Sécurisation de la chasse : la proposition de loi déposée au Sénat

Sécurisation de la chasse : la proposition de loi déposée au Sénat

Un mois après les annonces du gouvernement largement inspirées des travaux du Sénat, le sénateur LR, Patrick Chaize vient de déposer sa proposition de loi sur la sécurisation de la chasse. Le texte d’une quinzaine d’articles prévoit d’instaurer un délit d’alcoolémie, mais n’impose pas de jour sans chasse ni la délivrance de certificat médical annuel pour les chasseurs. Les écologistes réintroduiront ces mesures lors du débat parlementaire. 
Simon Barbarit

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Il s’agit de la déclinaison législative du rapport du Sénat sur la sécurisation de la chasse remis en septembre 2022. Son rapporteur, Patrick Chaize vient de déposer une proposition de loi dont l’article 1 « vise à inscrire la sécurité des chasseurs et des tiers comme un prérequis de la pratique de la chasse ».

Ses principales mesures avaient été détaillées par la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, Bérangère Couillard, le 9 janvier dernier.

« Très franchement, je ne pense pas qu’il ait des choses qui posent problème. Mon rapport avait été largement adopté à l’exception des écologistes. Le seul point qui devrait revenir lors des débats parlementaires, c’est le jour sans chasse », indique Patrick Chaize.

« Bien entendu, nous déposerons un amendement pour imposer un jour sans chasse. Pour ma part, ce sera même quatre demi-journées, le dimanche, le samedi après-midi et le mercredi après-midi », confirme le sénateur écologiste, Daniel Salmon. « Au moins, le dimanche sans chasse, c’est une nécessité absolue et une demande forte de la société française », ajoute-il.

Pour mémoire, la mission du Sénat avait été mise en place après le succès d’une pétition déposée par le collectif « Un jour, un chasseur » sur la plateforme dédiée de la Haute assemblée. La demande principale du collectif était l’interdiction de la chasse les mercredis et dimanches. Les sénateurs n’avaient pas retenu la mesure. De son côté, le gouvernement avait, un temps ouvert la porte à la mesure, avant d’y renoncer.

Délit d’alcoolémie

Souhaitant calquer les sanctions visant les automobilistes, la proposition de loi instaure un nouveau délit qui a fait beaucoup parler. Il sanctionne l’acte de chasse sous l’emprise excessive de l’alcool ou de stupéfiant de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende. Les policiers et gendarmes auront compétence pour verbaliser.

Certificat d’aptitude tous les 10 ans

La proposition de loi conditionne le renouvellement annuel du permis de chasse à l’accomplissement effectif de la formation décennale à la sécurité, mise en place en 2019 par les fédérations de chasse. « Le non-respect de cette obligation n’est pas aujourd’hui sanctionné », constate le sénateur. L’article 4 de la proposition de loi introduit également l’obligation pour les chasseurs de fournir un certificat médical d’aptitude à l’occasion de la formation décennale. Pour passer son permis de chasser, le candidat aura aussi l’obligation de présenter une attestation de formation aux premiers secours.

A l’origine, la mission du Sénat voulait aligner la chasse sur les sports se pratiquant avec une arme (tir sportif, ball-trap et ski biathlon), en imposant aux chasseurs un certificat médical annuel. La mesure avait provoqué une levée de boucliers des fédérations de chasse. Mais elle fera elle aussi son retour dans le débat. Les sénateurs écologistes déposeront un amendement en ce sens. « Les chasseurs sont des sportifs alors je ne vois pas pourquoi ils dérogeraient aux lois du sport », argue Daniel Salmon.

« Les chasseurs nous avait objecté que la chasse n’était pas un sport mais un loisir, que la désertification médicale rendait la mesure complexe… On était arrivé à un compromis vertueux en imposant le certificat médical au moment de la remise à niveau décennale » expliquait Patrick Chaize a publicsenat.fr le mois dernier. Mais ce compromis n’a pas été du goût de la Fédération nationale des chasseurs de Willy Schraen, raison pour laquelle, Bérangère Couillard ne l’a pas repris dans ses annonces.

Retrait systématique du permis de chasse en cas d’homicide involontaire

La pétition lancée par le collectif « Un jour un chasseur », créé après la mort d’un jeune homme, Morgan Keane, tué par un tir de chasse en 2020 dans le Lot. Le 12 janvier dernier, l’auteur du tir, a été condamné à 24 mois de prison avec sursis et une interdiction de chasser à vie. Le directeur de battue a lui été condamné à une peine de 18 mois de prison avec sursis et une interdiction de chasser pendant 5 ans. La proposition de loi prévoit, en cas d’homicide par tir direct ou de coups et blessures involontaires, sans identification préalable de la cible, un retrait systématique du permis de chasse avec interdiction d’en solliciter un nouveau pendant dix ans.

Uniformisation des règles de sécurité

Une autre demande du Sénat visait à uniformiser sur le territoire, les règles de sécurité. Sur ce point, la proposition de loi généralise le port d’un gilet fluorescent, introduit un volet pratique (le maniement des armes) au sein de la remise à niveau décennale, le respect de l’angle de tir des 30 degrés, interdiction des tirs non-fichants, l’interdiction des tirs en direction des habitations et des voies de circulation, et le rappel avant battue des règles de sécurité. Elle donne enfin aux policiers municipaux les mêmes compétences que les gardes champêtres en matière de police de la chasse.

Pas de délit d’entrave à la chasse, mais un délit de sabotage

Lors de la remise du rapport des sénateurs, une préconisation avait particulièrement ému les associations anti-chasse : l’introduction dans le Code pénal d’un délit d’entrave à la chasse. Une mesure qui devait compenser l’obligation de déclaration des battues pour les chasseurs.

On retrouve sa traduction législative de ces obligations réciproques à l’article 7. Il crée une obligation de déclaration publique préalable des chasses collectives au grand gibier et sanctionne son non-respect. Pour ce faire, l’exécutif mise sur le développement d’une application à l’automne 2023 « qui permettra à chaque Français d’identifier les zones et horaires non chassés à proximité de chez lui », indiquait un communiqué de la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie.

En contrepartie, le texte crée « une infraction spécifique en cas de sabotage, dégradation ou destruction d’un équipement contribuant à la sécurité de la chasse. »

Parmi les autres amendements que va défendre le groupe écologiste sur ce texte, on retient : l’obligation d’avoir 18 ans pour porter une arme, la publication d’un rapport sur la prolifération du grand gibier, l’interdiction en 2028 des lâchers d’oiseaux d’élevage, un renforcement des moyens de l’office français de la biodiversité, et l’obligation d’une formation au maniement des armes, non pas tous les 10 ans, mais tous les cinq ans.

De beaux débats en perspective, la date de l’examen de la proposition de loi n’a pas été encore fixée.

 

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