Variant du covid-19 à Bagneux et Chantepie : Olivier Véran a-t-il parlé trop vite ?

Variant du covid-19 à Bagneux et Chantepie : Olivier Véran a-t-il parlé trop vite ?

Très transmissible, une souche britannique du coronavirus circule sur le territoire national. Si les cas sont pour le moment peu nombreux, le ministre de la Santé a évoqué deux foyers de contamination jeudi soir, en Ile-de-France et en Ille-et-Vilaine.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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Le retour de la « menace fantôme » ? Britanniques ou sud-africains, les variants du covid-19, 40 à 70 % plus transmissibles que le coronavirus « classique », inquiètent les autorités sanitaires, ministre de la Santé en tête. Jeudi soir, Olivier Véran a indiqué prendre très au sérieux « deux clusters à risque » du variant britannique, à Bagneux (Ile-de-France) et Chantepie (Ille-et-Vilaine). Au risque d’en faire trop ? Sur place, les situations sont complexes. Public Sénat fait le point avec les sénateurs des départements concernés.

À Chantepie, un « variant » non britannique

Le premier « cluster à risque » de contamination au variant évoqué par le ministre a été détecté dans un établissement pour personnes âgées près de Rennes, le Pôle Gériatrique Rennais de Chantepie. Au total « 7 résidents et 2 professionnels présentent une forme variante du virus », explique la sénatrice centriste du département, Françoise Gatel (UC). « Toutes les mesures ont été prises pour renforcer les protections sanitaires, les visites et les sorties sont interdites. Chacun s’interrogeant sur l’introduction d’une variante, qui viendrait peut-être d’un enfant d’un employé, enfant qui aurait fait un déplacement en Angleterre », précise-t-elle. Une chose est déjà certaine, selon les analyses menées par l’Agence régionale de Santé (ARS) Bretagne, la première contamination, celle d’une professionnelle de santé, « ne correspond pas au variant britannique ». Dans le cas du cluster breton, « la maladie ne semble pas différente des autres. Il y a eu des analyses parce qu’il y avait un lien avec l’Angleterre. Mais la dynamique clinique de cette épidémie dans ce cluster n’est pas différente des autres », selon Matthieu Revest, infectiologue au CHU de Rennes. Pour les sept résidents et l’autre professionnel qui présentaient également une forme variante du virus, « les résultats du séquençage sont attendus d’ici le début de la semaine prochaine », précise l’ARS. Françoise Gatel ajoute qu’il y a eu un dépistage sur l’unité concernée et les 17 professionnels qui travaillent dans le service.

L’ensemble des résidents positifs porteurs d’une forme variante a été transféré dans un secteur dédié (zone réservée covid-19). « Les professionnels sont isolés à leur domicile. Un dépistage massif sera à nouveau renouvelé pour les professionnels et résidents dans six jours », ajoute l’Agence. En outre, selon la sénatrice socialiste d’Ille-et-Vilaine, Sylvie Robert (SER), cet Ehpad, faisant partie des établissements prioritaires, a déjà bénéficié de quelques vaccinations. Du reste, elle plaide pour une communication mesurée et sourcée du gouvernement. « Que le ministre alerte et soit en vigilance sur le variant britannique, très bien. Mais il faut d’abord bien s’assurer avec ses sources, que les situations sont bien celles qu’il dévoile. Il faut faire attention aux fausses informations. On est dans un moment où il faut éviter l’emballement. C’est la confiance de nos concitoyens qui est en jeu. Il faut que la parole publique soit fondée sur des infos vérifiées. Et les premières analyses des personnes testées indiquent formellement qu’une des personnes positives ne l’est pas au variant britannique », insiste-t-elle. D’autant que la matière est inflammable dans la population. « L’arrivée de variants en Ille-et-Vilaine rajoute de la crainte et de la peur. Les gens savent qu’il est plus transmissible. Alors en plus des annonces de Castex, c’est comme un brouillard qui tombe et qui rend l’horizon bouché… », regrette Françoise Gatel.

« Mais un professeur du CHU de Rennes précise que si cette variante est plus contaminante, il n’y a pas de preuve que le vaccin ne pourrait pas permettre de lutter contre cette variante », poursuit-elle, arguant pour que « tout l’écosystème de l’Ehpad, du technicien de surface au médecin », soit vacciné. En effet, le laboratoire BioNTech a précisé vendredi dans un communiqué que son vaccin contre le covid-19 réalisé en collaboration avec Pfizer semble efficace contre une « mutation clé » des variants britannique et sud-africain du coronavirus. Françoise Gatel presse : « On doit pouvoir tirer les leçons de la situation de Chantepie ! ».

À Bagneux, « il n’y a pas de cluster du variant ! »

Dans la ville d’Ile-de-France, c’est à partir « d’une personne travaillant dans deux établissements scolaires » au titre d’animateur scolaire en école maternelle, qu’un « foyer de contamination » a été identifié. L’ARS doit désormais identifier où cette personne a contracté le variant britannique, alors même qu’elle n’a pas voyagé au Royaume-Uni. Mais à écouter le sénateur LREM local, Xavier Iacovelli (RDPI), « il y a eu une erreur de communication. Il n’y a pas de cluster du variant à Bagneux ! » Et pour cause, une dizaine de cas contacts ont bien été identifiés et testés. Mais si certains sont positifs au coronavirus, aucun ne l’est « a priori » à la souche du variant britannique, a déclaré la maire communiste Marie-Hélène Amiable lors d’une conférence de presse vendredi. « L’animatrice qui a contracté la souche britannique du virus est à l’isolement depuis Noël et a été testée avant les vacances. La question est de savoir si elle a diffusé cette souche avant les fêtes », détaille le sénateur, qui s’est entretenu au téléphone avec la maire de Bagneux. « Il n’y a donc pas de cluster à Bagneux et dans ces établissements, il faut rassurer la population », poursuit-il. L’ARS et l’Education nationale n’ont pour le moment pas décidé de fermer les établissements scolaires fréquentés par l’animateur.

À Bagneux, l’heure est au dépistage de la population. « L’essentiel est de faire de la protection et des tests importants et massifs » a expliqué Marie-Hélène Amiable. Un total de 200 personnes de la communauté éducative de Bagneux est testé dès aujourd’hui, a indiqué la maire. Les résultats seront disponibles demain. « L’ARS et la ville ont décidé de faire un dépistage massif de la population sur 3 - 4 jours », ajoute Xavier Iacovelli. Il sera ouvert aux adultes comme aux enfants afin d’identifier un maximum de nouveaux cas, et espérer freiner la diffusion du variant.

En fin de journée ce vendredi, Roger Karoutchi, sénateur les Républicains des Hauts-de-Seine, a pu s’entretenir avec le préfet du département. « Il n’était pas si inquiet que ça », confie-t-il. « Il a convenu qu’il n’aurait pas fallu utiliser le terme de cluster. Un cluster c’est trois cas, pour le moment à Bagneux il n’y a qu’un cas. C’est imprudent de la part du ministre. En Bretagne, il semble de plus que ce ne soit pas la souche britannique. On est allés un peu vite, on aurait mieux fait de dire qu’il y avait des doutes. Le terme de cluster inquiète la population… », souligne le vice-président du Sénat. « En l’état actuel, il n’y en a pas ».

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