« Il y a urgence à redonner un cap clair à la politique de la ville », plaide un rapport sénatorial

« Il y a urgence à redonner un cap clair à la politique de la ville », plaide un rapport sénatorial

Une mission d’évaluation de la commission des affaires économiques du Sénat, transpartisane, propose une mise à jour du cadre de la politique de la ville. Elle réclame également à l’Etat des engagements forts, notamment une loi de programmation.
Guillaume Jacquot

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« Les coups de frein et d’accélérateur se sont succédé sans constance et sans boussole. » Un rapport du Sénat, publié ce 19 juillet, dresse un constat pour le moins mitigé sur la politique de la ville du précédent quinquennat. Entre le « classement sans suite » du rapport Borloo sur les quartiers prioritaires et l’attention de Jean Castex portée à ces territoires, la mission d’évaluation de la commission des affaires économiques peine à distinguer la direction suivie ces cinq dernières années. Alors qu’une nouvelle législature s’est ouverte, trois sénatrices, Viviane Artigalas (PS), Dominique Estrosi Sassone (LR) et Valérie Létard (UDI) interpellent le gouvernement, et notamment le nouveau ministre de la Ville Olivier Klein, spécialiste de ces enjeux. Pour ces trois parlementaires, il y a « urgence » à redonner « un cap clair » à la politique de la ville, cette politique qui consiste à réduire les écarts entre les territoires.

La mission sénatoriale attend des signaux clairs de la Première ministre Élisabeth Borne. L’engagement de l’Etat devrait notamment se traduire, selon les parlementaires, par la présentation d’une loi de programmation pour la ville, à l’instar des lois de programmation d’ores et déjà promises par l’exécutif dans les politiques régaliennes (Intérieur, Défense, Justice), dans la déclaration de politique générale. Ce type de loi aurait l’avantage de « donner une visibilité sur les crédits de la politique de la ville dans la durée », selon les sénatrices.

Les trois rapporteures attendent également d’Élisabeth Borne la poursuite du pilotage interministériel, tel que le menait son prédécesseur Jean Castex, en réunissant tous les six mois le comité interministériel des villes. Le Sénat estime que cet organe, où se mobilisent l’ensemble des ministères, devrait être convoqué « dès cet été », pour adresser un signal politique.

Le cadre vieillissant de la loi Lamy de 2014

Outre la casquette du contrôle de l’action gouvernementale, les parlementaires ont également fait le bilan du cadre législatif. A ce titre, la loi Lamy de 2014, socle actuel des politiques de la ville, apparaît datée sous certains aspects. Le rapport recommande d’actualiser en « urgence » le zonage des quartiers prioritaires. Aujourd’hui, la définition légale consiste à découper le territoire en carrés de 200 mètres de côté et à regarder le taux de pauvreté. Ce maillage a cependant « laissé de côté, sans vraie solution, des poches de pauvreté diffuse ou localisée », regrette le rapport. Ce dernier espère un maillage plus fin et une nouvelle géographique au 1er janvier 2024. Les maires et les préfets doivent être appelés à jouer un plus grand rôle, insiste le Sénat.

L’approche au plus près du terrain nécessite également de revoir les contrats de ville. Ces programmes qui lient en particulier l’Etat et les collectivités locales, listent les mesures de soutien aux services publics (éducation, santé, justice), aux associations, les dispositifs d’aide à l’emploi et à l’économie, et bien sûr les investissements dans la création ou le renouvellement du parc résidentiel. Là encore, le rapport sénatorial préconise une refonte : ils n’ont pas été actualisés depuis 2014. Les sénatrices demandent un cadre plus souple, une conception au plus près du terrain, afin de permettre aux agglomérations de choisir leurs priorités. Les habitants des quartiers prioritaires ne sont pas oubliés, puisque le rapport appelle à renforcer les pouvoirs des conseils citoyens. Ces derniers devraient, selon le rapport, avoir la possibilité de conduire des projets concrets.

Des progrès sont attendus sur l’évaluation de la politique de la ville. Les trois sénatrices appellent à « changer de culture », en intégrant des objectifs concrets dès la conception des programmes. Ce vœu passera nécessairement par un renforcement des moyens. Le rapport constate avec regret que l’Observatoire national de la politique de la ville est « en état de mort cérébrale ». En moins de dix ans, ses moyens humains sont passés de dix à deux équivalents temps plein.

Le rapport n’aborde pas seulement la politique de la ville sous l’angle de la réduction des inégalités, mais aussi avec une logique de « tremplin ». Il insiste particulièrement sur le développement de l’entreprenariat, lequel susciterait l’aspiration « de plus d’un tiers des habitants ». Il préconise de pérenniser au-delà de 2025 « Entrepreneuriat pour tous », géré par Bpifrance. Ce programme de la Banque publique d’investissement, qui œuvre pour le financement et de développement des entreprises, a déjà permis la création de 5 000 entreprises ces deux dernières années, selon le rapport. Les parlementaires attirent l’attention néanmoins sur la nécessité d’accompagner dans la durée les créateurs d’entreprises. Elles suggèrent l’intervention des groupes de prévention, des structures agréées qui ont pour mission de détecter les difficultés économiques des entreprises.

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