Nouveaux réacteurs : le Sénat vote la fin de l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique

Nouveaux réacteurs : le Sénat vote la fin de l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique

Le Sénat a très largement adopté ce mardi après-midi le texte d’accélération des procédures de construction des nouveaux réacteurs nucléaires EPR 2. Seul point de débat : la suppression par la majorité sénatoriale de l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique, alors que la loi de programmation sur l’énergie devra être débattue au Parlement dans les prochains mois.
Louis Mollier-Sabet

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Seuls les écologistes et quelques socialistes auront donc voté contre. Avec 16 voix sur 255 exprimées s’opposant au projet de loi présenté par le gouvernement, et 239 pour, ce vote pourrait avoir des allures de victoire pour Agnès Pannier-Runacher et le gouvernement. Mais c’est une victoire en demi-teinte, voire à la Pyrrhus, dans une assemblée acquise à la cause de l’atome, entre une majorité sénatoriale historiquement favorable à la filière, et la gauche communiste et socialiste favorable à un mix entre énergies renouvelables et électricité nucléaire.

« Une politique énergétique au mieux illisible et au pire incohérente »

Si ce texte technique simplifiant les procédures administratives nécessaires au lancement des premiers chantiers des nouveaux EPR, dont nous vous détaillons le contenu ici, a donc été adopté par la chambre haute, pour de nombreux groupes politiques, le compte n’y était pas. Tous ont déploré un calendrier législatif chaotique sur les politiques énergétiques, alors que le Parlement examinera à l’été ou l’automne 2023 une loi de programmation Energie – Climat qui définira la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie. Une « saisonnalité » du calendrier parlementaire, qui conduit d’après Amel Gacquerre, sénatrice centriste, à « une politique énergétique à être au mieux illisible et au pire incohérente. »

La « PPE » est en effet un plan quinquennal énergétique doit être revu tous les cinq ans et son examen au Parlement était prévu de longue date. L’examen, quelques mois plus tôt d’un texte sur les énergies renouvelables, puis d’un texte sur le nucléaire, a donc été de nature à embrouiller les débats. Cette problématique a culminé lors des discussions autour de la disposition introduite par la majorité sénatoriale de suppression de l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique. « La suppression du plafonnement de la part du nucléaire a quelque peu préempté le débat », a ainsi déploré Jean-Claude Requier, président du groupe radical RDSE.

« Nous ne voulions pas que ce texte soit le prétexte à un pseudo-affichage »

Franck Montaugé, sénateur socialiste, tient à rappeler que dès le début de l’examen du texte, le groupe socialiste avait exprimé ses craintes à ce sujet : « Nous ne voulions pas que ce texte soit le prétexte à un pseudo-affichage sur une partie de notre mix énergétique. La majorité sénatoriale a élargi le périmètre du texte initialement consacré. Nous nous y sommes opposés parce que ce débat ne peut pas être pris à la légère au détour d’un texte qui ne lui pas pleinement consacré. »

Son collègue communiste, Fabien Gay, a dénoncé une « méthode symptomatique du rôle du Parlement aux yeux de votre gouvernement : une chambre d’enregistrement devant laquelle vous faites passer des textes parce que la Constitution vous le demande. »

Sur le fond, les différents groupes ont déploré l’absence de certains sujets de ce texte technique : la question des compétences de la filière, celle du financement des futurs investissements d’EDF, de la prolongation des réacteurs existants… « Ce projet de loi est le bien sûr le bienvenu, mais il laisse de regrettables zones d’ombre », a ainsi résumé Amel Gacquerre, oratrice pour le groupe centriste.

« N’écoutons pas les khmers verts et les prédicateurs à lampe à huile »

Enfin, sauf pour les écologistes, opposés sur le fond à la relance du nucléaire. « Ce texte a changé de nature, il traduit maintenant la politique de LR avec le consentement du gouvernement », a ainsi fustigé l’écologiste Daniel Salmon. « Nous partons à l’aveugle en investissant ces dizaines de milliards dans les EPR, alors que nous en avons besoin pour les renouvelables et l’efficacité énergétique. Les énergies renouvelables deviennent de plus en plus compétitives, même en prenant en compte le stockage, à l’inverse du nucléaire », a-t-il poursuivi.

« N’écoutons pas les khmers verts et les prédicateurs à lampe à huile », lui a répondu Pierre Médevielle, du groupe Les Indépendants, dans le genre d’échanges désormais classique au sein de la chambre haute. Gérard Longuet, orateur pour le groupe Les Républicains, s’est permis une petite anecdote pour justifier le choix de la majorité sénatoriale de mettre le sujet de la part du nucléaire dans le mix électrique sur la table dès ce projet de loi : « Le Sénat a eu raison de vouloir ouvrir ce débat. Nous attendons avec impatience la PPE parce que nous voudrions savoir quelle est la stratégie. En 1975 nous avions le même débat au Sénat, j’étais commissaire du gouvernement. Michel D’Ornano avait mis en œuvre la politique de Pierre Messmer, et disait que la stratégie appartient au Parlement, la mise en œuvre au gouvernement. Nous revendiquons la stratégie ! »

Ceci n’est pas une loi de programmation

Du côté de la majorité présidentielle, Bernard Buis, orateur pour le groupe RDPI a dénoncé une « véritable divergence sur l’angle programmatique ajouté » au texte, puisque « l’équilibre du mix énergétique » ne doit « pas être l’objet de ce texte. Nous attendons de la navette qu’elle revienne sur ces dispositions afin de préserver ce temps démocratique nécessaire », a ajouté le sénateur de la Drôme. Lors de l’examen à l’Assemblée puis de la commission mixte paritaire rassemblant députés et sénateurs qui suivra très probablement, la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale devront donc se mettre d’accord sur ce point symbolique au sein d’un texte où les débats n’ont sinon pas fait rage sur le fond.

Après avoir répété tout au long de l’examen que ce projet de loi n’était « pas une loi de programmation », Agnès Pannier-Runacher a fait contre mauvaise fortune bon cœur et a simplement affirmé avoir entendu « l’impatience » du Sénat de débattre de la future loi de programmation. La ministre de la Transition énergétique a ainsi promis « la mise en place de groupe de travail très en amont », afin que les parlementaires soient « partie prenante de ce débat essentiel et stratégique. » Le texte du Sénat n’a pas encore été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale mais devrait être examiné après la réforme des retraites.

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