Législatives : le torchon brûle entre le RN et Reconquête !

Législatives : le torchon brûle entre le RN et Reconquête !

Au lendemain des résultats du second tour de l’élection présidentielle, les tractations pour les élections législatives vont déjà bon train. À l’extrême-droite, une perspective d’accord entre le RN et Reconquête !, le parti d’Éric Zemmour, semble de moins en moins probable.
Public Sénat

Par Louis Mollier-Sabet / Images : Sandra Cerqueira et Jérôme Rabier

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Quand on se regarde, on se désole, quand on se compare, on se console. C’est ce que peuvent se dire les électeurs de gauche en voyant l’état des négociations entre les différentes forces d’extrême-droite pour les législatives. Si l’union cafouille un peu entre LFI, le PCF, EELV, et surtout le Parti socialiste, le Rassemblement national et Reconquête !, sont, eux, à couteaux tirés. Même Stéphane Ravier le reconnaît, et on n’entend pourtant rarement des compliments sur Jean-Luc Mélenchon dans la bouche du sénateur Reconquête ! qui a milité 30 ans au Front puis au Rassemblement national : « M. Mélenchon, qu’on l’aime ou pas, fait de la politique. Il pourrait en vouloir à Fabien Roussel par exemple, mais il met sa rancœur de côté et tend la main aux communistes. Il n’y a que Marine Le Pen qui s’obstine à vouloir gagner seule. »

Si l’ancien – et unique – sénateur RN, qui a rejoint Éric Zemmour en février dernier, affirme que Marine Le Pen « veut gagner seule », c’est que le RN a fermement refusé la proposition « d’union des droites » relancée par Reconquête ! après les résultats du premier tour. Réunis en comité stratégique ce lundi, les cadres du parti ont été clairs : il n’y aura pas d’accord entre organisations politiques. « Le RN présentera 577 candidats », réaffirme ainsi Laurent Jacobelli, porte-parole du Rassemblement national. « On a beaucoup avancé sur les investitures, on est à plus de 450, cela devrait aller très vite. » Mécaniquement, cela veut dire que les candidats investis par Reconquête ! auront un candidat du Rassemblement national en face d’eux au 1er tour. Pourtant, Éric Zemmour a réitéré ce lundi son appel à Marine Le Pen, lui demandant de « saisir sa main, pas pour nous, mais pour la France. »

Par l’intermédiaire de Marion Maréchal, Nicolas Bay et Guillaume Peltier, le parti Reconquête a proposé, dans la foulée, une « rencontre » au RN « afin de constituer une coalition électorale pour les législatives. » Dans un scrutin aussi défavorable à l’extrême droite et au Rassemblement national, avec seulement 8 députés élus en 2017 malgré l’accession au second tour de Marine Le Pen, le RN peut-il se permettre de refuser l’union proposée par Éric Zemmour ?

« Il y aura des candidats RN dans toutes les circonscriptions »

En tout cas, cela semble être la direction choisie après les résultats du second tour et le comité stratégique d’aujourd’hui. Philippe Ballard, porte-parole du Rassemblement national, le rappelle : « Marine Le Pen a été très claire, il y aura des candidats RN dans toutes les circonscriptions. Il pourra y avoir des candidats soutenus par le RN, mais aucune alliance d’aucune sorte avec des états-majors. » Laurent Jacobelli aussi explique que « les accords d’appareil ne sont pas à l’ordre du jour », même si le Rassemblement national pourrait investir « des talents, d’où qu’ils viennent. » Sébastien Chenu abonde : « Nous sommes ouverts à soutenir des candidats qui ne sont pas forcément de notre mouvement, mais les alliances de partis, c’est autre chose. » Concrètement, si on essaye de proposer des noms, la porte semble fermée pour Éric Zemmour. « Avec certains, c’est possible de travailler, avec d’autres, c’est plus compliqué », détaille ainsi le député RN du Nord, qui ajoute : « Quand Éric Zemmour fait des déclarations pas très élégantes au 1er tour, cela rend les choses plus compliquées. Nous sommes de bonne volonté, mais il ne faut pas exagérer. »

Le porte-parole du Rassemblement national fait notamment référence à la prise de parole d’Éric Zemmour dimanche soir, qualifiant la défaite de Marine Le Pen de « prévisible. » « Moins prévisible que le score d’Éric Zemmour », répond Sébastien Chenu. D’autres noms hérissent moins le poil des cadres du Rassemblement national, comme celui de Nicolas Dupont-Aignan, député sortant de la 8ème circonscription de l’Essonne. « Si un candidat fait l’unanimité sur sa personne, son nom ou son implantation, pourquoi pas. Nicolas Dupont-Aignan peut faire partie des cas à étudier », concède par exemple Laurent Jacobelli, ancien membre de Debout la France de 2014 à 2017. Le candidat à la présidentielle se présenterait-il alors sous l’étiquette du RN ? « Vous mettez la charrue avant les bœufs », tempère Laurent Jacobelli, qui explique tout de même que les investitures seront rendues publiques prochainement et que « cela va aller très vite. » Marine Le Pen a d’ailleurs annoncé ce lundi qu’elle serait candidate à sa réélection dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais, alors que Laurent Jacobelli confirme sa candidature, sans préciser la circonscription pour le moment.

