Pouvoir d’achat : « On va vers une inflation de 4 % », prévient Michel-Edouard Leclerc

Pouvoir d’achat : « On va vers une inflation de 4 % », prévient Michel-Edouard Leclerc

Le président du comité stratégique des magasins Leclerc était auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat. L’occasion pour lui de revenir sur la polémique entourant la baguette de pain vendue à 29 centimes et sur l’inflation qui va peser sur le pouvoir d’achat des Français.
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C’est une audition fleuve de plus de deux heures qui s’est déroulée mercredi matin à la commission des affaires économiques du Sénat. Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique des centres commerciaux Leclerc n’est pas venu faire une énième mise au point suite à la polémique sur la baguette de pain vendue à 29 centimes dans ses magasins. « Notre invitation est antérieure à cette annonce » précise d’emblée Sophie Primas (LR) en introduction. Ce qui ne l’empêchera pas d’en parler à plusieurs reprises.

C’est plus généralement, le regard de Michel-Édouard Leclerc sur les préoccupations des Français (le pouvoir d’achat, l’inflation, la rémunération des agriculteurs, les nouvelles habitudes de consommation ou encore transformation du modèle alimentaire français), que les élus souhaitent connaître.

« Pendant la crise, on a mangé n’importe quoi »

Fort de 140 000 salariés et 18 millions de clients, Michel-Edouard Leclerc se targue de pouvoir observer « les comportements sociaux ». « Vous êtes tous engagés politiquement. On parle de primaires à 120 000 (électeurs), nous, on a 18,5 millions de clients. On puise là une source d’information que je n’entends pas ailleurs […] Pendant la crise, on a mangé n’importe quoi. On a dit que c’était le bio qui avait marché. Non, ce n’est pas vrai, c’est le snacking, on n’a jamais mangé autant de pâtes, riz, plats transformés. Maintenant, c’est passé, la pédagogie sanitaire est réinstallée dans la consommation des Français […] La transformation du modèle alimentaire français vers un modèle plus vertueux, c’est en marche » assure-t-il.

Aïe. L’expression fait sourire dans la salle où très peu des membres de la commission sont membres de la majorité présidentielle. Michel-Edouard Leclerc poursuit sur sa lancée. « Au-delà de tout ce qu’on a critiqué, j’ose dire que l’Etat m’a impressionné, par sa présence, par sa souplesse. Toute notre filière agroalimentaire a été très bien drivée », se réjouit-il avant de se montrer optimiste pour l’avenir. « La croissance tient son rang. La menace qui pèse, c’est le retour de l’inflation. Il n’y a pas eu beaucoup de faillites. Le quoi qu’il en coûte a marché ».

Des propos qui font une nouvelle fois tiquer dans l’assistance. « J’apporte un bémol à vos félicitations au gouvernement. Hier, on a appris qu’on avait eu un record absolu de faillites en ce début d’année », tient a souligné Sophie Primas.

« Je ne suis pas le Michel Leclercq dont vous parlez »

Si les échanges sont courtois, voire parfois chaleureux, le sénateur LR Laurent Duplomb est le seul à se démarquer, en attaquant bille en tête le patron des supermarchés. « Vous vous présentez comme le chevalier blanc du consommateur en faisant savamment oublier que vous vous enrichissez. Vous vous êtes enrichi en 2021 de près de 75 millions d’euros, augmentant votre rémunération de plus de 40 millions d’euros », l’accuse-t-il.

Quelque peu interloqué, Michel-Edouard Leclerc rectifie. « On va garder un ton bon enfant pour que chacun garde la tête haute. Je ne suis pas le Michel Leclercq dont vous parlez, le Michel Leclercq avec un q, qui est dans le top 10 des fortunes de France, c’est le fondateur de Decathlon […] Mon patrimoine il est l’équivalent d’un petit supermarché et je paye bien mes impôts en France. Je ne suis pas ce Leclercq dont tout le monde parle sur les réseaux sociaux ».

Baguette à 29 centimes : « Nous n’avons que du positif »

L’incident passé, les sénateurs sont bien sûr revenus sur la polémique entourant le prix de la baguette à 29 centimes d’euros. « Sur les réactions de notre clientèle, nous n’avons que du positif alors qu’à la télévision, les corporations, les élus, les ministres… me disent que ce n’est pas bien. Je me dis qu’il y a une déconnexion. Ces gens ne savent pas le prix des choses. Les premiers prix sont revenus à la lumière de la crise […] Les Français sont sensibles aux prix. Leur préoccupation essentielle, c’est le pouvoir d’achat. Moi, je dois y répondre. Tous ceux qui disent qu’on doit augmenter les prix, et bien qu’ils aillent monter leur commerce pour nous dire comment ils font », insiste-t-il.

Pour mémoire, des céréaliers, meuniers et boulangers, ainsi que la FNSEA, premier syndicat agricole, ont dénoncé dans un communiqué commun « des prix volontairement destructeurs de valeurs », s’indignant d’une « annonce démagogique ».

« Mon souhait, ce n’est pas d’opposer aux consommateurs, un mur de hausse »

Est ici en jeu, la mise en application de la loi Egalim 2 visant à œuvrer pour une « juste rémunération des agriculteurs » dans les relations commerciales entre les différents secteurs de l’agroalimentaire.

« Nos factures d’électricité augmentent de 200 millions dans nos centres Leclerc […] Il y a les hausses de matières premières » commence par rappeler l’intervenant du jour avant d’ajouter : « On va vers une inflation de 4 % que ne pourrons pas faire absorber à nos 18 millions de consommateurs. On ne peut pas faire un mur d’augmentation de prix, fin mars. Quand bien même, ça plairait à la FNSEA, aux lobbies des industriels, ce ne sont pas eux qui vont l’assumer, c’est dans nos magasins que ça va se passer. On va essayer d’être intelligent, de la diluer (cette inflation) […] La négociation commerciale de la loi Egalim est très compliquée. Mais on ne part pas dans l’agressivité », assure-t-il. Il précise également que les magasins Leclerc « ont été les premiers à appliquer les hausses tarifaires de 20 % sur les pâtes et « on s’est fait épingler dans le Parisien ». « Oui, on va faire passer les inflations nécessaires. Mais on a les pétoches de ce qu’il va se passer. On ne veut pas casser la croissance […] Mais j’insiste auprès du monde agricole. Nous allons appliquer ces hausses. Mon souhait, ce n’est pas d’opposer aux consommateurs, un mur de hausse ».

Pour ce faire, Michel-Edouard Leclerc entend compenser sur ses marges et surtout « choisir des marqueurs de la consommation », comme la fameuse baguette.

 

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