Un statut de l’élu local, remède à la « crise des vocations » ?

Un statut de l’élu local, remède à la « crise des vocations » ?

Un groupe de travail a été lancé par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, en présence de la ministre Jacqueline Gourault. Il doit formuler des propositions pour améliorer les « conditions d’exercice des mandats locaux » d’ici la prochaine Conférence nationale des territoires.
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Par Guillaume Jacquot (Images : Stéphane Hamalian)

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Ils ont conscience de s’attaquer à un serpent de mer. Les sénateurs de la délégation aux collectivités territoriales ont franchi une nouvelle étape dans leur réflexion engagée sur le statut des élus locaux, en lançant un groupe de travail, auquel ont été conviées les associations représentantes d'élus territoriaux.

La question, sur la table depuis des années, est en tout cas prise très au sérieux par la Haute assemblée. Lors de la seconde Conférence nationale des territoires, le président du Sénat, Gérard Larcher, avait parlé d’un « enjeu essentiel pour l’avenir de notre démocratie locale ».

« La vie publique exige un engagement toujours plus fort », constate Mathieu Darnaud, sénateur (LR) de l’Ardèche. Et cela pose beaucoup de questions en termes d’accompagnement des élus communaux, départementaux ou régionaux, selon lui.

« Une crise des vocations » pour les mandats locaux

Une inquiétude ressort sans doute plus que les autres : comment articuler un mandat local, avec des tâches de plus en plus pointues, avec sa vie professionnelle ? « II y a un peu une crise des vocations pour être élu local », a reconnu la ministre Jacqueline Gourault, présente à la réunion. « C’est parfois difficile à concilier avec une vie familiale et professionnelle ». Les participants à la table ronde se souviennent encore de la difficulté de constituer des listes complètes qui avait été observée lors des municipales de 2014.

Élus locaux : « II y a un peu une crise des vocations pour être élu local », admet Jacqueline Gourault
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Images : Stéphane Hamalian

Pour Jean-Marie Bockel, le président de la délégation, la question de la fin des mandats est essentielle. Comment assurer ensuite à sa vie professionnelle ? Comment mieux prendre en compte cette responsabilité dans un système de retraite ? « Si on veut garder cette spécificité française, avec ce réseau d’élus dont la plupart sont bénévoles – est-ce que c’est une bonne chose d’ailleurs, on peut se poser la question – il faut à nouveau s’atteler à ce serpent de mer du statut de l’élu », a expliqué le sénateur (Union centriste) du Haut-Rhin.

S’il ne réclame pas de « grand soir » ou de « grande loi », Jean-Marie Bockel a indiqué qu’il fallait « continuer certaines améliorations pour que ce mandat reste attractif pour des gens de qualité ».

Statut de l'élu local : « On ne veut pas une grande loi », répond Jean-Marie Bockel
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Besoin de « reconnaissance »

Derrière le statut de l’élu, il y a l’enjeu d’attirer des citoyens de tous les milieux professionnels, de tous les profils, pour casser la logique de carrières politiques. « Il y a des formes de régulation qu’il faut savoir apporter pour qu’être élu puisse être possible pour tout citoyen. Or, on voit qu’être élu, cela devient une spécialité. Il y a très peu d’ouvriers, de salariés », constate Michel Neugnot, premier vice-président (PS) de l’Association des régions de France (ARF).

Pour Édith Gueugneau, maire (divers gauche) de Bourbon-Lancy, ville de 5.000 habitants de Saône-et-Loire, les indemnités constituent une « reconnaissance » de la France face à des élus qui vont quitter leur travail ».

Le besoin d’une meilleure formation est aussi régulièrement invoqué, car ces dernières années, de nouvelles lois territoriales sont venues complexifier le rôle des élus locaux. « L’Association des maires [AMF] de France est questionnée sur la complexité de cette mission, sur la complexité des transferts de compétences, mais également sur les normes », relaye Édith Gueugneau, membre du bureau de l’AMF. Et cette situation a des conséquences logiques, notamment en milieu rural. « Les élus, paraît-il, sont de moins en moins enclins à prendre des responsabilités », souligne l’ancienne députée.

Risques juridiques : « Les élus, paraît-il, sont de moins en moins enclins à prendre des responsabilités » (Édith Gueugneau)
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« C’est l’administration qui prend le pas sur les élus »

Au-delà de ces risques juridiques, c’est un enjeu démocratique, que pointe le numéro 2 de l’ARF. « La démocratie vit avec ses élus, et quand l’élu n’est pas en capacité d’exercer totalement ses responsabilités, quand il n’a pas la formation nécessaire pour le faire, eh bien c’est l’administration qui prend le pas sur les élus », s’inquiète Michel Neugnot.

Élus locaux : Sans formation, « c’est l’administration qui prend le pas sur les élus », estime Michel Neugnot (Régions de France)
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Images : Stéphane Hamalian

Outre le besoin d’une « réflexion indispensable sur le statut de l’élu local », devant les maires de France, en novembre dernier, Emmanuel Macron avait abordé cette « responsabilité pénale », allant même jusqu’à parler de « protections », face à des « mandats particulièrement exposés ».

Preuve que le sujet du statut de l’élu est une préoccupation dans les territoires, et notamment les communes, le Sénat a reçu 17.500 contributions (dont 7.000 complétées entièrement), dans le cadre de la consultation en ligne, ouverte en janvier 2018. Les sénateurs de la délégation aux collectivités territoriales font formuler des propositions et préparer un rapport avant l’été.

Le statut de l’élu sera donc l’un des points abordés à la prochaine Conférence nationale des territoires, cette instance née en juillet 2017 et qui sert d’interface entre les élus locaux et le gouvernement. « On prendra la décision à ce moment-là de voir s’il faut légiférer, et sur quels points », nous indique Jacqueline Gourault.

Statut de l'élu : Jacqueline Gourault n'exclut pas une loi
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