« On s’entête au RN, comme dans une secte, où le gourou Marine a dit, alors on répète »

Au-delà de la tambouille partisane des listes et des investitures, le torchon brûle entre le RN et Reconquête !. Stéphane Ravier ne mâche pas ses mots contre son ancien parti, pris dans un « réflexe pavlovien » en « s’obstinant » à aller aux législatives en solitaire, sans tirer les leçons de juin 2017 : « Ils répètent qu’ils sont assis sur 42 %, comme on est assis sur un magot, mais ils se trompent, ils sont dans le déni. Le RN ne mobilise plus tout seul, surtout aux législatives et ce ne sera pas Marine Le Pen qui sera candidate dans chaque circonscription. On s’entête au RN, comme dans une secte, où le gourou Marine a dit, alors on répète. Mais répéter une bêtise n’en fait pas une vérité. » D’après le sénateur des Bouches-du-Rhône, « ce que veut Marine Le Pen en réalité, c’est du financement public » : « Elle est acculée avec 23 millions d’euros de dette, il lui faut un financement le plus élevé possible pour survivre », or le financement dépend du nombre de candidats présentés et de députés élus par parti. D’ailleurs, si la situation financière de Reconquête ! – créé il y a quelques moins – est moins critique, la conjoncture politique contraint tout autant le parti d’Éric Zemmour, qui ne pourra espérer mieux que quelques sièges sans un accord national avec le Rassemblement national.

Au Rassemblement national, on goûte peu les procès en division intenté par d’anciens cadres passés chez Zemmour au moment où celui-ci effectuait une percée dans les sondages. « C’est une tartufferie totale », lâche notamment Laurent Jacobelli. « Pourquoi chercher à faire alliance avec un parti que l’on méprise et une candidate dont on n’arrête pas de critiquer l’action ? Personne n’y a cru, c’est un numéro de claquette. C’est quasiment impossible de travailler avec eux. » Philippe Ballard ironise, lui, sur « les petites phrases plus ou moins bien senties » d’Éric Zemmour sur le RN ou sur Marine Le Pen et rappelle à bon entendeur qu’en politique « on peut avoir un peu de morale », et que « trahir, ce n’est pas forcément une bonne chose. » Face aux reproches du RN, Stéphane Ravier en appelle à l’union : « À Reconquête !, on a appris à s’entendre malgré des sensibilités différentes. Je découvre ça, parce que j’ai cru pendant 30 ans à l’homme, puis à la femme, providentiel, mais ça n’existe pas. » Le sénateur Reconquête ! ne peut s’empêcher d’ajouter : « Sauf dans une secte. »

Une divergence politique ? « L’union des droites » face à « l’union des patriotes »

Les inimitiés personnelles ont certainement leur place dans l’analyse des relations entre composantes de l’extrême-droite française, mais l’on peut aussi essayer de prendre cet antagonisme entre Reconquête ! et le RN au sérieux d’un point de vue politique. Le Rassemblement national a développé, tout au long de la campagne, une ligne « d’union des patriotes », au-delà des clivages partisans. « Marine Le Pen a pour ambition de réunir lors de ces élections législatives, les patriotes, les nationaux, les souverainistes, qu’ils soient de droite, de gauche, du centre ou d’ailleurs. Vouloir cette union des droites, c’est réducteur, il y a des patriotes sincères qui peuvent avoir une sensibilité de gauche, du centre ou d’ailleurs, il faut les réunir », détaille ainsi Philippe Ballard.

Pour Stéphane Ravier, cette stratégie de rassemblement est une stratégie « de l’échec permanent » : « Marine Le Pen s’est tournée vers la gauche en écartant Marion Maréchal et Éric Zemmour et en allant jusqu’à proposer un gouvernement d’union nationale sans les nationaux. À la fin, seuls 13 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon se sont portés sur elle. Elle est programmée pour perdre, mais ça correspond à sa personnalité et à son identité politique d’à gauche toute. » Le sénateur de Reconquête voit dans la proposition d’Éric Zemmour une façon de « mobiliser et de créer ce pôle de droite dans le sens très large du terme, avec le RN, Reconquête !, et Debout la France. » Au stade actuel, on a du mal à voir comment cette union pourrait se cimenter tant les responsables des deux partis se tirent dessus à boulets rouge. La Commission nationale d’investiture (CNI) du RN doit se réunir mardi pour entériner l’absence d’accord avec Reconquête ! aux législatives. Sauf retournement de situation.

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le