupes qu’elles évaluent », a alerté la sénatrice Laurence Cohen (communiste). « Ce qui nous manque, c’est surtout le financement », s’est également inquiété le sénateur Daniel Chasseing (Les Indépendants).

Le ministre Jean-Christophe Combe a rappelé l’engagement du gouvernement à muscler les moyens des autorités de contrôle. Le projet de loi de finances, en débat au Sénat à partir de la semaine prochaine, comporte notamment l’ouverture de 120 postes supplémentaires dans les ARS pour pouvoir procéder aux contrôles. Ces renforts ne seront sans doute pas de trop pour venir à bout de la promesse du gouvernement formulée en mars : contrôler toutes les 7 500 maisons de retraite du pays médicalisées d’ici deux ans.

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