« Cour de sûreté », Robert Ménard… Les propos de Guillaume Peltier fissurent un peu plus LR

« Cour de sûreté », Robert Ménard… Les propos de Guillaume Peltier fissurent un peu plus LR

Pas une semaine ne passe sans que les Républicains étalent leurs divisions au grand jour. La polémique du week-end est venue du numéro deux du parti. Invité du « Grand Jury », le second de Christian Jacob a déclaré porter les « mêmes convictions que Robert Ménard », maire d’extrême droite de Béziers, et a plaidé en faveur d’une « Cour de sûreté », supprimant la possibilité de faire appel en matière de terrorisme. Des propositions musclées réactivant les clivages de la droite, y compris au Sénat.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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Les Républicains tiendront-ils jusqu’en 2022 ? Les semaines passent et la cohésion du parti se fissure chaque jour un peu plus. Après l’impossible désignation d’un « chef naturel », le psychodrame en Paca qui a donné lieu au départ avec fracas des maires Christian Estrosi et Hubert Falco, voilà venu le temps des « loufoqueries » selon Guillaume Larrivé, député LR de l’Yonne.

Les « bêtises » de Guillaume Peltier

L’incident diplomatique est venu du numéro 2 de la rue de Vaugirard, Guillaume Peltier, dimanche. Sur RTL, l’ancien du Front National de la jeunesse (FNJ) a redit son opposition au « front républicain ». En matière de terrorisme il a demandé « le rétablissement de la Cour de sûreté » qui « au cas par cas, pourrait placer les individus en rétention de sûreté », le tout sans appel. Guillaume Peltier a également souligné « porter les mêmes convictions » que le maire de Béziers Robert Ménard, proche du RN. Ce dernier, défenseur de l’union des droites, a sauté sur l’occasion sur BFMTV pour se féliciter que les « digues » entre le RN et LR « sont submergées ». De quoi donner du grain à moudre à la majorité présidentielle qui dénonce ce lundi matin en chœur « un festival de conneries » du dirigeant LR et sa faculté à « ramper vers l’extrême droite », dixit le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune sur France Info. Invité de la matinale de Public Sénat « Bonjour chez vous », le ministre délégué aux comptes publics Olivier Dussopt a raillé les « bêtises » de Guillaume Peltier.

Côté LR, les propositions de Guillaume Peltier ne sont pas passées pour les tenants d’une ligne libérale. Guillaume Larrivé, proche des macron-compatibles, a rapidement pris ses distances, soulignant que « la possibilité de faire appel, en matière pénale, n’est ni une vieillerie, ni une marotte de méchant gauchiste-laxiste, mais un progrès auquel il n’est pas question de renoncer dans un État civilisé ». « Les loufoqueries (économiques ou juridiques…) proposées à titre personnel par tel ou tel responsable de la direction n’engagent évidemment pas le parti », a ajouté le député LR, spécialiste des questions régaliennes.

Le patron du parti a dû sortir de sa réserve, pour rappeler à l’ordre son second. « L’heure n’est pas aux prises de position personnelles qui nuisent à tous, mais à la mobilisation derrière nos candidats », a réagi dans la soirée Christian Jacob. « Au moment où LR est en tête des enquêtes d’opinion, j’invite l’équipe dirigeante à être en soutien total derrière nos listes. La seule priorité : jouer collectif », a-t-il ajouté. Guillaume Peltier s’est retrouvé pris en étau entre son chef, et le numéro 3 du parti, le député Aurélien Pradié qui a lui aussi tweeté sa désapprobation : « A mes collègues qui font des grandes phrases sur Twitter ou font une annonce dingue par semaine dans les médias, je propose un remède : mouillez vos chemises ! J’ai encore de la place dans mon équipe de campagne. Être candidat, en Occitanie, aide à forger la colonne vertébrale ». Pour rappel, Guillaume Peltier, un temps pressenti pour faire campagne en Centre-Val de Loire, a laissé tomber face aux sondages peu à son avantage.

