Déconfinement : « Un critère d’âge, c’est stigmatisant et injuste »
En laissant entendre que le confinement serait plus long pour les personnes âgées, et donc qu’un critère d’âge pourrait être mis en place, l’exécutif a suscité l’inquiétude et la colère des seniors. Pour la Société française de gériatrie et de gérontologie, « il ne peut y avoir d’autres critères que le critère clinique de fragilité individuelle »

Déconfinement : « Un critère d’âge, c’est stigmatisant et injuste »

En laissant entendre que le confinement serait plus long pour les personnes âgées, et donc qu’un critère d’âge pourrait être mis en place, l’exécutif a suscité l’inquiétude et la colère des seniors. Pour la Société française de gériatrie et de gérontologie, « il ne peut y avoir d’autres critères que le critère clinique de fragilité individuelle »
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Y aura-t-il un critère d’âge dans la mise en œuvre du déconfinement progressif prévu le 11 mai ? C’est ce qu’a laissé entendre Emmanuel Macron, lundi soir dans son allocution télévisée. « Pour leur protection, nous demanderons aux personnes les plus vulnérables, aux personnes âgées, en situation de handicap sévère, aux personnes atteintes de maladies chroniques, de rester, même après le 11 mai, confinées, tout au moins dans un premier temps. Je sais que c’est une contrainte forte. » a-t-il indiqué.

« Au-dessus de 65, 70 ans »

Devant la commission des lois du Sénat, Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique, a chiffré à 18 millions « les personnes les plus à risques de développer une forme grave (du Covid-19) ». Parmi lesquelles se trouvent « les personnes d’un certain âge (…) donc au-dessus de 65, 70 ans » a-t-il précisé en s’avançant donc sur un critère d’âge.

Une pétition en ligne

Depuis quelques jours la perspective d’un déconfinement plus tardif pour les seniors provoque l’inquiétude et la colère des personnes concernées. Une pétition intitulée « Non à la sortie plus tardive du confinement pour les seniors ! » mise en ligne par le site « seniors en forme » a déjà rassemblé, ce vendredi en début d’après-midi, plus de 65 000 signatures.

Certains retraités ne cachent pas leur volonté de sortir dès que le confinement sera prononcé. C’est le cas de Marie, à Paris. « J’en ai marre. J’attends le 11 mai. Ils ne vont pas me dire que je dois rester confinée avec l’âge ! » prévient la retraitée, habitante du quartier de Montmartre (lire ici son témoignage).

« Cette histoire de discrimination par l’âge provoque des réactions extrêmement négatives »

Bien conscient que le sujet agite l’opinion, le vice-président socialiste de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur, n’a pas manqué d’évoquer ce sujet devant le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner jeudi, lors de son audition dans la mission de contrôle liée à l’épidémie de Covid 19. « Depuis qu’il est connu que nous allons vous auditionner, je reçois, comme mes collègues, quantité de réactions sur l’idée qu’après le 11 mai, il y aurait un déconfinement en quelque sorte à géométrie variable, selon l’âge des individus » lui a-t-il rapporté.

« Le président de la République a demandé au gouvernement de présenter des préconisations sous 15 jours (…) Je ne doute pas que la question des personnes âgées sera traitée dans ce cadre-là. Jean-Pierre Sueur aura tous les éléments de réponse dans ce dossier qui ne relève pas du ministère de l’Intérieur » a éludé Christophe Castaner.

« Le ministre a été extrêmement évasif dans sa réponse. Je sais bien qu’il y aura des critères dans la mise en œuvre du déconfinement. Mais cette histoire de discrimination par l’âge provoque des réactions extrêmement négatives » prévient Jean-Pierre Sueur contacté par publicsenat.fr, vendredi.

Augmentation des décès à domicile des personnes âgées

« Mettre en place un critère d’âge, c’est stigmatisant et injuste. Il ne peut y avoir d’autres critères que le critère clinique de fragilité individuelle. On peut être plus en forme à 70 qu’à 50 ans » fait valoir le professeur Olivier Guérin, président de la Société française de gériatrie et de gérontologie. Olivier Guérin alerte également sur l’impact sanitaire lié au confinement. « Il y a une augmentation des décès à domicile des personnes âgées qui est liée notamment à une baisse d’affluence aux urgences de l’ordre de 50%. Le confinement est nécessaire mais n’oublions pas qu’il entraîne une aggravation des pathologies, une baisse de l’activité physique, une perte de muscles, ou encore une réactivation des troubles anxieux ».

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen évoque, quant à elle, dans le quotidien allemand Bild, une échéance très lointaine, la fin de l’année 2020, pour le déconfinement des seniors. « Nous n'avons pas dit en France que ce confinement durerait jusqu'à Noël »  s’est vu obligé de réagir sur RTL le ministre des Solidarité et de la Santé, Olivier Véran

« Le lien familial est la ressource identitaire la plus forte pour les résidents en EHPAD

Quant à la situation des résidents en EHPAD, le ministre assure qu’il rendra « possibles les visites du monde extérieur, des aidants, des amis et de la famille, lorsque nous aurons la garantie que la circulation du virus est devenue suffisamment faible pour que le risque soit considéré comme faible ». D’ici là, Olivier Véran a expliqué « développer la visio qui permet de casser un peu l'isolement dans les établissements ».

« C’est mieux que rien mais ce n’est pas suffisant, les résidents en EHPAD ont souvent des incapacités visuelles et auditives et fonctionnent beaucoup au toucher. Le lien familial est la ressource identitaire la plus forte chez elles. N’oublions pas que la vie en EHPAD peut être vécue comme une véritable épreuve. Les liens d’amitié sont rares. Les résidents ressentent le manque de moyens humains et financiers. Seule une minorité a choisi d’y vivre. Il faut qu’ils puissent continuer à avoir des liens avec leur famille » rappelle Valérie Trépied, sociologue, docteure à l’EHESS et spécialiste de la vie en EHPAD.

 

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