Anticor met la pression sur le numéro 2 de l’Elysée, accusé de conflits d’intérêts

Anticor met la pression sur le numéro 2 de l’Elysée, accusé de conflits d’intérêts

Déjà fragilisé par le Sénat, qui vient de décider de saisir la justice de son cas dans l'affaire Benalla, le secrétaire général de l'Elysée...
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Par Benjamin LEGENDRE

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Déjà fragilisé par le Sénat, qui vient de décider de saisir la justice de son cas dans l'affaire Benalla, le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler est de nouveau sous pression avec une nouvelle plainte d'Anticor sur ses liens familiaux controversés avec l'armateur italo-suisse MSC.

L'association anticorruption a adressé une troisième plainte au parquet national financier (PNF), qui enquête depuis un an sur des soupçons de conflits d'intérêts entre les postes d'Alexis Kohler dans la fonction publique et ses liens avec le groupe fondé et dirigé par des cousins de sa mère, la famille Aponte.

"La confiance en Alexis Kohler de la part du président de la République est totale", a réagi le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, à l'issue du Conseil des ministres.

L'association anticorruption accuse cette fois le bras droit d'Emmanuel Macron de "faux et usage de faux" et d'"omission substantielle de ses intérêts", en l’occurrence d'avoir dissimulé deux éléments dans différentes déclarations sur l'honneur: ses liens familiaux avec l'armateur et le fait d'avoir été impliqué, comme fonctionnaire, dans des décisions concernant MSC, selon la plainte rédigée le 18 mars et dont a eu connaissance l'AFP.

Deux de ces déclarations avaient été adressées en 2014 et 2016 à la commission de déontologie de la fonction publique, lorsque le haut fonctionnaire avait souhaité travailler pour l'armateur.

Gianluigi Aponte, patron du groupe MSC, inaugure en 2009 le paquebot MSC Splendida à Saint-Nazaire
Gianluigi Aponte, patron du groupe MSC, inaugure en 2009 le paquebot MSC Splendida à Saint-Nazaire
AFP/Archives

La première fois, la commission s'y était opposée: "M. Kohler a, en qualité de représentant de l'Etat au conseil d'administration de la société STX France (les chantiers de Saint-Nazaire, dont MSC était le principal client, ndlr), participé en février 2012, à une délibération du conseil autorisant la conclusion d'un contrat d'achat d'un paquebot par la société MSC", concluait son avis du 10 juillet 2014 cité par la plainte.

Mais deux ans plus tard, la commission rendait un avis favorable.

L'énarque, qui venait de quitter le ministère de l'Economie après la démission d'Emmanuel Macron, était alors devenu directeur financier de la filiale croisières du groupe. Il quittera ces fonctions au bout de quelques mois pour rejoindre l'Elysée à l'élection de M. Macron en mai 2017.

Emmanuel Macron, à l'époque ministre de l'Economie, et Alexis Kohler, qui était son directeur de cabinet, à Matignon le 07 mars 2016
Emmanuel Macron, à l'époque ministre de l'Economie, et Alexis Kohler, qui était son directeur de cabinet, à Matignon le 07 mars 2016
AFP/Archives

Lors de ces procédures, les liens familiaux de M. Kohler avec l'armateur n'avaient jamais été mentionnés.

Anticor en déduit que M. Kohler a omis de les mentionner dans trois déclarations d'intérêts qu'il a dû remettre à la Haute autorité pour la transparence (HATVP), en vertu de la "loi Cahuzac" de 2013.

Selon cette loi, une telle omission est punie au maximum de trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.

- "Omissions de déclaration" -

"En ciblant cette fois ces omissions de déclarations, on remonte peu à peu aux racines d'un système", a commenté auprès de l'AFP l'avocat d'Anticor, Me Jean-Baptiste Soufron.

En mai 2018, le PNF a ouvert une enquête sur cette affaire après de premières révélations de Mediapart pour "vérifier si les règles relatives à la mise en disponibilité des agents publics ont bien été respectées" lorsque M. Kohler a rejoint l'armateur en 2016.

Dans la foulée, Anticor avait déposé une première plainte contre le bras droit du président, en qualifiant les faits de "prise illégale d'intérêt", "trafic d'influence" et "corruption passive".

Le port du Havre en 2017
Le port du Havre en 2017
AFP/Archives

L'association avait complété sa plainte par un deuxième courrier le 8 août, au lendemain de nouvelles révélations de Mediapart.

Il s'agissait cette fois de procès-verbaux du conseil de surveillance du Grand Port maritime du Havre (GPMH), où Alexis Kohler siégeait de 2010 à 2012 comme représentant de l'Agence des participations de l'Etat (APE) aux côtés du maire du Havre, l'actuel Premier ministre Edouard Philippe.

Le numéro deux de l'Elysée affirme s'être "toujours déporté" (s'être écarté des débats, ndlr) quand il a eu à connaître comme haut fonctionnaire des dossiers impliquant MSC.

Cependant, ces documents attestent qu'en septembre 2010 et 2011, il a pris la parole et voté en faveur de contrats à venir entre GPMH et Terminal Normandie MSC (TNMSC), filiale française de l'armateur et acteur majeur de l'extension du port alors en cours.

Mediapart s'est vu, depuis, refuser par la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) le droit d'obtenir la déclaration d'intérêts de M. Kohler lors de sa nomination au port du Havre. Selon le site, les enquêteurs ne sont eux non plus pas parvenus à obtenir ce document.

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