« Robert Ménard est un bon maire »

Au Sénat, les propos musclés de Peltier réactivent les fractures de la droite, même si peu de ses représentants le reconnaissent. Soutien de Xavier Bertrand, Jean-François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais, confesse ses désaccords : « Il est sur ses propres idées, il pousse fort pour se mettre un peu en avant. Une idée par semaine, je ne suis vraiment pas comme ça. Il y a des choses que je ne partage pas ». Comprendre : Ménard, mais aussi le front républicain. « Pour nous le sujet c’est de faire barrage au RN. Quel que soit le parti du candidat en face du RN, on le soutiendra », assume l’élu de la chambre Haute. Et profite pour glisser un point en faveur de son candidat : « C’est ce qu’avait supputé Xavier Bertrand quand il avait quitté le parti, une ligne qui n’était plus très claire… Il y a des volontés des uns et des autres, de s’afficher pour une candidature à la présidentielle. »

A l’inverse, la sénatrice du Val-d’Oise Jacqueline Eustache-Brinio, membre du bureau politique du parti, partage les propos de Peltier. « Si l’édile de Béziers avait été un très mauvais maire, je pense qu’il n’aurait pas été réélu en 2020. Les seuls qui ont une légitimité à dire si Ménard est un bon maire, ce sont les électeurs. Donc il faut reconnaître que Robert Ménard est un bon maire. Rien ne me choque. » La sénatrice considère que la France est « confrontée à une réalité de la violence tous les jours ». « Ce qui me met en colère ce sont les élus qui sont dans le déni. C’est être dans le déni qui favorise le Front national ! », s’exclame-t-elle. La proposition d’une « Cour de sûreté » ne choque pas non plus cette membre de la commission des lois du Sénat. « Il va falloir que l’on trouve les outils pour protéger nos citoyens. Réfléchissons à tout ce qu’il est possible de faire. Donc pourquoi pas », lâche-t-elle.

« Bon nombre de nos collègues LR sont dans cette mouvance »

Plus tempérée, Christine Bonfanti-Dossat, elle aussi membre du bureau politique des LR, trouve les propos de Guillaume Peltier « excessifs ». « Je ne serai pas allée jusqu’à Ménard. Mais est-ce que ce qu’a dit Peltier n’est pas ce que pensent beaucoup de gens dans cette période ? J’ai peur que bon nombre de nos collègues LR soient dans cette mouvance », s’inquiète la sénatrice du Lot-et-Garonne. « Je dis que le RN n’est pas une solution, mais j’aimerais que nous revenions de manière vigoureuse à ce que faisait Nicolas Sarkozy. On s’est laissé déposséder par le RN qui nous a chipé des thématiques », poursuit-elle. Comme Jean-François Rapin, elle soutient que l’absence d’un unique candidat à la présidentielle effrite la cohésion de sa famille politique. « Nous avons besoin de se rassembler derrière un chef ». Jacqueline Eustache-Brinio s’enthousiasme, elle, pour une « dream team qui va faire rêver la France ».

« Il y a d’un côté une ennemie et de l’autre un parti concurrent »

Profitant des divisions, les cadres du RN tendent les bras aux LR jugés compatibles. Dans son éventuel futur gouvernement, Marine Le Pen n’exclurait pas d’intégrer le député LR Éric Ciotti ou l’eurodéputée Nadine Morano. En Bourgogne Franche Comté, la tête de liste RN Julien Odoul, favori des sondages, serait prêt à accueillir le LR Gilles Platret, qui s’est allié à Debout la France (DLF), ancien partenaire du FN. Les accords aux régionales brouillent les lignes et peignent un tableau impressionniste de la droite. Ici aux côtés de LREM, là-bas avec DLF…

Marc-Philippe Daubresse : "Il y a d’un côté une ennemie et de l’autre un parti concurrent"
03:24

« Ça trouble à partir du moment où on donne une importance disproportionnée à ces propos », tente d’évacuer le sénateur du Nord et ancien ministre, Marc-Philippe Daubresse. « Il y a chez LR une petite minorité de personnes qui pensent qu’il faut d’un côté se rapprocher de Monsieur Macron, et de l’autre côté ceux qui considèrent qu’il faut faire un pas en direction de Marine Le Pen. La réponse est claire : la ligne des LR n’a pas changé. Ligne ferme sur l’autorité et la sécurité mais en même temps humaniste », décrypte ce conseiller politique du parti. Soutien de Xavier Bertrand, il le martèle : « Notre adversaire reste Marine Le Pen et notre concurrent politique est LREM. Il y a d’un côté une ennemie et de l’autre un parti concurrent ». « On ne peut pas gagner sans parler social », prévenait un dirigeant du parti il y a quelques mois. C’était en février…

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