Guerre en Ukraine : « L’heure est à l’unité et à la solidarité », lors du débat au Sénat

Guerre en Ukraine : « L’heure est à l’unité et à la solidarité », lors du débat au Sénat

Pendant trois heures, les sénateurs ont débattu en présence du premier ministre du conflit en Ukraine, ce « retour du tragique » qui frappe notre continent. « Cette crise sera longue et aura des conséquences majeures sur l’avenir de l’Europe », a prévenu Jean Castex.
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Face au retour de la guerre en Europe, le Parlement débat. « Alors que l’armée russe intensifie en ce moment ses attaques en bombardant Kharkiv, en resserrant son étau autour de Kiev », comme l’a rappelé le président LR du Sénat, Gérard Larcher, les sénateurs ont débattu de la situation, au nom de l’article 50-1 de la Constitution.

Si un pays de l’Otan était attaqué, « nous serions amenés à nous engager militairement », prévient Jean Castex

« Ces bruits de botte à l’Est de l’Europe nous replongent dans des périodes de l’Histoire que nous pensions durablement derrière nous », a lancé en ouverture le premier ministre Jean Castex. « Cette crise sera longue et aura des conséquences majeures sur l’avenir de l’Europe », prévient-il. Il a redit que la France n’allait pas intervenir. Mais si un pays de l’Otan était attaqué, « nous serions amenés à nous engager militairement », prévient Jean Castex.

Le gouvernement a rappelé sa volonté de fermeté sur les sanctions économiques. Mais elles ne seront pas sans effet pour notre économie. C’est pourquoi, « à la demande du Président, le gouvernement prépare un plan de résilience qui sera finalisé dans les tous prochains jours et qui, s’il supposait l’adoption de mesures législatives, imposerait la convocation du Parlement », souligne Jean Castex.

« Les forces armées ukrainiennes résistent bien. Elles livrent des combats acharnés » selon Florence Parly

Sur le plan militaire, la ministre des Armées, Florence Parly, a fait le point. « Les Russes poursuivent leur offensive sur tous les fronts », d’après les informations du renseignement français. « Nous avons de bonnes raisons de penser que les forces armées ukrainiennes résistent bien. Elles livrent des combats acharnés ». « Bientôt la capitale sera assiégée. Doit-on craindre un nouveau Sarajevo ? » s’est inquiétée quelques minutes avant la sénatrice du groupe centriste, Nadia Sollogoub, présidente du groupe d’amitié France-Ukraine.

Pour aider l’armée ukrainienne, la France va livrer du « carburant », mais aussi « des missiles et des munitions », a expliqué Florence Parly, sans vouloir en dire en plus. Par ailleurs, « une patrouille quotidienne de deux Rafale s’envole depuis la France » pour aller jusqu’au flanc Est de l’Europe. Ces avions vont « protéger la frontière polonaise », a précisé Christian Cambon, président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat.

« Quel est le niveau de résilience de la Nation ? Et est-elle en mesure d’encaisser le choc ? »

Ce changement d’échelle de la guerre, la France s’y prépare. Florence Parly explique que l’armée a réalisé « un travail conceptuel sur la notion de haute intensité » dans les conflits, autrement dit de guerre entre Etats, qui mêle divers moyens terrestres, navals ou aériens. « La question que chacun se pose, c’est quel est le niveau de résilience de la Nation ? Et est-elle en mesure d’encaisser le choc ? » interroge la ministre…

Si la loi de programmation militaire prévoit de renforcer les moyens de l’armée, selon Christian Cambon, nous devons « aller plus loin » pour être capables de « faire face à des conflits de longue durée ». Il pointe « l’énorme effort à faire pour augmenter nos stocks de munitions », et la question des « prélèvements de nos Rafale », vendus à l’étranger.

« Pour l’Europe, c’est le réveil. Il est brutal », lance Bruno Retailleau

Pour le groupe LR, Bruno Retailleau a rappelé la triste réalité : « Oui, la guerre est de retour en Ukraine. Et avec elle, ces images que nous pensions appartenir au passé ». « L’histoire est de retour », et « le tragique est de retour ». « Parce que nous sommes parlementaires, nous nous tiendrons à un devoir patriotique, d’unité », soutient le patron des sénateurs LR. Si Bruno Retailleau défend la « négociation », le sénateur de Vendée souligne que « Poutine ne comprend que le rapport de force », nécessaire pour trouver « le chemin de la paix ». Face à l’exode des Ukrainiens, « nous devons accepter de recevoir des réfugiés. […] Ils seront très peu nombreux ».

« Pour l’Europe, c’est le réveil. Il est brutal », lance-t-il. Selon Bruno Retailleau, « dans ce tournant historique, il peut y avoir un chemin français. Ce sera le chemin de la liberté, de la souveraineté, le chemin de la nation », lance le président du groupe LR, qui « ne croit pas à une armée européenne ».

