Réforme controversée de la PJ : « Les voyous se frottent déjà les mains à l’idée qu’elle puisse voir le jour », alerte l’ancien patron de l’antigang
Invité ce vendredi de la matinale de Public Sénat, Yves Jobic, ancienne figure de la police judiciaire, fait partie des voix qui s’élèvent contre la réunion des différents effectifs de la police sous une même autorité. Depuis plusieurs semaines, les coups d’éclat se multiplient dans les rangs de la police judiciaire en réaction à la réorganisation administrative que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, souhaite mettre en œuvre.

Réforme controversée de la PJ : « Les voyous se frottent déjà les mains à l’idée qu’elle puisse voir le jour », alerte l’ancien patron de l’antigang

Invité ce vendredi de la matinale de Public Sénat, Yves Jobic, ancienne figure de la police judiciaire, fait partie des voix qui s’élèvent contre la réunion des différents effectifs de la police sous une même autorité. Depuis plusieurs semaines, les coups d’éclat se multiplient dans les rangs de la police judiciaire en réaction à la réorganisation administrative que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, souhaite mettre en œuvre.
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Les réticences face à la future réforme de la police judiciaire se multiplient. Alors que la grogne des officiers, qui multiplient depuis plusieurs semaines les opérations de protestation, ne retombe pas, c’est désormais le Conseil supérieur de la magistrature, qui sort de sa réserve habituelle pour exprimer sa « profonde préoccupation ». « Le Conseil tient à rappeler que toute réforme touchant à la police judiciaire dans un Etat de droit doit respecter un ensemble de garanties, corollaires indispensables du principe d’indépendance de l’autorité judiciaire », écrit cette institution, chargée de veiller à l’indépendance de la justice, dans un communiqué publié mercredi 26 octobre sur Twitter. Invité de la matinale de Public Sénat, Yves Jobic, ancien patron de la Brigade de recherche et d’intervention de la Direction régionale de la police judiciaire de Paris, et co-auteur des Secrets de l’antigang, flics, indics et coups tordus, chez Plon, ne cache pas non plus son inquiétude. « J’ai toujours des contacts dans le milieu, par certains de mes ex-informateurs. Ils sont très surpris de cette réforme et me disent que les voyous autour d’eux se frottent déjà les mains à l’idée que cette réforme voit le jour », rapporte-t-il.

Au cœur des préoccupations, la fusion les effectifs de la sécurité publique, de la police aux frontières, du renseignement et de la PJ sous l’autorité d’un unique « directeur départemental de la police nationale ». L’objectif défendu par le ministère de l’Intérieur : en finir avec un fonctionnement en silos. Mais les syndicats redoutent de voir les enquêteurs expérimentés de la PJ être mobilisés sur des tâches liées à la sécurité du quotidien, ou administratives, afin de remédier aux manques d’effectifs.

« On va avoir mécaniquement une baisse très nette des incarcérations »

« Clemenceau a créé la police judiciaire en 1907, déjà à l’époque il s’était rendu compte que les malfaiteurs travaillaient, opéraient au-delà de l’échelle d’un département », note Yves Jobic. « Avec cette réforme on veut placer la PJ sous l’autorité d’un directeur départemental de la Police nationale qui sera, dans 99 % des cas, issu de la sécurité publique, donc ce sera un généraliste qui n’aura ni la culture ni la formation de l’investigation. […] On va faire absorber les actuels 5 000 enquêteurs de la PJ dans cette nouvelle architecture pour venir renforcer les officiers de police judiciaire des commissariats qui sont débordés, pour travailler sur la petite et moyenne délinquance. Ces enquêteurs hyper-compétents de la PJ vont être obligés de délaisser leur cœur de métier qui est la criminalité organisée : trafic de stupéfiants, d’armes, de véhicules, d’êtres humains, mais aussi la délinquance financière, corruption des élus, mafia… », alerte l’ancien responsable de l’antigang.

« Autre conséquence mécanique : les délinquants qui sortent de garde à vue d’un service de PJ sont, dans 99 % des cas, incarcérés […]. Dans la police nationale, le ratio est inversé : seuls 10 % des gardés à vue sont écroués. On va donc avoir mécaniquement une baisse très nette des incarcérations qui va se traduire par le fait que les criminels professionnels auront le champ libre », alerte encore Yves Jobic. « Ils n’auront plus en face d’eux des policiers pour les combattre, et beaucoup moins de risques d’aller en prison. »

» Lire aussi - « Dangereuse », « mal engagée » … La réforme de la police judiciaire a du mal à convaincre au Sénat

Le départ du patron de la PJ de Marseille, « une maladresse » de Gérald Darmanin

Le limogeage vendredi 7 octobre du directeur de la police judiciaire de Marseille, Éric Arella, a déclenché une vive émotion au sein de l’institution. Ce policier très respecté a été démis de ces fonctions en réaction à une « haie du déshonneur » organisée par 200 membres de la PJ marseillaise à l’occasion d’une visite du directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, venu défendre la réforme. « Gérald Darmanin a sacrifié sur l’autel de la réforme de la PJ Éric Arella, qui restera dans l’histoire comme un grand flic à qui on a coupé la tête. C’est une maladresse. De manière générale, les politiques ne comprennent pas très bien la PJ » soupire Yves Jobic. « Cette réforme a été proposée avec des arguments positifs sur certains plans, mais concernant l’intégration de la PJ dans le dispositif, je pense qu’il y a une erreur et qu’il n’est pas trop tard pour corriger le tir et procéder à des réglages », enjoint notre invité.

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