« En quelques heures, l’Europe de la défense a pris forme » salue le centriste Olivier Cigolotti

Pour le groupe Union centriste, Olivier Cigolotti a souligné que nous devions « conserver et privilégier la voie diplomatique pour résoudre le conflit ». « En quelques heures, l’Europe de la défense a pris forme », a-t-il salué, ajoutant que « l’heure est à l’unité, l’heure est à la solidarité ».

Le président du groupe RDPI (LREM), François Patriat, a lui rendu hommage au président ukrainien Zelensky, qui « incarne le chef de guerre que tant de peuples rêvent d’avoir. Héroïque et prêt à périr pour son peuple et notre paix à tous ».

« L’invasion de l’Ukraine pourrait bien être le premier clou sur le cercueil de la dictature de Poutine », selon Claude Malhuret

« Nous devons tenir un langage de vérité. Il faut nous préparer à parer à toutes les situations, y compris les pires », a mis en garde Jean-Claude Requier, président du groupe RDSE. Quand Claude Malhuret, à la tête du groupe Les Indépendant, estime que « l’invasion de l’Ukraine pourrait bien être le premier clou sur le cercueil de la dictature de Poutine, comme l’invasion de l’Afghanistan fut le premier clou sur le cercueil de l’Union soviétique ».

« Comme beaucoup de dictateurs, ce Caligula botté souffre d’une autre infirmité. Ceux qui ont découvert stupéfaits la taille grotesque de la table sur laquelle il recevait notre Président, ont cru à une manœuvre pour l’humilier. Les réunions ubuesques avec ses ministres à 20 mètres relèvent la vérité : le covid le terrorise », lance Claude Malhuret, qui a aussi raillé « Vladimir Zemmour, Joseph Vissarionovitch Mélenchon et Anastasia Le Pen, qui sont depuis longtemps les généraux en chef de cette cinquième colonne » qui jouent le jeu de Vladimir Poutine, pointe le sénateur de l’Allier.

Patrick Kanner dénonce la « tyrannie » de Vladimir Poutine

Côté socialiste, Patrick Kanner a dénoncé la « tyrannie » de Vladimir Poutine, qui « est la résultante de trop nombreuses reculades, pour ne pas employer le mot de lâchetés ». Il ajoute :

Les crimes (de Poutine) contre les civils en Ukraine relèveront un jour de la Cour pénale internationale.

Le président du groupe PS du Sénat estime que « l’Europe de la défense ne doit plus être un vœu pieux ». Pour l’Ukraine, « nous devons nous entendre, et vite, sur sa demande d’adhésion à l’Union européenne, et trouver ensemble les voies et moyens appropriés qui nous permettront d’y répondre ». « Nous parlons de décisions qui engagent durablement et qui, pour cela, doivent être mûries », a mis en garde cependant Jean-François Rapin, président LR de la commission des affaires européennes.

« N’ayons pas peur des mots. Le peuple ukrainien est aujourd’hui notre avant-garde sur le front oriental du combat pour la démocratie et la liberté » a mis en garde Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat. Alors que la question des réfugiés va s’imposer, il a voulu « rappeler ici, avec force, qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais réfugiés ».

Pierre Laurent souligne l’« annonce de réarmement de l’Allemagne à hauteur de 100 milliards d’euros, le double de notre budget militaire »

Dénonçant la « guerre inacceptable » de Poutine, qui est « un crime contre la souveraineté d’un Etat » et « contre la paix », le communiste Pierre Laurent a appelé à un « cessez-le-feu immédiat ». Saluant les sanctions, il constate « au passage qu’il est donc possible, quand on en a la volonté politique, de cibler les flux financiers au plus haut niveau ».

Alors que les intervenants qui se succèdent à la tribune saluent le sursaut, pour ne pas dire une forme d’acte de naissance d’un embryon d’Europe de la défense, l’ancien numéro 1 du PCF a mis en garde, appelant à « plus de clairvoyance ». Il souligne « l’annonce de réarmement de l’Allemagne à hauteur de 100 milliards d’euros, le double de notre budget militaire ». Le sénateur du groupe CRCE souligne les risques « d’escalades ». Il dénonce sur ce point les propos du ministre Bruno Le Maire qui « jettent dangereusement de l’huile sur un feu brûlant ». Pour Pierre Laurent, l’objectif premier doit rester « la paix ».

« Il faut quand même reconnaître qu’il y a eu un référendum en Crimée »

Le sénateur Jean-Louis Masson, proche de l’extrême droite, s’est montré moins dur vis-à-vis du Président russe, estimant que « Monsieur Poutine a été au-delà de ce qui était raisonnable dans cette affaire ». Il appelle à une « solution négociée », où « chacun essaie de tenir compte des problématiques de son interlocuteur ». Si « les Ukrainiens doivent pouvoir disposer d’eux-mêmes, il faut quand même reconnaître qu’il y a eu un référendum en Crimée, où les gens se sont prononcés », dit-il, alors que les conditions de ce vote, en 2014, avaient été à l’époque dénoncées. La Russie venait déjà d’envahir, via des militaires sans signes distinctifs, une partie de l’Ukraine. Huit ans après, l’histoire se répète en partie mais cette fois, la réaction internationale est beaucoup plus forte.

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